Pourquoi la droite ferait bien de ne pas se réjouir du raz-de-marée que lui promettent les sondages<!-- --> | Atlantico.fr
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Les sondages promettent un raz-de-marée à la droite.
Les sondages promettent un raz-de-marée à la droite.
©Reuters

Savoir raison garder

D'après un sondage CSA pour Le Figaro, si l'Assemblée devait être renouvelée aujourd'hui, l'opposition UMP-UDI y décrocherait près de 500 sièges. Mais en prenant en compte l'abstention, ce sondage révèle avant tout l'incapacité de l'ensemble des partis à séduire l'électorat.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Les résultats du sondage CSA pour Le Figaro sur le rapport de forces politique national en cas d’élections législatives nous apprennent que...

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Sondage CSA pour Le Figaro sur le rapport de forces politique national -
Décembre 2014

Toutefois...

Si l'on considère ces résultats relativement à l'ensemble des personnes interrogées, c'est-à-dire en inlcuant les 20% de ceux qui "n'expriment pas leur intention de vote", les résultats obtenus par les différents partis sont les suivants :

  • Un candidat d'extrême gauche (LO, NPA) =  résultat passe de 1% à 0,8%
  • Un candidat du Front de Gauche = résultat passe de 8% à 6,4%
  • Un candidat du Parti socialiste, du PRG ou du MRC = résultat passe de 18% à 14,4% (environ 1 Français sur 7)
  • Un candidat d'Europe Ecologie-Les Verts = résultat passe de 7% à 5,6%
  • Un candidat de l'UDI-MoDem = résultat passe de 12% à 9,6% (environ 1 Français sur 10)
  • Un candidat de l'UMP = résultat passe de 24% à 19,2% (environ 1 Français sur 5)
  • Un candidat de Debout la République / la France = résultat passe de 1% à 0,8%
  • Un candidat du Front National = résultat passe de 23% à 18,4% (environ 1 Français sur 5)
  • Un autre candidat = résultat passe de 6% à 4,8%
  • Le pourcentage restant en non exprimé : résultat passe de 0% à 20%

Atlantico : Si l'Assemblée nationale devait être renouvelée aujourd'hui, un sondage CSA pour Le Figaro annonce un raz-de-marée d l'UMP-UDI qui décrocherait près de 500 sièges. Mais une lecture rapide des rapports de force au premier tour souligne le peu de Français que représente l'UMP (24%), un pourcentage abaissé à 19,2% si sont pris en compte ceux qui n'expriment pas d'intention de vote (20%). Qu'en dire pour l'UMP ? Cela met-il notamment en balance ce qui est présenté comme une victoire éclatante par le sondage du CSA ?

Christophe Bouillaud : Si l’on suppose que les 20% qui ne se prononcent pas dans le sondage en question ne vont pas voter et qu’il n’y a pas de campagne électorale avant cette élection législative, effectivement, on pourrait y voir un fort indice de victoire probable en sièges de la droite et du centre, mais, plutôt que comme une intention de vote de la part des interviewés pour une élection encore fictive, on peut surtout y voir la condition minoritaire dans l’électorat en général des partis politiques actuels.

A ce stade, aucun grand parti n’est capable de séduire par son offre politique à lui seul plus de 20% des inscrits : l’UMP en séduirait 19%, le FN un tout petit moins de 18%, et le PS nettement moins, 14%. Si l’on regarde au niveau des camps, la droite alliée au centre (UMP, centre, DLR) atteint à peine 30% des inscrits, et la gauche (PS, FG, EELV) en est réduite un gros quart des intentions de vote parmi les inscrits.

Pour l’UMP et le centre, cela devrait servir d’avertissement : les victoires électorales probablement à venir ne signifieront peut-être pas l’obtention d’une "majorité sociologique" dans le pays, et en pratique, elles leur donneront un mandat d’autant moins légitime que l’électorat se sera plus abstenu. Il faudra éviter de s’illusionner sur le sens de sa victoire, et cela rendra plus compliqué de réformer. Les référendums que l’on promet un peu vite d’organiser au lendemain de la victoire  recèleront peut-être de mauvaises surprises.

Sur l'ensemble de l'électorat, qui sont ces 19,2% de Français que l’UMP représente ?

Selon le sondage en question, la seule donnée dont nous disposons sur ces interviewés est leur vote aux élections précédentes (présidentielle de 2012 et européennes de 2014), d’où il ressort qu’une très large majorité d’entre eux sont des fidèles du camp de la droite et du centre. Il y a selon ce sondage bien peu de convertis en provenance de la gauche ou de l’extrême-droite.

Les électeurs du FN de 2012 ou de 2014 sont ici d’une fidélité exemplaire à leur vote, et ceux de gauche de 2012 ou de 2014 s’aventurent rarement à changer de camp pour aller à droite.

Le sondage nous dit que sur les deux tours de législatives anticipées, l'électorat de gauche ne se mobiliserait pas. Qu'en serait-il réellement pour la droite au regard de l'abstention (en hausse depuis l'inversion du calendrier électoral, et en moyenne à 43% en 2012) ? Cette dernière serait-elle toujours aussi élevée que par le passé ?

L’abstention de gauche est crédibilisée par ce qui s’est passé lors des récentes élections municipales, où l’électorat de gauche n’a guère réagi au second tour face à la défaite annoncée. Cependant, tout dépendrait de la manière dont la campagne électorale se passerait et qui serait le candidat principal de la droite.

En cas de dissolution de l’Assemblée nationale avant 2017, le retour de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP pourrait peut-être avoir un effet  de mobilisation à gauche, en particulier si la perspective de le voir devenir Premier ministre de cohabitation d’un François Hollande en perdition effrayait trop cet électorat. Il en serait sans doute de même en cas d’alliance, qu’elle soit officielle ou officieuse, entre l’UMP et le FN. A droite, on peut tout de même supposer que la perspective de la victoire mobilisera ses électeurs, quel que soit par ailleurs le leader choisi pour guider la bataille.

De plus, on sait que la participation à une élection dépend de l’importance que les électeurs sont amenés à lui accorder en termes de répartition du pouvoir dans un pays. Des législatives suite à une dissolution par François Hollande n’auraient pas le même sens que des législatives telles que celles faites après une élection présidentielle (comme en 2002, 2007 et 2012). L’enjeu y serait bien plus grand, la droite et le centre pourraient d’ailleurs jouer à plein la carte du référendum révocatoire anti-Hollande pour mobiliser  en cherchant la plus grande participation possible et pas seulement la simple victoire en sièges.

Ce mouvement s'opérerait-il par adhésion au projet et aux valeurs défendues par l'UMP ou simplement par opposition à la gauche ?

Le plus probable, c’est qu’on observe simplement un effet de balancier, lié à la démobilisation d’un camp, celui de la gauche, et la mobilisation, de modérée à forte, d’un autre, celui de la droite et du centre, pour "sortir les sortants". 

Si l’on reste à ces niveaux d’impopularité du pouvoir, il ne sera pas très difficile à la droite et au centre de s’imposer. L’extrême droite devrait aussi réussir à mobiliser ses électeurs. Avec un tel niveau de chômage, le sort du parti au pouvoir est largement scellé d’avance.

La possibilité que cet électorat s'abstienne de voter pour l'UMP sur les deux tours des législatives reste-t-elle envisageable ?

Que l’électorat de droite boude l’UMP sur les deux tours me paraît bien improbable. Le désir de sortir les sortants de gauche sera bien trop grand. L’UMP et le centre restent à ce jour le meilleur bélier pour bouter la gauche hors du château.

Les calculs faits par cet institut sur les sièges, aussi hypothétiques soient-ils à ce stade, redimensionnent d’ailleurs nettement le rôle du FN, qui n’a pas d’alliés dans une élection législative.

Le parallèle avec la victoire de François Hollande en 2012, sur les deux tours, peut-il être dressé ?

Oui, sans doute. Sa victoire tient largement au fait que les électeurs de gauche avaient vraiment envie de se débarrasser de Nicolas Sarkozy. De manière amusante, lors de sa dernière interview télévisée, François Hollande a affirmé qu’il n’était pas devenu Président de la République "par hasard", comme pour nier l’importance de cet effet de rejet de Nicolas Sarkozy dans sa victoire de 2012.

D'autres exemples de grands rendez-vous électoraux sont-ils à ce titre pertinents ?

Il faut rappeler qu’en dehors de l’élection de 2007, tous les grandes élections nationales en France ont fini par des alternances depuis 1981, et encore 2007 est peut-être une exception qui confirme la règle puisque Nicolas Sarkozy avait eu l’intelligence de se présenter comme un candidat de rupture avec son propre camp, la droite, et son président, Jacques Chirac.

L’effet de rejet et de démobilisation différentielle de l’un des deux camps sont une constante depuis des décennies désormais. Cela serait bien étonnant que l’on ne rejoue pas ce même scénario.

Propos recueillis et mis en forme par Franck Michel / sur Twitter

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