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Pourquoi le Parlement européen prend le risque de conforter les électeurs du Front national en levant l’immunité de Marine Le Pen
©Reuters

Malin..?

Dans l'affaire des photographies violentes de Daesh diffusées sur Twitter, l'immunité diplomatique de Marine Le Pen a été levée par le parlement européen. La justice prend lors de cette présidentielle une place proéminente comme jamais.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : En décembre 2015, Marine Le Pen avait publié trois photographies de victimes de Daesh sur Twitter. A la demande de la justice française, le parlement européen a levé l'immunité diplomatique de l’eurodéputée. Au delà du cas particulier de Marine Le Pen, en quoi cette décision est elle "adéquate"?

Roland Hureaux :J’avoue que je n'ai pas encore compris la pertinence de cette mise en accusation. La loi qui interdit les photos ou vidéos montrant les exactions de l’Etat Islamique vise à l'évidence les sympathisants des mouvement djihadistes qui pourraient faire une publicité malsaine pour le djihad en faisant circuler ces photos. J'ai du mal à croire que cela ait été l'intention de Mme Le Pen ! Il s'agit d'un détournent manifeste de procédure.

Par ailleurs, le Parlement européen est traversé avec une acuité particulière, bien plus que le Parlement français, par la guerre idéologique qui traverse tout l'Occident, guerre entre les mondialistes et les identitaires, laquelle  explique la violence  des campagnes présidentielles des Etats-Unis et de France, en particulier les opérations odieuses montées à l'encontre de François Fillon .

Il est évident que dans le contexte du Parlement européen, où l'opposition entre socialistes et droite modérée est très atténuée, l'hostilité de la majorité à un mouvement comme le Front national est particulièrement vive.

Il est par ailleurs notoire que des procédures, pour soupçon d'emploi fictif à l'encontre du Front national avaient été activées par l'ancien président Martin Schulz, socialiste allemand particulièrement virulent à l'égard de tout ce qui ne marche pas dans les clous. 

Pendant ce temps, l’immunité diplomatique de Gilbert Collard pour des faits très similaires n’a pas été levé par le parlement européen. Comment expliquer cette situation apparemment paradoxale ?

L'ambiance est moins idéologique  au Parlement  français. Il y a connivences qui traversent les groupes politiques, et touchent même les députés du Front national. Plus près de la population, le Parlement français se sentirait ridicule s'il avait levé l'immunité parlementaire de Gibert Collard pour une accusation de ce genre. Il se peut aussi que la réputation de l'avocat médiatique et talentueux qu'il est ait fait un peu peur. Face à un tribunal qui l'accuserait de complicité avec le djihadisme, on imagine ce qu'il aurait dit !

Quels sont les risques pris par l'institution européenne dans le cas d'espèce ? N'y a-t-il pas un risque de voir le Front national prospérer sur ce sentiment d'un traitement systématiquement "défavorable" au Front national ?

Le Parlement européen a visiblement voulu aider le gouvernement français à faire barrage à Marine Le Pen dans la campagne présidentielle au moyen d'actions judiciaires de dernière minute. Ceci dit, l 'institution européenne a beaucoup à craindre mais pas de ce genre d'affaires qui passe très au-dessus du grand public ; c'est plutôt la crise grave des institutions européennes, dont témoigne le Brexit, qui menace sa survie. Les Français sont beaucoup plus attentifs à ce qui passe dans les juridictions nationales. Or nous assistons à travers l'affaire Fillon à une instrumentalisation sans précédent de la justice française en période électorale. Le but était de tuer la candidature de Fillon et il n'est pas encore certain que les promoteurs de ces manœuvres n'y arrivent pas. Dans l'affaire Fillon comme dans l'affaire Le Pen, ce n'est pas la saisine de la justice qui est choquante : il va de soi que les élus ne sont pas au-dessus des lois.

C'est d'abord le fait que cette saisine arrive en pleine campagne électorale alors qu'elle concerne des faits déjà anciens. Rappelons-nous que, en 1965, le général de Gaulle avait refusé de réactiver une procédure qui visait son principal adversaire, François Mitterrand relative à l'attentat de l'Observatoire que le candidat était suspecté d'avoir organisé contre lui-même. Il devait y avoir à l'égard de candidats une certaine retenue de la justice en période électorale, sauf affaire grave évidemment comme un crime de sang. Ce serait conforme à la séparation des pouvoirs inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme. Mais ceux qui ont activé le parquet financier contre Fillon, c'est-à-dire le gouvernement Hollande, n'ont pas eu ces scrupules. 

Ce qui est choquant également, c'est aussi que, comme par hasard, seuls les candidats de droite sont visés : François Fillon et Marine Le Pen, et pas les candidats de gauche (dont Macron sur lequel il y aurait beaucoup à dire). On ne peut pas s'empêcher de penser qu'il y a deux poids et deux mesures.

Ceci dit, les actions judiciaires impliquant la famille Le Pen sont en bruit de fond de la politique française depuis trente ans. C'est pourquoi, s'agissant de Marine Le Pen, les gens sont habitués. C'était un peu pareil avec Sarkozy. En revanche Fillon avait à cet égard une sorte de virginité qui le rendait plus vulnérable, sachant que ce qu'on lui reproche est peu de choses à côté des turpitudes les plus graves de la République.  

Pour les mêmes raisons, les actions qui pourraient être engagées contre Marine Le Pen dans le courant de la campagne présidentielle auront moins d'effet sur elle que sur Fillon. D'autant que Marine Le Pen est un candidat hors système :  ses partisans ont en conséquence  tendance à serrer les rangs face aux attaques, alors que François Fillon n'est pas vraiment hors système : les doutes se répandent plus facilement chez ses partisans, encore qu'une partie serre les rangs aussi .  

La violence de la campagne, l'attitude partiale de la justice et des médias menacent la démocratie. On ne comprendrait pas cette violence si on ne situait pas la campagne française dans son contexte international. Elle est suivie dans le monde entier comme la troisième bataille d'une quasi-guerre mondiale entre mondialistes (le clan Obama-Clinton, Hollande, Juncker, Merkel, Macron, presque tous les médias d'Amérique et d'Europe) et le clan identitaire : Poutine, Trump et désormais l 'Angleterre représenté en France par Marine Le Pen. Fillon se situe entre les deux mais cela ne suffit pas aux mondialistes, ils veulent un alignement total, Fillon ne les satisfait pas, Ils veulent imposer Macron. Or ils viennent de subir deux défaites : le Brexit et l'élection de Trump. Ils ne voudraient pas perdre la troisième grande bataille : l'élection présidentielle française, ce qui les renverrait assez vite aux poubelles de l'histoire. Ils sont prêts à tout pour cela, quitte à transgresser les règles les plus élémentaires de la démocratie et même celles de la simple décence. 

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