La candidature Hulot au banc d'essai des publicitaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Tout les feux sont... au vert pour le candidat écolo Hulot ?
Tout les feux sont... au vert pour le candidat écolo Hulot ?
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Fils de pub

Jacques Séguéla, Frank Tapiro : deux stars de la pub et de la communication politique ayant travaillé sur de nombreuses campagnes électorales. Ils décryptent pour Atlantico le lancement de la candidature de Nicolas Hulot. Et livrent quelques secrets de fabrication...

Jacques Séguéla

Jacques Séguéla

Jacques Séguéla est un publicitaire, cofondateur de l'agence de communication RSCG en 1970 (absorbée par le Groupe Havas en 1996). 

Il s'est impliqué dans la communication de nombreuses personnalités politiques.

Il a récemment publié Le pouvoir dans la peau, Plon, 2011.

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Frank Tapiro

Frank Tapiro

Frank Tapiro est dondateur d’Hémisphère droit, actuel président de la société de conseil créatif HOUTSPA et cofondateur de la startup DATAKALAB.

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Atlantico : Nicolas Hulot a lancé officiellement, ce mercredi 13 avril, sa candidature à l’élection présidentielle. Il a choisi de le faire à Sevran, en Seine Saint-Denis. Qu’en pensez-vous ?

Frank Tapiro : Moi, je lui aurais conseillé de lancer sa candidature depuis le Japon. Tout le monde a en tête la catastrophe écologique de Fukushima. Je n’aurais pas hésité une seule seconde. Je suis sidéré par le manque de courage et d’innovation du personnel politique. A part malheureusement Marine Le Pen qui est de son temps, aujourd’hui, de droite comme de gauche, nous avons affaire à une parodie de politique. Pas besoin des guignols de Canal+ ! Les primaires PS, j’appelle cela les « déprimaires » : les socialistes sont tellement sûrs de gagner qu’ils vont perdre, l’UMP est amorphe et le centre c’est « j’y vais, j’y vais pas ». Les deux seuls qui sortent du lot sont Marine Le Pen et François Hollande. Reste que si Nicolas Hulot parvient au second tour, j’ai un slogan pour lui : « il faut un autre Nicolas pour la France ! ».

Jacques Séguéla : Il faut commencer par l’enracinement. Sevran, c’est en Seine Saint-Denis, c’est un enracinement comme un autre. Il aurait mieux valu qu’il se présente depuis sa terre d’origine, mais il n’en a pas vraiment. Sa terre d’origine finalement c’est la planète entière.

Comme le disait François Mitterrand : est élu celui ou celle qui sait raconter au peuple français un morceau de la grande histoire que nous vivons, à un moment donné de cette histoire. Le moment importe donc beaucoup. Et le candidat doit être crédible. Nicolas Hulot l'est : il incarne une société durable, possède des idées nouvelles et un ton nouveau. Sans doute commettra-t-il des gaffes, mais les autres candidats également. Ce qui importe vraiment, encore une fois, c’est l’idée qu’il va incarner. Il a un vrai projet de société à porter, qui s’écarte d’un projet libéral ou socialiste. La société qu’il propose, il a même choisi de la vivre : on peut le percevoir comme une sorte de hippie médiatique qui a passé son existence à courir le monde. Cela pourrait marcher pour la présidentielle : les Français sont en attente d’un choix différent, de têtes nouvelles. Jean-Louis Borloo et lui pourraient tirer leur épingle du jeu.

Qu’est-ce qu’un lancement de campagne réussi selon vous ? Et quels sont les écueils à éviter ?

Frank Tapiro : Un bon lancement de campagne c’est un contexte et un bon timing. Il faut sentir le moment où les Français vous attendent. Ce n’est pas au candidat d’être prêt, mais aux Français de l’être. Le slogan, peu importe qu’il aille bien au candidat pourvu qu’il convienne aux électeurs. Quand j’avais eu l’idée de « La France d’après » ou de « Tout devient possible » pour le candidat Nicolas Sakozy en 2007, cela correspondait à l’air du temps. Pour 2012, nous sommes dans un contexte où le candidat devra apparaître comme celui qui fera sortir le pays de la crise.

Les écueils à éviter ? Se tromper de moyens et de dialectique : se présenter à la présidence de la République est un moment tellement important dans la vie d’un homme et d’un pays qu’il faut prendre cela de façon extrêmement sérieuse, en essayant d’être à la hauteur de ce qu’attendent les Français.

Jacques Séguéla : Le plus important c’est la dignité. Il faut que l’on sente qu’il s’agit d’un moment solennel. François Hollande l’a très bien réussi dernièrement. Le discours doit être bref, avec une hauteur de ton, il faut que le verbe soit au niveau du moment. Ce n’est pas tous les jours qu’on se présente à la présidence de la République. Cela devrait être l’un des moments les plus importants de la vie de Nicolas Hulot, même s’il est habitué à parler devant un micro.

Parmi les lancements de campagne jugés peu probants, on pourrait citer celui de Lionel Jospin en 2002 qui avait annoncé sa candidature par un simple fax envoyé à l’AFP. Avec le recul, était-ce une erreur ?

Frank Tapiro : C’est Jacques Séguéla qui s’est occupé de cette campagne. Je lui ai donné un coup de main. Par amitié pour Jacques, pas pour Lionel Jospin. Je n’aimais pas Jospin : il était tellement austère et n’écoutait personne qu’il ne pouvait pas être Président.

Annoncer sa candidature à la présidentielle par fax, c’est honteux, c’est un mépris pour les électeurs. De toutes façons, c’est le mépris qui a tué Jospin. Aujourd’hui encore, le Parti socialiste a du mal à se remettre du mépris que Lionel Jospin a affiché vis-à-vis des électeurs de base.

Jacques Séguéla : L’idée du fax était intéressante. Il s’agissait d’un moyen moderne, l’équivalent du mail d’aujourd’hui. Mais Lionel Jospin a trop tardé dans sa préparation : il a envoyé son fax, pris du temps à s’exprimer devant les journalistes et s’est finalement retrouvé à devoir s’exprimer dans l’obscurité.

Et lancer sa campagne sur Internet, ce serait novateur ! Est-ce une bonne idée ?

Frank Tapiro : J’ai toujours pensé qu’il fallait se méfier des phénomènes de mode. Rien ne fait plus d’images que la télévision et rien ne donne plus de sens que l’écrit. Internet produit certes du buzz, mais je reste méfiant sur les possibilités de passer du buzz au vote. Ségolène Royal avait beaucoup de succès sur le net, mais finalement, elle ne l’a pas emporté.

Quant à Obama, le web lui a certes été utile comme moteur d’accélération de sa notoriété, mais c’est surtout grâce à la télévision qu’il a été élu. Il suffit de se souvenir de ses prestations lors de ses débats face à John McCain. Internet reste un média intéressant, mais le « tout Internet » ne fonctionne pas : il faut être présent sur tous les médias.  

Jacques Séguéla : Une vidéo sur Internet ne lance pas une campagne, mais il n’y a pas de lancement de campagne sans vidéo. Quand on étudie la dernière campagne de Barack Obama aux États-Unis, on s’aperçoit qu’Internet a servi à stimuler ses troupes et à gagner de l’argent. Mais au final, sa campagne s’est faite surtout grâce au porte à porte, à une sorte de retour aux sources de la politique.

Lancer sa campagne par une vidéo sur Internet ne suffit pas car il faut un enracinement avec ses fidèles, que l’on voit le candidat parler en direct à la télévision avec des journalistes, sinon l’ensemble apparaît comme trop désincarné.

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