Pourquoi l'Allemagne tient les cartes du jeu européen entre ses mains<!-- --> | Atlantico.fr
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"Pourquoi l'Allemagne résiste-t-elle aussi bien face à la crise ? La réponse est (malheureusement pour nous Français) simple et tient en un mot : son courage."
"Pourquoi l'Allemagne résiste-t-elle aussi bien face à la crise ? La réponse est (malheureusement pour nous Français) simple et tient en un mot : son courage."
©Rémi Castaignon

Bonnes feuilles

Depuis le début de la crise et à l'exception de l'année 2009, l'Allemagne est le seul pays de la zone euro à avoir généré une croissance économique suffisante pour rembourser les intérêts de sa dette. Une situation économique qui place le pays en position de leader de l'UE. Extrait de "Le dictionnaire terrifiant de la dette" (2/2).

Marc Touati

Marc Touati

Marc Touati est économiste et président fondateur du cabinet ACDEFI (aux commandes de l'économie et de la finance). Il s'agit du premier cabinet de conseil économique et financier indépendant au service des entreprises et des professionnels.

Il a lancé en avril 2013 la pétition en ligne Sauvez La France.com pour diminuer "les impôts", les "dépenses publiques superflues" et "retrouver le chemin de la croissance" afin de "sortir par le haut de cette crise".

Il est également l'auteur de Quand la zone euro explosera, paru en mars 2012 aux Editions du Moment. Son dernier livre est Le dictionnaire terrifiant de la dette (Editions du moment, mars 2013).
 

 

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C’est une question qui taraude certainement beaucoup de Français et d’Européens : pourquoi l’Allemagne résiste-t-elle aussi bien face à la crise ? La réponse est (malheureusement pour nous Français) simple et tient en un mot : son courage. Car, ne nous y trompons pas, l’Allemagne a aussi connu de nombreuses crises et de grandes difficultés qui ont eu des conséquences bien douloureuses. Ainsi, après avoir mis dix ans à tenter de digérer la réunification avec l’ex-Allemagne de l’Est (la digestion n’est d’ailleurs toujours pas terminée), l’économie allemande a dû faire face à une récession dramatique de 2001 à 2003. Après avoir essuyé de lourdes pertes lors de l’explosion de la bulle immobilière des années 1990, les banques allemandes ont aussi dû affronter les conséquences négatives du dégonflement de la bulle Internet et du ralentissement international. Habituellement prêtes à soutenir coûte que coûte les entreprises, qui étaient d’ailleurs plus des partenaires que des clients (c’est ce que l’on appelait le modèle rhénan, ou encore la banque-industrie), les banques germaniques n’avaient plus les ressources suffisantes pour continuer de le faire. Elles ont donc dû les abandonner, engendrant une vague de faillites sans précédent. En 2003, on recensait ainsi outre-Rhin près d’une faillite d’entreprise tous les quarts d’heure.

[…]

Du fond du gouffre, l’Allemagne est alors sortie grandie de cette crise. Mais attention, les pouvoirs publics ne sont pas les seuls à avoir fait preuve de courage. Les entreprises, les syndicats et les salariés allemands ont aussi apporté leur pierre à l’édifice du sauvetage du « Made in Germany ».

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Lorsque la récession revient outre-Rhin en 2009 (avec une baisse du PIB de 5,1 %), les avantages d’hier (marché du travail flexible, industrie fortement exportatrice) auraient pu se transformer en handicaps. Mais il n’en a rien été. Grâce aux efforts de modernisation engagés dans les années 2000, la croissance est revenue rapidement et fortement. Mieux, alors que tous les autres pays de la zone euro ont replongé dans la récession ou dans la stagnation en 2011-2012, l’Allemagne n’a pas quitté le chemin de la croissance. Depuis le début de la crise, et à l’exception de l’année 2009, l’Allemagne est le seul pays de la zone euro, avec le Luxembourg, à avoir généré en permanence une croissance économique suffisamment forte pour rembourser les intérêts de sa dette publique.

Forts de leurs succès, les dirigeants allemands ne cessent ainsi de donner des leçons à leurs partenaires et n’hésitent plus à s’interroger officiellement sur la place de l’Allemagne dans l’UEM. Pis, ces questions et ces inquiétudes ne sont pas le simple fait des dirigeants politiques, mais elles s’imposent de plus en plus au sein de la population.

[…]

À la rigueur, tant que l’intransigeance allemande s’impose aux « petits pays », la zone euro n’est que faiblement menacée. En revanche, si les dissensions commencent à se développer entre l’Allemagne d’un côté, l’Italie et/ou la France de l’autre, l’issue risque d’être beaucoup moins favorable. C’est en cela que les prochaines décisions économico-politiques italiennes et françaises seront déterminantes. Si les dirigeants de ces deux pays réussissent à mener des réformes proches de celles engagées outre-Rhin, la zone euro sera définitivement sauvée. En revanche, si un mouvement inverse est décidé, il est clair que la grogne allemande ira crescendo.

Dans ce cadre, à force d’avoir répété « faites comme nous », sans être suivie, l’Allemagne pourrait tout simplement se retirer de la zone euro et revenir à sa proposition initiale d’une UEM limitée à des pays économiquement et socialement proches (en l’occurrence les Pays-Bas, l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg). Une crise sans précédent s’imposerait alors aux autres pays européens. Certes, ces derniers bénéficieraient d’une devise plus faible et d’une inflation plus forte, voire d’une dette publique renégociée à la baisse. Cependant, la question reste de savoir si leur perte de crédibilité ainsi engagée pourrait être rapidement surmontée. Car si l’on sait quand une révolution commence, on sait rarement quand et, surtout, comment elle se termine…

Plus que jamais, l’Allemagne a donc bien les cartes du jeu européen entre ses mains. Espérons simplement que ses partenaires en seront conscients et sauront faire les bons choix dans les prochains mois.

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Extrait de "Le dictionnaire terrifiant de la dette", Editions du Moment (mars 2013)

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