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Plan Borloo : comment Emmanuel Macron s'est lui-même enfermé dans le piège de l'ancien Ministre de la cohésion sociale...
©LUDOVIC MARIN / AFP

Plan Borloo

Alors que le plan Borloo prévoyait de voir son rapport sur le "vivre ensemble" mis en oeuvre par Emmanuel Macron, l'Elysée a freiné des quatre fers, estiment que "l'enjeu n'est pas de réinventer de grands dispositifs".

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Alors que Jean-Louis Borloo auteur du rapport "Vivre ensemble, vivre en grand, pour une réconciliation nationale" espérait voir ses propositions entérinées par Emmanuel Macron dans le discours qu'il doit prononcer à l'occasion de la rencontre sur le thème des  banlieues mardi prochain 22 mai, l'Elysée a fait savoir vendredi que "l'enjeu n'est pas de réinventer de grands dispositifs", qui "viennent d'en haut", mais d'"être efficace" en favorisant "la mobilisation" autour de "l'émergence de projets locaux". Les observateurs ont traduit : pas question de mettre en oeuvre le plan Borloo. Et cela risque de faire mal...

 "Ils ont aimé Nicolas Hulot, ils vont adorer Jean-Louis Borloo"...Celui qui prédit quelques cailloux dans les chaussures d'Emmanuel Macron et du  gouvernement, connait bien l'ancien Ministre de la Cohésion sociale de Jacques Chirac, et est un fin connaisseur du monde des élus dont il fait partie. Les éléments de langage de la communication élyséenne le laissent perplexe . S'agit-il purement et simplement d'un rétropédalage d'Emmanuel Macron qui avait appelé à "une mobilisation nationale pour les villes et pour les quartiers",  en novembre dernier à Tourcoing ? Ou le chef de l'Etat considère-t-il que Jean-Louis Borloo, auréolé de l'accueil favorable reçu par son plan par les élus et l'ensemble des acteurs de la politique de la ville, "met trop la pression "  ? En tous cas quelque chose cloche depuis que ce rapport en 19 points est terminé . Alors que c'est Emmanuel Macron qui avait missionné Jean-Louis Borloo, ce dernier n'a pas été invité à le remettre au Président de la République, mais à Edouard Philippe ...Bizarre.

Ceux qui avaient eu à déchiffrer rapidement l'épais document ont surtout mis en avant la mesure la plus " gadget", à savoir la création d'une académie des leaders ...pour " des jeunes filles et des jeunes gens à très haut potentiel mais sur des critères assez différents...par des test et épreuves valorisants...".Or il s'agit d'un plan très complet : les mesures les plus importantes concernent  la relance de la politique de rénovation urbaine autrefois initiée par l'ANRU . Le plan Borloo propose la création d'un " fonds doté de cinq milliards d'euros provenant de la cession des participations de l'Etat en 2018" et la création d'une fondation " pour créer une mobilisation citoyenne et emporter l'adhésion du grand public qui regrouperait les associations, collectivités locales, sociétés commerciales ...".

Le plan Borloo qui préconise aussi "d'agir fermement pour la sécurité et la justice, et qui comporte également des dispositions pour lutter contre l'illettrisme, qui réclame " des moyens d'agir pour les communes", a d'emblée reçu un accueil très favorable de la part des  élus et singulièrement de l'Association des Maires de  France présidée par François Baroin. Le bureau de l'AMF a auditionné Jean-Louis Borloo et l'a invité à plancher devant la Commission "politique et cohésion sociale". L'AMF, Ville et Banlieue, ainsi que France Urbaine, ont apporté leur soutien officiel au plan par voie de communiqué. François Baroin a écrit à Emmanuel Macron : et lui dire que " toutes les communes de France au travers de l'AMF sont au coté de Jean-louis Borloo afin que soit proposé un plan de mobilisation ambitieux mais réaliste, privilégiant une approche globale intégrant toutes ses composantes humaines et urbaines ...et qu'il constitue  un " signal fort  pour tous les territoires délaissés de la république, quartiers, petites villes, villes moyennes , espaces ruraux ou périurbains de métropole et d'outre-mer... Un tel plan doit être porté par une structure puissante , dotée de moyens financiers pérennes et d'une gouvernance "

... Car Jean-Louis Borloo n'est pas resté inactif après avoir remis le fruit de son travail. Puisqu'on en  faisait peu de cas en haut lieu, il s'est chargé d'en faire la promotion auprès de tous ceux qui pouvaient être concernés. L'homme , officiellement retiré de la politique, est resté une icone dans le monde de la politique de la ville et dans la mouvance centriste. Et il a  reçu beaucoup de soutiens .Coté gouvernement on a vite entendu la petite musique " c'est trop cher". Le plan serait chiffré à 48 milliards d'euros. Ce à quoi ,l'entourage de Borloo réplique que, bien mis en oeuvre, il rapporterait plus qu'il ne coûte , en raison de la TVA que la rénovation urbaine génère ... Aujourd'hui on en est à la guerre de communication entre l'Etat (-Bercy qui tient tout , grincent les défenseurs du Plan), et le monde des élus et associatifs qui réclament la relance de la politique de la ville. Du coté de l'exécutif on rappelle que le gouvernement n'est pas resté inactif depuis un an, avec le dédoublement des classes de CP, le développement des emplois francs, l'introduction de la police de sécurité du quotidien. Le gouvernement a également pris l'engagement de doubler les fonds consacrés à la rénovation urbaine. Mais les démissions de plusieurs élus (-dont celle, médiatisée, du maire de Sevran, Stéphane Gatignon ), renforcent  le sentiment qu'il y a "un problème" entre Paris et les " territoires oubliés de la République", qu'il s'agisse des territoires ruraux ou des quartiers . C'est devenu l'un des thèmes favoris de la droite, mais  le scepticisme gagne également les centristes favorables à la majorité, voire les rangs de LRM.. Jean-Louis Borloo n'a pas dit son dernier mot et ne va certainement pas rester les bras croisés. On se demande comment Emmanuel Macron va se sortir de ce pétrin, qui est en train de devenir un autre bouillon de culture de la contestation et se transformer en défiance à l'égard du pouvoir central...

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