Présidentielle 2022 : qui sont vraiment les influenceurs de vote ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quels sont les principaux déterminants du vote ?
Quels sont les principaux déterminants du vote ?
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Formation du vote

Magali Berdah, agent de stars de la télé-réalité, suit les candidats de l'élection présidentielle et fait vivre la campagne électorale sur les réseaux sociaux. Quels sont les réels déterminants du vote ? Qui arrive à convaincre le plus parmi les candidats, les médias, les réseaux sociaux, le cercle familial ou les militants ?

Anne Muxel

Anne Muxel

Anne Muxel est docteure en sociologie et directrice de recherches en science politique au CEVIPOF.

Elle fait partie du comité de rédaction de la Revue française de sociologie.

Elle est l'auteur de plusieurs livres sur le rapport entre les jeunes et la politique : La politique au fil de l'âge, Paris, Presses de Sciences Po, 2011
Avoir 20 ans en politique. Les enfants du désenchantement, Paris, Seuil, 2010
Toi, moi et la politique. Amour et convictions, Paris, Seuil, 2008

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Atlantico : L’Obs consacrait récemment un portrait à Magali Berdah, l’influenceuse qui évolue actuellement autour des différents candidats à la présidentielle. A l’heure des réseaux sociaux, les « influenceurs » à proprement parler ont-ils un impact sur leur public concernant leur vote ?

Anne Muxel : Les réseaux sociaux et leurs influenceurs se surajoutent à tout un ensemble de facteurs qui peuvent orienter le comportement électoral des individus. Il est difficile d’en isoler un parmi d’autres. Les déterminants du vote se sont diversifiés. La décision électorale elle-même est devenue de plus en plus imprévisible, de plus en plus incertaine. Le profil de l’électeur a changé. Il  est moins dépendant de  la norme civique associée à l’acte électoral et relève moins de la notion de devoir. L’expression d’un droit, le fait de donner son avis, comptent davantage.  Les enjeux de l’élection, la nature de la compétition électorale, le type de scrutin et le contexte dans lequel se fait l’élection vont peser et venir s’articuler à des déterminants plus structurels bien repérés comme l’origine sociale, la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance, la filiation politique. La famille joue toujours un rôle  important dans la fabrique des identités politiques des individus. Des effets d’âge ou de positionnement dans le cycle de vie peuvent aussi compter.

Les influenceurs, les réseaux sociaux et les plateformes de vidéos sont de nouveaux vecteurs d’influence qui peuvent concurrencer les médias classiques, tels que la presse, la radio ou la télévision. Mais ces dernières sont toujours des sources d’informations utilisées par les citoyens. La question « la télévision fait-elle l’élection » est une question récurrente des réflexions et des travaux de science politique. Elle a bien un rôle mais il est difficile de le mesurer précisément et de la dissocier des autres vecteurs  d’influence auxquels est soumis électeur. Dans le cadre d’une élection donnée, à un moment de la trajectoire de vote et de la vie d’un individu, le message d’un influenceur ou d’une influenceuse peut passer mais cela ne veut pas dire que cela orientera durablement le vote, notamment lors de la prochaine élection. L’électeur d’aujourd’hui est mobile dans ses choix et de moins en moins systématique quant à sa participation.

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Désormais omniprésents, les réseaux sociaux jouent-ils un rôle important dans la formation du vote ?

Les réseaux sociaux jouent un rôle nouveau dans la formation du vote. Ils représentent un nouvel espace d’échanges et de discussions venant nourrir notamment les discussions dans le cercle des proches. C’est d’abord en famille, et notamment en couple, que l’on parle de politique. Les réseaux sociaux alimentent la confrontation des opinions, l’évaluation des candidats et des programmes. La vie privée est un champ d’expérience démocratique.  S’y réfracte ce qu’il se passe dans l’espace public. La politisation des individus emprunte aussi les voies de l’intime. Paul Lazarsfeld et son équipe en leur temps, dans les années 1960, avaient bien montré toute l’importance effectivement des influences de proximité sur le choix de l’électeur en dernier ressort.

Par rapport à toutes ces sources d’influence, quelle est la part qui revient aux candidats eux-mêmes ou aux formations politiques ?

La façon dont un candidat ou une candidate va mener sa campagne, réussir ou pas sa prestation télévisée, se montrer convaincant ou pas lors d’un débat télévisé va peser. Mais l’électeur évalue ces performances à partir d’un certain nombre d’a priori, de pré-choix qu’il va chercher à conforter. Il n’y a pas un facteur décisif mais un jeu de facteurs pouvant évoluer au fil de la campagne. Le processus de la décision électorale est mouvant. Certains événements de campagne peuvent conduire à des réajustements, à des repositionnements sur  l’échiquier politique. Des événements politiques externes peuvent aussi compter.     

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A quel point les citoyens sont-ils influençables ? Lorsque l’on parle de l’influence, peut-elle être déterminante ou ne fait-elle que conforter les choix ?

A la marge, elle peut aboutir à provoquer un changement mais globalement les logiques d’influence répondent plutôt au fait de conforter des choix pré-établis. Les influences issues des réseaux sociaux notamment confortent la plupart du temps des pré-choix qui se transformeront en choix.     

Si l’on s’intéresse aux déterminants du vote, qu’est-ce qui est le plus susceptible de convaincre un individu d’adopter un comportement électoral ?

Le processus d’apprentissage qui s’est fait dans le cercle familial est assez déterminant du comportement électoral de l’individu. On sait qu’un certain nombre d’attitudes, de comportements se fixent de façon précoce dès l’enfance, par imprégnation.  Très tôt, les enfants arrivent à capter les attitudes, les choix, les comportements politiques de leurs parents. L’exemple et le niveau de politisation des parents jouent un rôle important. Les parents qui vont emmener leurs enfants aux bureaux de vote lorsqu’ils vont voter ou à des manifestations, des familles dans lesquelles on va discuter de politique et dans lesquelles les choix des parents sont affirmés et explicites, très tranchés entre la gauche et la droite, provoquent des effets d’entraînement sur la politisation des enfants au fur et à mesure qu’ils avancent en âge. La politique est toujours ce qui se transmet le plus dans les familles.

Anne Muxel, Directrice de recherches au CEVIPOF (CNRS/Sciences Po), a notamment publié avec Bruno Cautrès, Histoire d’une révolution électorale (2015-2019), Paris, Classiques Garnier, 2019

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