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Pourquoi renforcer les crédits aux associations pour renforcer la cohésion sociale est malheureusement un investissement à fonds perdus
©flickr / pasukaru76

Le mur de la réalité

François Hollande a déclaré lors de sa conférence de presse de ce jeudi 5 février que les crédits associatifs seraient "augmentés" pour faire face à la situation sociale que Manuel Valls avait décrite comme un "apartheid". Difficile cependant de s'assurer du bon emploi de ces sommes.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : Répondant à une question sur "l'apartheid" que "vivent" certaines banlieues lors de sa conférence de presse du jeudi 5 février, François Hollande a déclaré que les crédits associatifs seraient "augmentés et préservés" pour répondre à la situation. Que nous disent les études, les rapports sur la question des associations ?

Jean-Yves Archer : La gestion publique suppose la rigueur par ces temps de crise économique. Or, le monde associatif est fort disparate en matière de qualité de gestion. Enoncer, comme l'a fait le Chef de l'Etat, que les associations allaient davantage être soutenues soulève plusieurs questions.

Tout d'abord, il est clair que cet effort budgétaire se coulera parfaitement dans le moule légal des associations dont l'agrément est issu du respect des trois critères suivants :

- Répondre à un intérêt général.

- Présenter un mode de fonctionnement démocratique.

- Respecter les règles garantissant la transparence financière.

( Loi du 12 Avril 2000 ).

Cela étant, si l'on veut être assuré (ou rassuré...) du sérieux de ce projet à destination des associations, il me semble qu'il ne faudrait le réserver qu'aux seules associations reconnues d'utilité publique (RUP).

Une association RUP doit avoir un objet statutaire revêtant un caractère général et mener des actions pertinentes dans au moins un des domaines suivants : social, éducatif, culturel, sanitaire, scientifique, environnemental, humanitaire international, etc.

Ceci exclut les associations à dominante politique (Avis du Conseil d'Etat du 13 Juin 1978), confessionnelle (Avis CE du 26 Février 1980), économique, etc.

S'agissant du domaine confessionnel nécessairement sensible, il faut savoir qu'une association philanthropique peut se voir reconnaître d'utilité publique quand bien même elle situerait son action sous un libellé confessionnel explicite. Tel est le cas, depuis 1962, du "Secours catholique".

Autrement dit, la RUP n'exclut pas de financer des associations indirectement confessionnelles, ce qui est loin du rappel à la laïcité que le Président Hollande a effectué hier. Chacun mesure les enjeux voire les risques.

Une association RUP doit comporter un minimum d'adhérents fixé à 200 et présenter une activité significative (qui est évaluée lors de la demande de RUP) ainsi que présenter des comptes fiables et dont les résultats des trois derniers exercices doivent être bénéficiaires.

Mais surtout – et c'est le centre de la question pour la gestion publique – une association RUP "ne doit pas risquer de tomber sous le contrôle de personnes publiques. Cependant cela n'interdit pas la participation de personnes publiques à la création, à l'organisation et au fonctionnement de l'association si cette participation n'altère pas le caractère privé et autonome de l'association" ( Avis CE du 25 septembre 1979, extrait du Francis Lefebvre Associations, 2013 ).

Tout contribuable lecteur aura compris le risque de voir les circuits de financement s'entremêler et aussi les circuits de décision.

Pour être clair, seule la RUP protège de dérives mais pas totalement.

On peut sérieusement craindre que la politique présidentielle ne se transforme, ici ou là, en "open bar" par des fondateurs opportunistes d'associations officiellement chargées du redoutable défi du lien social, du vivre ensemble.

Alors que de multiples actions leur sont attribuées, quelle est leur efficacité réelle ? Celle-ci est-elle mesurée ?

L'efficacité sociale associative est un patchwork et aucune étude d'ensemble n'a réuni des gestionnaires, des politiques, des sociologues, etc. Il y a eu des travaux épars mais qui ne permettent pas d'élaborer un barème d'efficience.

On voit les flux financiers engagés, on discerne mal le véritable impact (spontané ou de simple entraînement) de leur action. Voir les propos des dirigeants "d'Action contre la Faim " sur l'évaluation de l'efficacité.

Quelles peuvent-être les dérives concernant les objectifs finaux des financements de ces associations ? 

Les dérives peuvent être de plusieurs types. Il y a bien évidemment l'enrichissement personnel des dirigeants ou de leurs proches. Cela existe, le nier serait trahir le lecteur et verser dans un angélisme qui aurait oublié le nom de Jacques Crozemarie, président funeste de l'ARC.

Une autre dérive peut venir de l'incompétence relative des dirigeants. En tant qu'ancien Commissaire aux comptes, j'ai hélas rencontré plus d'un cas où l'honnêteté était là mais pas la rigueur gestionnaire. Tout cela a un coût qui, là encore, est quasiment impossible à consolider au niveau national.

Parallèlement, la dérive qui peut se dresser sur la route des missions d'une association (RUP ou non) est le clientélisme, la propension pour un certain favoritisme. Nous avons tous quelques exemples en-tête.

La Justice est d'ailleurs assez fréquemment saisie. Ainsi, en 2009, suite à l’ouverture d’une information judiciaire pour escroquerie et abus de confiance concernant 17 associations caritatives, la Cour des comptes, a préconisé  "la suppression des avantages fiscaux liés aux dons lorsqu’il est avéré que la traçabilité de l’utilisation des dons n’est pas garantie par les organismes sollicitant la générosité publique".

On arrive ici à un premier point de finances publiques. L'idée du président Hollande peut paraître séduisante mais elle aura un premier coût public issu de la défiscalisation partielle des dons des associations RUP. Si la reconnaissance d'utilité publique présente des avantages, elle porte en elle cet inconvénient potentiel.

Surtout si les membres des équipes de direction sont d'anciens élus battus par le suffrage universel municipal (2014) ou départemental.... Des esprits taquins pourraient en effet voir une ficelle de ressources humaines dans cette relance associative. Des esprits chagrins y verraient, pour leur part, un clientélisme hors comptabilisation des personnels relevant de la Fonction publique.

Les associations théoriquement chargées du bel et noble projet de "faire France" et du "vivre ensemble" auraient alors une fonction mesquine – mais politiquement habile – de recyclage en tous genres.

Comment alors pourrait-on palier ce problème de financement d'associations qui ont un objet, des résultats peu vérifiés ?

Le contrôle de légalité des associations investies d'une mission de service public (ce qui ne se superpose pas à la RUP) relève du Préfet. Normalement, cette fonction est efficacement exécutée.

Parallèlement, toute association ayant manié des fonds publics est astreinte aux contrôles périodiques de l'Inspection générale des finances (IGF) qui analyse finement les modalités d'emploi de l'aide perçue en mettant ces modalités en lien avec les motifs publics d'octroi de ladite aide. L'IGF est un grand corps de l'Etat mais on ne peut pas omettre de dire que ses effectifs (et leur gestion) ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins protéiformes de contrôle, in situ, des associations visées.

Enfin, les Chambres régionales des comptes vérifient les comptes de toute association qui a été bénéficiaire d'une subvention supérieure à 1500 euros : on situe immédiatement l'étendue de la tâche prescrite par l'article L 211-4 du Code des juridictions financières.

L'article L 111-7 dudit Code donne à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler toute association qui a bénéficié de concours et subventions de l'Union européenne, de l'Etat ou d'une autre personne soumise à son contrôle.

Sur le plan textuel, on pourrait être tenté de conclure que les choses sont bien " bordées ". En fait, des exemples récents ont montré qu'à l'aide de structures gigognes, le monde associatif peut parfois continuer à faire prospérer des pratiques financières répréhensibles.

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