Pourquoi écrire votre propre nécrologie peut booster votre carrière<!-- --> | Atlantico.fr
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Hiroshi Mikitani
Hiroshi Mikitani
©BEHROUZ MEHRI / AFP

Effets insoupçonnés

Le fondateur de la société Rakuten, Hiroshi Mikitani dans une tribune publiée sur Quartz suggère, avant de prendre une décision importante sur le plan professionnel d'écrire sa propre nécrologie.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Quel pourrait être l'intérêt d'une telle démarche ?

Pascal Neveu : Il m'est immédiatement apparu très drôle que l'étude fut publiée sur Quartz... alors qu'à la fin du 19ème siècle Pierre Curie travaillait et publiait sur les qualités du quartz et ses relations avec la temporalité.
Car le quartz possède la capacité de générer des charges électriques à sa surface lorsqu'il subit des forces mécaniques et inversement.
D'où le mouvement et donc le non-immobilisme.
Cette suggestion invite à beaucoup de réflexions. Car rédiger une sorte de testament personnel, moral et philosophique nous renvoie, dans la pensée judéo-chrétienne à nous confronter au jugement dernier:
  • Un bilan sur notre vie
  • Une angoisse face à "l'après"
  • Un désir de n'avoir pas qu'été et donc devoir transmettre
C'est en ce sens que cela nous renvoie à un des concepts psychanalytiques fondamentaux sur la pulsion de vie et la pulsion de mort. Eros et Thanatos.
Un des fondements de la théorie des pulsions.
Car tel un mouvement balancier, plus l'on tire vers une extrême... plus on se retrouve dans l'autre extrême.
C'est finalement comme demander à un condamné à mort ses dernières volontés.
En dehors les dernières confessions, la dernière cigarette et le verre de rhum... la pulsion de vie l'emporte.
C'est donc un électrochoc à la façon "memento mori", "carpe diem" qui s'initie dans cette réflexion.  On sait que l’on va mourir, où comme le disait un de mes professeurs : « Vivez cet instant comme s’il était le premier jour de votre vie… cet instant tel un enfant qui découvre le monde et ses possibles… et l’explore. » et à nos âges, enrichis déjà de nombreuses expériences et désirs de réalisations.

Comment concrètement cette initiative pour le moins saugrenue pourrait permettre de prendre les bonnes décisions ? A quoi nous permet de réfléchir le fait d'écrire sa propre nécrologie en se confrontant à notre mort à venir ?

Il s'agit là d'une brutale mais pure "réflexion" dans le miroir.
Une sorte d'arrêt sur image... et réfléchir sur sa vie.
Comme je le précisais auparavant il s'agit surtout de créer un lien trop fortement oublié entre nos rêves, désirs, réalisations, frustrations… et de dire que nous pouvons ou non les réaliser.
Qui n’a pas songé à son épitaphe ? Qui n’a pas réfléchi à son hommage funèbre qui dicte un bilan de réalisations, d’éloges, quand il ne s’agit pas de s’angoisser quant au nombre de présents ?
Cette initiative n’est donc pas saugrenue. Au contraire. Bien évidemment elle peut être fortement constestée, mais elle nous percute face à cette question centrale : « Qui suis-je ? Quelle vie ai-je mené ? Que vais-je léguer ? »
La question de la mort n’invite qu’à questionner la vie, notre vie, nos actions, nos méfaits…
Hiroshi Mikitani réussit un exploit que personne n’aurait osé entreprendre : aller au-delà des tabous liés à la mort.
Il faut savoir qu’il est un homme d’affaire japonais, et que rien n’est anodin dans ses prises de paroles.
Il ne faut pas oublier également que la metapsychologie freudienne liée à notre monde occidental ne se retrouve pas en orient.
Ce qui d’ailleurs est un axe de recherche très intéressant, pour une meilleure compréhension de la richesse de notre diversité, et la facilité d’utiliser une telle démarche que nous ne nous serions jamais autorisé.
Les notions et relations vie/mort sont différentes sur un plan anthropologique.

Quels autres conseils peut-on prodiguer qui peuvent permettre de faciliter le processus de décision ?

Je pense qu'il faut se rappeler que la vie s'inscrit dans un changement permanent et que nous changeons de manière permanente. De notre premier cri de vie jusque notre mort.
Tout simplement parce que nous vivons sur un plan physiologique la mort et la renaissance de cellules, la mort programmée de certaines cellules (l'apoptose) ce qui fait que la mort reste tant refoulée, mais reste intrinsèque et provoque naturellement un mouvement dynamique de « reconstruction ».
Certes cette énergie s'étiole avec le temps.
Sauf que si nous réfléchissons face à l’engouement du transhumanisme… nous constatons que les milliardaires actuels (en dehors des GAFAM) sont tous dans une dialectique entre mort et vie et production de vie, face à la peur et l’angoisse de leur mort.
Aussi, même si cela apparaît comme une analyse sauvage, Hiroshi Mikitani ne fait que projeter son propre conflit et exprimer ce qui l’a amené à devenir ce haut chef d’orchestre d’une vie à réaliser et surtout d’une mort qu’il redoute.
Il exprime ainsi en utilisant un artificiel académique sa profonde angoisse.
Mais, pourtant... comme l'écrivait Goethe : « Je suis libre de mes actes… Mais quelles en sont les conséquences ? »
Nous sommes donc des êtres libres… de vie et de mort.
Le débat actuel en France sur la fin de vie en est le témoignage.
En cela, nous sommes tous identiques : le dernier jour, lors du dernier soupir, conserver le sourire d’une vie qui nous aura semblé accomplie et réalisée, et mourir en paix.

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