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Prime de l’ex-DG d’Air France :
la moindre décision de gestion
devra-t-elle être désormais soumise au bon vouloir du gouvernement ?
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Chasse aux sorcières

Après l’hyper-présidentialisation, l’hyper-politisation ? Les Français ont désavoué l'omniprésence de Nicolas Sarkozy, François Hollande, lui, leur promettait une présidence "normale" avec un chef de l'Etat "ne s'occupant pas de tout". Mais le compte y-est-il si le gouvernement commence à faire des exemples de tout ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Alire également, l'interview de Jean-Louis Baroux : Air France : Une clause de non-concurrence ? Absurde : une compagnie aérienne n’a pas de secrets

D’un côté, il y a Paul-Henry Gourgeon. Il avait un contrat de droit privé soumis au Code du Travail, avec un employeur : Air France. Il avait servi sous la gauche : cabinet Fabius en 1984 puis cabinet Delebarre en 1988. Il est un fidèle de Jean-Cyril Spinetta, administrateur civil de l’Education Nationale, homme de gauche, devenu patron d’une Air France moribonde. Spinetta remonte Air France et Gourgeon lui succède en 2009 au poste de directeur général.

Gourgeon gagne 100 000 euros bruts par mois là où Spinetta en gagnait 60 000. Il est débarqué en octobre 2011 et remplacé par un hiérarque sarkozyste. En février 2012, il défraie la chronique en prenant des billets business class pour l’île Maurice à 25 euros, avec sa femme, alors que l’entreprise va mal. D’une certaine façon, il incarne cette classe de fonctionnaires qui ont fait leur carrière sous la gauche et leur fortune égoïste sous la droite.

Il est parti avec 400 000 euros en poche en échange d’une clause de non-concurrence qui ne vaut que ce qu’elle vaut, mais qui fut, semble-t-il, validée par les autorités de l’époque. Elle lui interdit de rejoindre un concurrent pendant une durée de trois ans. Soit une indemnité de 10 000 euros par mois. Pour un bénéficiaire du RSA ou un Smicard, cette somme est énorme. Pour un cadre dirigeant, elle est plutôt modeste. En tout cas, personne ne peut en contester la légalité, semble-t-il.

La gauche gagne les élections et a manifestement un compte à régler avec lui. Sa clause de non-concurrence est clouée au pilori dans des conditions particulièrement sales. Même le Kansas City Star en parle. Gourgeon, lorsqu’il a intégré Air France en 1993, pensait-il qu’un jour les habitants du Kansas sauraient tout des conditions de son départ d’Air France?

En France, il y a une loi (de juillet 1978) qui protège la confidentialité des données personnelles dont l’Etat est détenteur. Et aujourd’hui cette loi est violée pour des raisons politiciennes. Je trouve cela très inquiétant.

Car, sur le fond, on l’aura compris, je ne suis ni choqué par le montant de la clause dont Gourgeon a bénéficié (qui me semble basse par rapport à la moyenne du marché), ni choqué par l’idée que la nouvelle équipe au pouvoir s’en indigne. François Hollande a gagné sur un certain nombre de thèmes dont la modération salariale chez les grands patrons. Il est démocratiquement légitime à la revendiquer. Je n’y trouve rien à redire.

Ce qui me choque profondément, c’est la méthode, qui consiste à livrer un homme seul en pâture aux médias. Quand on représente l’appareil d’Etat, quand on l’incarne, cette chasse à l’homme est indigne.

Sur le fond que lui reproche-t-on ? Il a négocié son départ, les autorités légales de l’époque ont soutenu l’arrangement, et le fond de la décision ne paraît pas manifestement disproportionné par rapport aux moyennes du marché. L’instruction d’un procès rétroactif paraît ici pour le moins maladroite.

Surtout, ce procès symbolique fait à un homme seul flirte avec la violation des données personnelles protégées par la loi. Personnellement, je trouve cette violation très sympathique. La loi de 1978 bloque la transparence des données administratives en France. Elle doit être réformée car elle n’est plus adaptée au monde moderne.

Maintenant, dès lors que le gouvernement de la République choisit de violer la loi pour un homme, il doit accepter de la violer pour tous. Et c’est là que la boîte de Pandore est ouverte.

Puisque que le grand déballage de linge sale a commencé, cela m’intéresserait de connaître en détail la rémunération des gens qui donnent des leçons à M. Gourgeon. Pas seulement celle des élus, y compris celle du Président de la République qui a réussi l’exploit de ne payer que 5.000 euros d’impôt sur le revenu avec des ressources qui devraient le placer dans la tranche marginale des 40%. On aimerait savoir par quelle niche fiscale il est parvenu à s’exonérer autant de ses obligations.

J’aimerais aussi connaître la rémunération de tous les conseillers de cabinet qui viennent de prendre leurs fonctions. Et la rémunération des fonctionnaires qui accèdent aujourd’hui aux responsabilités par décret en Conseil des Ministres.

Car, au jeu du Say on Pay, on sait toujours qui perd. On ne sait jamais qui gagne.

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