Poussée d’inflation aux Etats-Unis : les arguments pour comprendre pourquoi il n’y a pas de raison de s’inquiéter <!-- --> | Atlantico.fr
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Une personne compte des dollars dans une rue de Caracas le 19 novembre 2019.
Une personne compte des dollars dans une rue de Caracas le 19 novembre 2019.
©Federico PARRA / AFP

Flambée passagère

Le bond des prix à la consommation sur un an en avril aux Etats-Unis a atteint un rythme jamais vu depuis treize ans, en 2008. Cette hausse des prix, plus élevée que prévu, a causé un début de panique sur les marchés, avant qu’ils ne se reprennent. La Banque centrale américaine estime que cette poussée des prix n’est qu’un phénomène temporaire, lié au rebond de l’économie, et se veut rassurante.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : L’inflation américaine est-elle surprenante ?

Alexandre Delaigue : Il est toujours difficile de prévoir à l’avance ce que seront les taux d’inflation. On peut tout de même remarquer qu’à partir du moment où après une série de blocages volontaires de l’économie liés à la pandémie, il est logique que le redémarrage provoque des goulots d’étranglements apparaissant dans de nombreux secteurs. Les restaurants qui pendant un an n’ont pas pu fonctionner et qui veulent rouvrir ont du mal à recruter du personnel. Et temporairement les prix vont avoir tendance à augmenter. À cela s’ajouter d’autres goulots assez bien identifiés dans la production d’énergie, la matière première, les semi-conducteurs. Une très grande partie de la hausse des prix vient par exemple des voitures d’occasion. La pénurie des semi-conducteurs est liée à la pandémie car pendant un an les constructeurs automobiles ont arrêté leurs commandes de semi-conducteurs. Maintenant ils reprennent leurs productions, mais celle des semi-conducteurs ne suit pas. En conséquence, tout le monde achète des voitures d’occasion, les prix augmente et cela explique deux-tiers de la hausse des prix aux Etats-Unis.

Le phénomène s’explique par un redémarrage de l’économie post-pandémie. Dans certains secteurs cela peut temporairement bloquer et c’est ce qui se passe en ce moment.

Devons-nous nous inquiéter de voir aux USA une inflation qui atteint des records ?

Ce serait dangereux de s’en inquiéter et d’imaginer que cette inflation allait être très forte. Pour l’instant, c’est quelque chose de naturel vu les circonstances. Commencer à se dire que nous sommes dans une dynamique d’inflation c’est courir le risque de faire la même erreur que celle commise par l’Union européenne au début des années 2010 au moment du redémarrage d’après crise. Nous avons connu la même situation, l’augmentation des prix des matières premières… On a cassé la reprise et cela a causé au bout du compte plus de problèmes que si l’on avait accepté que pendant deux ou trois mois l’économie redémarre. S’inquièter maintenant d’une hausse de l’inflation, c’est courir dans une situation où l’on va casser la reprise par des réactions démesurées.

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Pour l’instant, avec cette inflation que l’on observe actuellement on peut espérer que ce sera résolu assez rapidement et que ce soit un phénomène temporaire.

La question peut aussi se poser de manière différente. On peut se demander si les politiques de relance ne sont pas trop fortes. Un certain nombre d’économistes comme Larry Summers considèrent que les politiques de relance sont excessives et avec un risque d’inflation sur le long terme. Pour l’instant nous n’observons pas cela, mais il faut le garder à l’esprit pour plus tard.

Une inflation américaine pourrait-elle impacter la zone euro ?

Dans la zone euro, nous allons avoir la même problématique, mais de manière décalée. Le vrai risque pour la zone euro est que tant que la vaccination n’a pas atteint un rythme suffisant et qu’il n’est pas possible de rouvrir l’activité, on se retrouve dans une situation avec une demande importante, mais nous n’avons pas la capacité de produire. Du coup, cela entraîne beaucoup de goulots d’étranglements. On pense qu’on pourrait y échapper avec une meilleure campagne de vaccination car nous avons trois à six semaines de retard avec le Royaume-Uni. Il faut espérer que l’on aura le même genre de dynamique.

Le risque pour la zone euro serait de refaire les erreurs qui ont été commises en 2010, c’est-à-dire qu’il y ait trop d’inflation et que de ce fait on ne puisse pas faire un plan de relance suffisant. Le risque est plus sur la réaction des autorités que sur le gonflement des prix. Il s'agit plus de ce risque-là qu’une situation où on se retrouverait avec une inflation record car les banques centrales savent réagir si l’inflation est trop forte.

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