Pourquoi les ventes d'iPhone 5 pourraient faire baisser la croissance américaine<!-- --> | Atlantico.fr
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iPhone 5 pourait générer 3,2 milliards de dollars d’activité supplémentaire mais des calculs plus approfondis montrent qu'il ne suscitera guère mieux que de la récession.
iPhone 5 pourait générer 3,2 milliards de dollars d’activité supplémentaire mais des calculs plus approfondis montrent qu'il ne suscitera guère mieux que de la récession.
©Reuters

Revers de la médaille

Si les ventes du nouvel iPhone 5 risquent de générer plus de 3 milliards de dollars d'activité supplémentaire selon le chef économiste de JP Morgan Chase, des calculs appronfondis démontreraient qu'elles pourraient plutôt engendrer de la récession.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Le chef économiste de JP Morgan Chase, Michael Feroli, a déclaré le 10 septembre que le nouvel iPhone 5 serait susceptible de générer 3,2 milliards de dollars d’activité supplémentaire, soit +0,33% de PIB sur le quatrième trimestre, limitant même « le risque de dégradation de la projection de croissance ». Ce chiffre incroyable a fait le tour du monde sans remise en cause dans un grand élan de publicité gratuite. Quoi de plus beau en effet qu’une entreprise qui contribue à la croissance tant implorée au pays de l’Oncle Sam. Pourtant des calculs plus complets montrent bien que cette vague d’achats ne suscitera guère mieux que de la récession.

Un calcul bien trop simpliste

Les détails du calcul de JP Morgan sont simples. 8 millions d’iPhone supplémentaires devraient être vendus, au-delà des ventes de versions anciennes d’iPhone. Avec un prix de vente fixé à 600 dollars – il se situerait plutôt à 650 d’ailleurs – dont un tiers seulement, 200 dollars, proviendrait de composants ou de travail réalisé à l’étranger. Le total, 8 millions * 400 dollars de production nationale, aboutit donc à ces 3,2 milliards.

Si nous ne reviendrons pas sur le nombre d’unités susceptibles d’être vendues, l’autre hypothèse majeure retenue, à savoir la composition de la valeur ajoutée de l’iPhone est contestable. Un rapport établi par le professeur Kenneth Kraemer et cité par le China Daily fin janvier 2012, considérait qu’un iPhone 4S vendu 600 dollars aux Etats-Unis comprenait entre 229 et 275 dollars de composants et main d’œuvre étrangère. Les ventes baisseraient donc déjà de 13%.

La consommation est un arbitrage

Sachant que les salaires sont fixes à court terme, les 8 millions d’Américains qui vont se précipiter dans les Apple Store pour acquérir un exemplaire de l’iPhone 5 auront fait ce calcul rationnel : les 200, 300 ou 400 dollars qu’ils verseront ainsi que la souscription d’un forfait téléphonique sur 24 mois, couvrant le reste du prix du téléphone vendu par Apple aux opérateurs, proviendront soit de la mobilisation de leur épargne, soit d’une hausse de leur endettement ou soit d’une réorientation d’une partie de leur consommation habituelle. Seule une partie très mineure peut être attribuée à la revente d’un ancien téléphone.

L’impact sur le calcul du PIB

Pour rappel, le PIB, produit intérieur brut, mesure de la production annuelle ou trimestrielle sur un territoire donné, est calculé à partir de la somme suivante : consommation finale effective des ménages + dépenses des administrations publiques + investissement + variations de stocks + exportations – importations.

Première conséquence, la baisse de l’épargne des ménages ou la hausse de leur endettement conduit à une réduction de l’investissement à moyen terme et a donc un effet négatif sur le PIB. Second conséquence, beaucoup plus dommageable, l’arbitrage de consommation est très défavorable pour le PIB américain. D’après une étude de la FED de San Francisco publiée il y a un an, seulement 14% des dépenses de consommation finale d’un ménage américain moyen sont directement imputables à des importations. Pour l’iPhone cette part serait aux alentours de 42% (252 dollars sur 600), ainsi l’achat d’un iPhone au détriment de la consommation « normale » creuse la balance commerciale à hauteur de 168 dollars par unité. Cela reste encore vrai si la substitution ne concerne que les achats de biens durables qui n’incorporent que 33% de composants et travail importés, et face auxquels l’iPhone creuse le déficit de 54 dollars.

Conclusion, la consommation des ménages n’augmente pas, elle se subsiste seulement à une autre dépense mais la balance commerciale, exportations moins importations, elle se dégrade, entraînant une baisse du PIB au final.

La récession pour résultat final

Sachant que les prêts à la consommation représentent seulement 12% de la consommation courante, près de 9 iPhone sur 10 devraient être achetés par substitution de consommation. Donc 7 millions d’iPhone vont être vendus en se substituant à une consommation plus locale, creusant le déficit commercial entre 400 millions et 1,2 milliards de dollars. Si 3,2 milliards de dollars représentaient 0,33% de croissance supplémentaire, nos chiffres laissent envisager une influence négative sur la croissance du PIB de -0.04% à -0.12%.

Dangereuse et illusoire est cette impression d’avoir trouvé une baguette magique qui crée de la croissance. La façon frénétique dont le monde s’est emparé de cette information alors même que JP Morgan avait demandé de la traiter avec prudence témoigne de deux éléments : l’incroyable cote de sympathie dont profite Apple avec des armées de fans prêts à tout pour faire l’apologie de la marque à la pomme mais surtout la recherche éperdue de bonnes nouvelles en terme de croissance pour des économies occidentales atones. Mais ne nous y trompons pas, aux Etats-Unis comme en France, lacroissance à court-terme suscitée par la consommation ne saurait masquer la nécessité et la vertu d’une épargne conséquente bien orientée vers les investissements productifs.

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