Pourquoi les troubles du désir masculin sont de plus en plus fréquents<!-- --> | Atlantico.fr
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"Il y a dix ans encore, quand un couple consultait pour un trouble du désir, c’était la femme qui en souffrait."
"Il y a dix ans encore, quand un couple consultait pour un trouble du désir, c’était la femme qui en souffrait."
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Bonnes feuilles

La sexualité est le règne des idées fausses et des diktats, que le gynécologue Sylvain Mimoun s'emploie à démonter. Extrait de l' "Antiguide de Sexualité" (1/2).

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun est gynécologue, andrologue, psychosomaticien. Il est directeur du Centre d'andrologie de l'hôpital Cochin à Paris; Il est également chroniqueur radio et TV, notamment au Journal de la santé (France 5) où il tient la rubrique "Questions sexo".

Il est l'auteur de "La masturbation rend sourd : 300 idées reçues sur la sexualité " aux éditions First.

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Il y a dix ans encore, quand un couple consultait pour un trouble du désir, c’était la femme qui en souffrait. Désormais, il n’est pas rare que ce soit l’homme. Sans doute les femmes s’en plaignaient-elles moins auparavant, mais la fréquence de ce phénomène interroge. Pourquoi cette baisse notable du désir masculin ?

La raison est à chercher en partie dans le monde du travail devenu impitoyable et il existe un parallèle évident entre difficultés professionnelles et désir sexuel. Dès qu’un homme est dévalorisé, quel que soit le contexte, sa virilité en prend un coup : chômage, mise au placard ou à la retraite anticipée, autant de blessures ayant des répercussions sous la couette.

Sans compter que, parfois, les coups au travail sont portés par des femmes qui, même si elles sont encore loin d’avoir autant de postes de responsabilité que les hommes, sont de plus en plus nombreuses à occuper un poste de directrice ou de chef de service. Heureuse évolution certes, sauf lorsque la supérieure hiérarchique manie le mépris et le dénigrement, ce qui équivaut alors à une double peine. Chez l’homme la puissance sociale et professionnelle est souvent confondue avec la puissance sexuelle. Un désaveu dans ce domaine, et c’est l’effondrement.

Des hommes un peu déboussolés

Les sondages se suivent et ont de quoi inquiéter les hommes… Que veulent les femmes ? Des hommes virils, mais pas machos, qui les protègent, sans les étouffer, qui s’occupent des enfants, sans prendre leur place ni démissionner de leur rôle d’autorité, qui gagnent de l’argent, mais rentrent à cinq heures pour aller à la réunion de parents d’élèves, qui restent leur prince charmant rassurant, mais aussi un amant surprenant… longue liste d’attentes parfois contradictoires ! De son côté, la société ne leur fait pas de cadeaux en valorisant à l’excès les vertus dites féminines : à l’honneur, le rond, le doux, le consensuel ; montré du doigt, le piquant, le pointu, le tranchant… Pas facile de garder la tête haute quand tout ce qui constitue les caractéristiques du masculin est voué aux gémonies.

Pas facile non plus de désirer une femme avec des armes qui ne sont pas les siennes. Dans ce contexte, ces dernières aussi sont perdantes car elles ont besoin d’admirer les hommes pour les aimer… Dans le domaine sexuel, la pression s’est accrue. Pendant des siècles, seul l’aléa de leur érection mettait les hommes en émoi, désormais s’y ajoute la nécessité de faire jouir leur compagne, nécessité qui peut vite se transformer en contrainte face à une femme exigeante ou revancharde. Or, la relation sexuelle nécessite un climat serein et détendu, quand l’angoisse s’en mêle, la débandade n’est jamais loin.

D’ailleurs, d’où vient cette idée tenace que le plaisir repose sur les seules épaules de l’homme ? Pourquoi faudrait-il qu’il s’attribue l’échec comme la réussite ? À l’heure où l’on parle d’égalité, voilà un bien curieux paradoxe. Les femmes sont tout autant responsables de la qualité de la relation, et leur plaisir est entre leurs mains. Beaucoup d’entre elles taisent leurs envies, bougonnent dans leur coin sur la maladresse de leur amant, alors qu’il serait tellement plus bénéfique qu’elles expriment leur désir, non en termes d’exigence, mais sous forme de proposition bienveillante. Ainsi, repousser délicatement une main mal placée, ralentir un rythme trop rapide serait mille fois plus performant qu’un reproche.

Après tout, comment faire grief à l’homme de ne pas connaître ce qui plaît à la femme ? D’autant que chaque partenaire est différente, ce qui ravit l’une ne comblera pas forcément l’autre. Les hommes et les femmes n’ont pas le même fonctionnement sur le plan sexuel : les premiers sont très centrés sur leur sexe et sur la pénétration, tandis que les secondes apprécient le plus souvent les caresses sur tout le corps, ont généralement une montée d’excitation plus lente. Si la femme se tait, son partenaire peut avoir tendance à fonctionner selon son mode opératoire, confondant son propre désir avec celui de sa compagne.

Un homme, ça fonctionne toujours !

« Toujours prêts ! » comme chez les scouts ? Les hommes sont les premières victimes de cette idée reçue que, malheureusement, ils ont eux-mêmes plaisir à entretenir tant ils aimeraient qu’elle soit vraie. En effet, qu’il serait reposant pour eux qu’il n’y ait qu’un bouton on et off pour obtenir une érection sur commande ! Mais si cette toute-puissance les rassure dans un premier temps, elle les rend également très fragiles : à la moindre faiblesse, tout leur monde s’écroule, l’angoisse de ne pas être à la hauteur revient au galop, même quand ils accusent leur partenaire pour sauver la face… De son côté, la femme, persuadée elle aussi qu’un homme fonctionne comme un robot, est catastrophée dès qu’il montre une quelconque défaillance : n’est-elle plus désirable ?

Bref, les deux sont victimes de cette idée fausse, qui a des conséquences néfastes sur la relation. Heureusement, le sexe masculin est plus complexe qu’une simple mécanique, et la sexualité masculine plus riche que celle des animaux. Oui, les hommes ont un sexe, mais aussi un cerveau, une libido soumise à la relation, au contexte, même s’ils ont plus de facilité que les femmes à en faire momentanément abstraction. Oui, ils ont aussi des pannes de désir, des fluctuations dans leur plaisir. Sur l’échelle de Richter des orgasmes masculins, l’aiguille n’est pas toujours au sommet, et il ne suffi t pas que les hommes éjaculent pour jouir, nous y reviendrons dans la troisième partie. Certes, les femmes s’ouvrent par les mots, mais c’est oublier que les hommes y sont de plus en plus sensibles. Ajoutons d’ailleurs que si leur compagne parle plus volontiers de sexe aujourd’hui, ce n’est pas toujours pour le meilleur…

Il faut savoir qu’un homme critiqué sur le plan sexuel s’en souviendra toute sa vie : même s’il a mille et une maîtresses satisfaites par la suite, il restera toujours sur cet échec, comme marqué au fer rouge. Au lit, les hommes ont gagné des batailles, jamais la guerre ! Quant aux femmes, ce sont les critiques portant sur leur physique qui s’inscriront de façon indélébile dans leur mémoire. Attention donc aux mots qui tuent d’un côté comme de l’autre !

Extrait de l'"Antiguide de Sexualité", Sylvain Mimoun, (Editions Bréal), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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