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Pourquoi nous sommes en train de nous tromper de transition énergétique
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Les partisans de la transition énergétique affirment qu'il n’y aura bientôt plus de combustibles fossiles, et que la combustion desdits combustibles rejette du CO2 qui engendre le réchauffement climatique. Mais ces deux dogmes sont contradictoires : s’il n’y a plus de combustibles, il n’y aura plus de réchauffement...

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Le discours dominant sur la transition énergétique repose sur deux dogmes : il n’y aura bientôt plus de combustibles fossiles dans les entrailles de la terre ; la combustion desdits combustibles rejette du CO2 qui engendre un réchauffement climatique aux conséquences dramatiques. De cette double vision catastrophique, on tire la conclusion qu’il faut se préparer à un monde sans combustibles fossiles. Comment ? En pénalisant dès maintenant leur usage au moyen de lourdes taxes carbone, et en se jetant à corps perdu vers les énergies solaire et éolienne. C’est-à-dire en serrant la ceinture aux pécheurs que nous sommes. On appelle cela la « transition énergétique », qui est la politique officielle de la France et le l’Union Européenne.

Ces deux dogmes sont contradictoires : s’il n’y a plus de combustibles, il n’y aura plus de réchauffement. Ensuite, le dogme du CO2 déterminant principal de la température apparaît chaque jour plus fragile : en l’an 1000, les hommes ne rejetaient guère de CO2, mais la température était plus élevée qu’aujourd’hui ; au cours des 16 dernières années, les rejets de CO2 ont beaucoup augmenté, mais la température du globe est restée constante. Enfin, et surtout, le dogme des ressources fossiles finies est une vision de physicien, pas d’économiste. Ce qui compte ce sont les réserves accessibles à un coût raisonnable. Elles ne dépendent pas seulement de la physique, mais aussi de la technologie - ignorée des tenants de la « transition énergétique ».

Justement, une technologie est sous nos yeux en train de prendre sa revanche, et de créer une autre « transition énergétique » bien différente de la précédente. Cette technologie, c’est la fracturation hydraulique, qui consiste à forer des puits horizontaux à 1 ou 2 km de profondeur (bien dessous des nappes phréatiques), et à y injecter des liquides sous une forte pression afin de faire éclater les roches qui contiennent du gaz ou du pétrole, pour récupérer ces combustibles fossiles. Il ne s’agit pas de science-fiction : aux Etats-Unis, où ce type d’extraction se développe depuis une dizaine d’années, le gaz de schiste ainsi obtenu l’est en abondance. Les réserves - ces fameuses réserves prétendument fixes - ont été multipliées par quatre en quelques années. Le prix du gaz a, depuis 2008, diminué de moitié et continue de baisser. Cette baisse est un coup de pouce formidable au développement de l’industrie, et au revenu des ménages. Les électriciens abandonnent en masse le charbon pour le gaz, devenu nettement moins cher. En 2011, l’électricité produite avec le gaz de schiste des seuls Etats-Unis représente huit fois l’électricité photovoltaïque produite dans le globe entier (vous avez bien lu : 8 fois). Comme le gaz contient moitié moins de CO2 que le charbon, les rejets de CO2 des Etats-Unis (qui viennent largement de la production d’électricité) ont beaucoup diminué. Notons au passage en souriant qu’en Allemagne, où la « transition énergétique » consiste principalement à remplacer le nucléaire par du charbon, les rejets de CO2 du pays ont au contraire nettement augmenté.

Cette technologie se répand car il y a du gaz de schiste dans beaucoup de pays : en Chine, en Europe (Royaume-Uni, France, Pologne        notamment), en Inde, et sûrement ailleurs. Elle s’applique également au pétrole : dans quelques années, les Etats-Unis produiront davantage de pétrole que l’Arabie Saoudite. Au moins pour deux ou trois décennies, nous entrons dans une période d’énergie fossile abondante et bon marché. Cela menace les producteurs de gaz traditionnels comme Gazprom ou le Quatar. Pour le moment, le marché du gaz n’est pas véritablement mondial car le gaz ne se transporte pas aussi facilement que le pétrole et que d’imprudents contrats de long terme gèlent les prix. Le prix du gaz est ainsi trois fois plus élevé en Europe qu’aux Etats-Unis, pour le plus grand bénéfice de nos fournisseurs. Gazprom fait de son mieux pour décourager l’extraction de gaz de schiste en Europe. La Pologne, peu sensible aux arguments russes, s’engage vigoureusement dans cette voie. Le Royaume-Uni va suivre. Les politiciens français, de droite comme de gauche, toujours prêts à mettre un boulet de plus aux pieds de l’économie française, s’y opposent sèchement, mais le principe de réalité finira bien par les rattraper.

La voilà donc la vraie transition énergétique. Elle n’est pas produite par des dogmes millénaristes, mais par une innovation technologique. Elle n’est pas prêchée par des gourous auto-proclamés, mais portée par de modestes ingénieurs (on ne sait même pas mettre un nom sur l’inventeur de la fracturation hydraulique). Elle ne consiste pas à s’auto-punir et à organiser la décroissance, mais à jouir d’une augmentation du niveau de vie. Elle ne demande aucune subvention, mais produira au contraire des recettes publiques. Elle a donc en France beaucoup de défauts, et d’ennemis ; espérons cependant qu’elle finira par s’imposer.

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