Pourquoi la décision de Pepsi de remplacer l’aspartame n’est bonne ni pour les sodas ni pour la science<!-- --> | Atlantico.fr
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Pepsi a annoncé qu'il arrêtait de fabriquer et de vendre des sodas allégés à base d'aspartame.
Pepsi a annoncé qu'il arrêtait de fabriquer et de vendre des sodas allégés à base d'aspartame.
©Reuters

La décision qui fait pschitt

Pepsi vient d'annoncer sa décision de supprimer l'aspartame de ses boissons peu caloriques. Cette décision, qui fait suite à la campagne de discrédit dont a souffert l'édulcorant, devrait permettre au fabriquant d'augmenter ses ventes en période de crise.

Jean-Michel Cohen

Jean-Michel Cohen

Le Dr Jean-Michel Cohen, bien connu du grand public est médecin nutritionniste. Il propose à tous l’apprentissage d’une hygiène de vie et d’une alimentation nouvelle qui laisse une grande place au plaisir. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Le Guide d’achat pour bien manger 2015/2016 et anime également le site internet www.savoirmaigrir.tv.

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Atlantico : Pepsi a annoncé qu'il arrêtait de fabriquer et de vendre des sodas allégés à base d'aspartame. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ? Est-ce une analyse scientifique ou plutôt un choix reposant sur la consommation des ménages ? 

Jean-Michel Cohen : C'est exclusivement la pression des consommateurs qui a motivé l'arrêt de la fabrication des sodas allégés par Pepsi. Rien ne justifiait son arrêt sur le plan scientifique.

A l'origine, c'est vrai qu'il y a eu une campagne de discrédit de l'aspartame orchestrée par diverses entités scientifiques.  Par exemple, à la suite d'expériences sur des souris, les scientifiques avaient cru découvrir des effets secondaires. On pensait que l'aspartame pouvait être responsable de cancers ou de problèmes de grossesses. Cette expérience a été récusée par les scientifiques sur le plan international. Des organismes tels que l'Autorité européenne de sécurité des aliments ou encore la Food and drug administration aux Etats-Unis ont totalement démentis les résultats. Au final, c'est un total de 1250 études qui ont prévues que l'aspartame consommé à des doses précises (équivalent à moins de 14 canettes de Coca Zéro par jour) n'avait aucun impact sur la santé de l'homme.

Pourtant malgré les preuves scientifiques, la rumeur n'a pas cessée. Les consommateurs se sont totalement détournés du produit. De nombreux sites internet pas très fiables ont créé un phénomène de peur en continuant de propager les soi-disant risques de l'aspartame. Le produit a donc été sacrifié sur l'autel de la rumeur !  

Suites à cette peur croissante, les industriels ont décidés de remplacer l'aspartame par d'autres édulcorants qui, eux, n'ont pas encore été contaminés par la rumeur.

Le problème avec ce type de rumeurs puissantes alimentées sur le web, c'est qu'elles s'attaquent à tous types d'aliments. Hier c'était l'aspartame, aujourd'hui c'est le lait et demain ça pourrait être les œufs ! D'autant plus que les opinions positives n'ont aucun poids sur les opinions négatives.

Qu'est-ce qui différencie l'aspartame des autres substituts au sucre (sucralose par exemple) qui seront désormais utilisés dans la fabrication de ces boissons gazeuses ? Si l'aspartame a si mauvaise presse, ses "remplaçants" ne risquent-ils pas de connaître le même sort à terme ? 

Aspartames et autres sont des édulcorants non nutritifs, ils donnent un goût sucré sans calorie (la puissance du goût est telle qu'il n'y a pas de calories). Ce qui différencie ces différents édulcorants c'est principalement la puissance du goût et sa fidélité à la saveur du sucre. A titre d'exemple, le sucralose qui sera désormais utilisé par Pespi amène 600 fois le gout du sucre quand l'aspartame l'amenait 200 fois. Chez Pepsi et les autres fabricants agroalimentaire l'aspartame sera remplacé par du suraclose, du stevia ou bien des mélanges.

La rumeur gagnera ces produits sans aucun doute. Par exemple, le suraclose contient deux molécules de chlore qui entraineraient des maladies du cerveau. Quant au stevia, c'est en réalité du Rebaudioside A, extrait de la plante stevia, auparavant utilisée au Japon dans les avortements. Ainsi, trouver des risques représentés par ces édulcorants ne sera pas bien difficile !

En vérité, le consommateur a peur de tout ce qui n'est pas "naturel" alors que les choses naturelles peuvent tout aussi bien être à l'origine de problèmes de santé.

Si aucune théorie scientifique n'appuient les critiques dont a été victime l'aspartame, sur quelles bases a-t-il été discrédité?

Ce sont uniquement un certain nombre de soupçons qui ont discrédité l'aspartame. Des réseaux environnementaux à tendance idéologiques dure ont propagés l'idée que l'aspartame était nocif par exemple. Encore une fois aucun institut scientifique n'a jamais pu prouver la nocivité de cet édulcorant. Malheureusement, aucune distinctions n'a été faite –ni par les sites internet répandant ces rumeurs, ni par les consommateurs- entre les différentes études et leur crédibilité. Il y a quelques années, à la suite d'une étude italienne, on avait réévalué les problèmes représentés par ce produit, ici encore les conclusions avaient été négatives.

En cessant d'utiliser de l'aspartame, Pepsi a uniquement fait un effet d'annonce. Interdire l'aspartame c'était un moyen de récupérer les consommateurs qui refusent d'acheter les produits contenant cet édulcorant. C'est avant tout une opération de communication.

Pour autant, parmi les 6000 compagnies industrielles utilisant de l'aspartame, on ne craint pas d'effet domino. D'autant plus que le consommateur ne sait pas toujours si l'aliment contient de l'aspartame ou non.  

Suite à la suppression de l'aspartame dans la composition de ses boissons allégées, Pepsi espère-t-il voir ses ventes augmenter? 

Oui, c'est l'effet espéré par Pepsi. Supprimer l'aspartame n'était pas un geste entendu à l'encontre du consommateur, c'était avant tout dans l'intérêt des ventes, dans un but purement commercial.

La rumeur les touchait de plus en plus, supprimer l'aspartame c'est enrayer la chute de la compagnie (qui n'est pas non plus énorme, seulement une baisse de 2%). L'effet d'annonce est en réalité bien plus important que la suppression de l'édulcorant en lui-même. C'est à cet effet d'annonce que les consommateurs feront attention.

Avant de décider de remplacer l'aspartame par le sucralose, Pepsi a fait une série de tests en vue d'augmenter les ventes de ses boissons allégées ou du moins de stopper leur baisse.

Enfin, certains consommateurs (notamment aux Etats-Unis) avouent ne plus vouloir consommer de boissons allégés. Est-ce uniquement dû aux zones d'ombre qui les entourent ? A terme, va-t-on faire la fin des boissons allégées? 

Les consommateurs jugent que les boissons allégées correspondaient à une certaine période de la société. Aujourd'hui on est face au renouveau des boissons naturelles telles que les eaux aromatisées, les thés froids. Ce type de boissons est actuellement bien plus à la mode que les sodas.

Dans l'immédiat la baisse de consommation des produits allégés se stabilisera, mais par la suite sa décroissance continuera. On va vers la fin des boissons allégées. Il faut remettre le soda à sa place, on avait tendance à le consommer n'importe quand alors qu'à l'origine ça reste un plaisir, une friandise. Quelque chose que l'on consomme occasionnellement. Après les sodas, la campagne anti-sucre devrait s'abattre sur les jus de fruit qui sont souvent très sucrés. Il est rare de trouver des jus de fruits à base de "vrais" fruits, se vendent plutôt des "eaux sucrées" aromatisées

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