Pourquoi la baisse du chômage ne se joue pas à Paris <!-- --> | Atlantico.fr
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Chômage 2019

Pôle Emploi a publié ses chiffres du chômage 2019 lundi dernier. Une baisse de 3,3% de demandeurs d’emploi au cours de l’année écoulée a été relayé par l'établissement. Explications.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Pôle Emploi a publié ses chiffres du chômage 2019 lundi dernier avec une baisse de 3,3% de demandeurs d’emploi au cours de l’année écoulée.

Atlantico : Cette baisse est-elle due à l’action du gouvernement Macron ou résulte-t-elle d’autre chose ? Comment expliquer ces résultats ?

Alexandre Delaigue : De manière générale, il y a toujours une tendance de vouloir donner plus de poids au gouvernement qu’il n’en a réellement. Lorsque le chômage augmente on le blâme, lorsqu’il baisse on dit qu’il n’y est pour rien et inversement pour ses partisans. Je pense qu’il faut se méfier de ce genre de propos. Il faut regarder de près quels sont les éléments par lesquels l’action du gouvernement peut avoir un effet sur le chômage. Le chômage a deux composantes dont la première est liée à la conjoncture - c’est-à-dire à la condition macroéconomique – qui fait justement fluctuer le chômage et il faut se poser la question suivante : « « si la conjoncture est bonne ou mauvaise, quel est l’impact sur le chômage ? » Ici, il y a un aspect par lequel la politique du gouvernement a pu avoir un effet positif sur le chômage qui est que – contraint et forcé par les gilets jaunes à partir de Janvier 2019 – le gouvernement a été dans l’obligation de soutenir beaucoup plus l’économie au détriment du déficit public qu’il n’aurait voulu le faire. Un premier effet favorable de la politique du gouvernement est, de fait, involontaire car il a dû soutenir l’activité à cause du climat social tendu. On s’est alors retrouvé avec plus de dépenses publiques, des baisses d’impôts, plus de déficits et c’est à mettre involontairement au crédit du gouvernement. La deuxième dimension est de savoir comment le chômage est déterminé par tout cela, c’est-à-dire se demander si le chômage diminue beaucoup ou pas en période de reprise, c’est ce que l’on appelle « l’intensité en emploi de la croissance. » C’est ici que des politiques structurelles – type réformes de l’assurance chômage, réformes des marchés du travail etc. –peuvent avoir un effet en augmentant l’intensité en emploi de la reprise. Il est possible de dire que diverses réformes du marché du travail sont intervenues depuis quelques temps, que ce soit avec le gouvernement actuel mais aussi avec les dernières réformes du gouvernement Hollande et qu’elles ont eu pour effet d’augmenter l’intensité en emploi de la croissance. Il faudra regarder quels seront les effets sur le long terme notamment en ce qui concerne les inégalités de revenus ou de l’emploi.

Atlantico : Le gouvernement a-t-il réellement fait un effort sur la part du chômage structurel ?

Alexandre Delaigue : Il y a eu effectivement un ensemble de réformes à vocation de lutter contre le chômage structurel en augmentant la flexibilité ou en pérennisant les baisses de charges. Ce sont des choses qui ont été faites, mais faut-il en avoir besoin, là est toute la question. On peut le justifier dans une certaine mesure mais l’expérience que l’on a – notamment dans les autres pays – de ce type de réformes structurelles est mitigée car elles ont tendance à changer la qualité générale de l’emploi au détriment d’autres effets comme la qualification des salariés ou les inégalités de revenus par exemple. Il existait un discours plutôt valable dans les années 1990 en France dans lequel on nous expliquait qu’il y avait un problème de coût du travail, de flexibilité etc. mais cela fait 25 ans que l’on a eu des politiques dans ce sens-là et elles semblent s’essouffler. Nous devrions nous poser la question d’autres orientations de la politique de l’emploi et arrêter de dire que le seul emploi à créer est un emploi pas cher et peu qualifié. À force de baisser sans arrêt le coût du travail, on finit par avoir un effet pervers sur la qualité de l’emploi. Le problème du chômage structurel est que l’on peut véritablement le rencontrer, seulement lorsque l’on tape dessus. Aujourd’hui, nous avons un chômage structurel en France à 8% et vu les circonstances de ce qu’il se passe à l’extérieur, cette idée d’un chômage incompressible qui doit être atteint par des réformes semble moins efficace que l’idée d’un soutien constant à la conjoncture qui fait baisser le chômage comme on l’a vu aux Etats-Unis ou au Japon. Le chômage finit par baisser sous l’effet d’un marché du travail particulièrement « chauffé à blanc » par la conjoncture, et plutôt que sous l’effet de réformes structurelles qui finissent par avoir des effets pervers et dont on commence à avoir épuisé les possibilités.

Atlantico : De nombreuses critiques ont été émise suite à la publication de ces chiffres, notamment à cause de la polémique liée aux radiations. Sont-elles justifiées ?

Alexandre Delaigue : Il me semble que ce que l’on appelle le traitement statistique du chômage commence à être relativement vieux. Peut-on vraiment dire que la politique s’est amplifiée ces derniers temps ? Elle peut s’amplifier certes, mais ce ne sont pas des effets durables. C’est en regardant les tendances sur le long terme – et c’est pour cela qu’il faut se méfier lorsque l’on ne commente qu’un chiffre à la fois – que l’on peut commencer à faire un diagnostic. Il existe sûrement des radiations mais je ne pense pas que l’on puisse faire grand-chose par rapport à cela. De plus, c’est un phénomène facilement visible car une personne radiée en plein milieu du mois d’Août par exemple parce qu’elle n’a pas renvoyé le formulaire à temps, reviendra plus tard. Pour l’instant, en l’état, la manière de traiter les choses ne me semble pas différente de pratiques anciennes et qui n’ont pas été inventées par le gouvernement actuel. 

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