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Un couple consulte les annonces d'une agence immobilière.
Un couple consulte les annonces d'une agence immobilière.
©AFP / Gaizka IROZ

Conjoncture défavorable

Le coût de l'emprunt des ménages pour l'achat d'un logement dans la zone euro a fortement augmenté avec la hausse des taux d'intérêt de la BCE.

Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

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Atlantico : Avec la hausse des taux d'intérêt de la BCE, le coût de l'emprunt des ménages pour l'achat d'un logement dans la zone euro a fortement augmenté. A quel point est-ce devenu difficile ?

Sébastien Laye : Entre 2018 et mi 2022, l'envolée des prix de l'immobilier fut accompagnée d'une politique monétaire accommodante, le premier phénomène étant largement responsable du premier. Le pouvoir d'achat immobilier s'est lentement dégradée en période post Covid, mais les ménages restaient globalement gagnants; depuis le début de la hausse des taux directeurs de la BCE en Juillet 2022, le pouvoir d'achat immobilier s'est effondrée, avec des prix qui jusqu'il y a quelques semaines, ne corrigeaient pas foncièrement à la baisse, et une répercussion de la politique monétaire (la courroie de transmission prenant au moins six mois en la matière) sur les taux hypothécaires. Deux conséquences immédiates: 1) les primo accédants, qui ne disposent pas de revenus issus d'une première vente, et sont les plus dépendants à la dette pour leur achat immobilier, sont évincés du marché 2) dans les grandes villes, avec des taux revenus dans leur normale historique (un peu plus de 3%), seuls les couples de cadres aisés peuvent encore acheter. L'essentiel de la population est condamné à louer. 

Dans quelle mesure le phénomène va-t-il continuer de s’accentuer dans les mois à venir ?

La BCE va émuler la Fed américaine. Au-delà du cycle prévu de hausse des taux durant un an, il y aura une hausse supplémentaire, avec un taux court terme in fine au-delà de 4%, et une pause à partir de Septembre. Du fait de l'effet d'hystérèse que j'évoquais, cela veut dire des hausses de taux immobilier peut être jusqu'à l'automne, donc des taux à presque 4%. La situation dans le secteur du logement va devenir catastrophique, avec des mises en chantier qui se sont déjà effondrées. Quand on connaît l'effet multiplicateur du secteur du bâtiment au niveau macroéconomique, il apparaît désormais que l'économie française n'a aucune chance de croître significativement cette année rien que pour cette seule raison. S'agissant des ménages, tout va dépendre de l'évolution des prix de transaction. Au début de la hausse des taux, les transactions se sont simplement arrêtées. Mais progressivement, par tâtonnements walrassiens comme disent les économistes, vendeurs et acheteurs sont en train de définir de nouveaux prix d'équilibre. Ainsi, chaque mois depuis quatre mois, le marché baisse désormais. Cet ajustement des prix va durer jusqu'à la fin de l'année, et il faut espérer que cela redonnera des marges aux ménages acheteurs; pour compenser intégralement l'effet d'une hausse des taux hypothécaires de 1,2% à 3,5% par exemple, par rapport au pic du marché, il faudrait une baisse de 15%; mais ce ne sont que des moyennes: pour des passoires thermiques dans la France périphérique, des ménages très modestes pourraient avoir de désagréables surprises..... 

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Si la conjoncture est évidemment défavorable, quelle est la responsabilité, également de la situation structurelle du marché du logement en France et notamment de la hausse des prix continue et de la raréfaction de l’offre depuis 30 ans ?

Les erreurs de la politique du logement ont au moins dix ans et peuvent se résumer en 3 catégories: suradministration (enchevêtrement ubuesque de PLUs et normes qui ont mis les maires dans une situation inextricable), surfiscalisation (s'il y a du tri à opérer dans les aides au secteur, il est si fiscalisé que net il rapporte plus de 50 milliards par an à l'Etat), et transition environnementale mal conçue ( Diagnostic énergétique et ZAN ont été conçues sans concertation avec le secteur et sont irréalistes). Du fait d'un âge d'or de l'immobilier entre 2016 et 2020 (baisse des taux, demande des ménages), le secteur a pu vivre avec des régulations ineptes et une politique du logement sous la tutelle des écologistes. Ce n'est plus le cas et toutes les failles de cette politique sont désormais béantes et visibles.

La restriction de la capacité d’endettement pour acheter de l’immobilier et la situation du marché est-elle en train de préparer une crise pire encore que l’inflation alimentaire ?

La politique monétaire restrictive a jusqu'à présent utilisé le levier des taux. Mais désormais elle va passer par une régulation du volume du crédit. On doit donc s'attendre à une diminution de la production de prêts par les banques. Le sujet est bien plus sensible politiquement que celui de l'inflation alimentaire, car il touche une catégorie plus large de français. Se loger est un besoin vital dans la pyramide des besoins de Marlow, mais qui représente une part du budget des ménages bien plus importante que l'alimentaire, surtout pour les classes moyennes.

Comment faire face à cette situation ?

Il faut d'abord être conscient de la période d'ajustement des hausses de taux. Le gouvernement doit faire preuve de pédagogie en la matière, et rappeler que ce ne sera plus un sujet en 2024; sur la politique du logement, j'ai porté récemment dans l'espace public (un rapport du 10 Mars) nombre de propositions assez classique pour augmenter rapidement la production de logement et faire face à la demande: simplifications administratives, rationalisation de la fiscalité, nouvelles incitations pour les élus à construire, et une trajectoire plus réaliste pour les DPE et ZAN.....

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