Petits rappels arithmétiques pour comprendre pourquoi l’encadrement des loyers ne fonctionne pas <!-- --> | Atlantico.fr
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Vue prise le 06 septembre 2006 d'habitations et d'immeubles de bureaux à Paris.
Vue prise le 06 septembre 2006 d'habitations et d'immeubles de bureaux à Paris.
©JOEL SAGET / AFP

Mesure inefficace ?

Deux ans après son entrée en vigueur, l’encadrement des loyers est toujours aussi peu efficace à Paris. Une annonce sur deux pour un logement vide ne respecterait pas ce dispositif, selon une étude de Meilleurs Agents dévoilée dans les colonnes du Figaro. Quelles sont les raisons économiques et mathématiques de cet échec ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Deux ans après son instauration, quel est le bilan de l’encadrement des loyers à Paris ?

Charles Reviens : Le courtier en ligne MeilleursAgents vient de produire pour la seconde année consécutive une analyse de la mise en œuvre des dispositions d’encadrement des loyers, notamment à Paris, ville phare de mise en œuvre de cette mesure à compter de 2019.

Le premier constat concerne le fait que la moitié des annonces locatives sur Paris ne respectent pas ce dispositif censé freiner l’augmentation des loyers, strictement le même niveau qu’en 2020. Cette situation pose la question de l’intelligibilité et de l’acceptabilité du dispositif pour les bailleurs, sans toutefois indiquer la proportion des baux ne respectant pas l’encadrement des loyers, puisque c’est au niveau du loyer dans les baux signés entre propriétaires et locataires que la mesure doit au final s’appliquer.

Par ailleurs l’étude constate que les loyers - les prix du service logement – ont baissé en un an de plus de 2 % pour les logements nus et de plus de 4 % pour les logements meublés. La question essentielle consiste à déterminer la contribution du dispositif d’encadrement des loyers à ces baisses. Il semble que que c’est bien davantage la crise sanitaire covid-19 et les restrictions associées d’interactions sociales (cours à distance dans l’enseignement supérieur pour les étudiants cibles des locations meublées, confinement, fuite hors de Paris) qui ont pesé sur les loyers, bien davantage en tout cas que le dispositif actuel d’encadrement des loyers sur lequel on manque de toute façon de recul pour en juger l’effet.

Quelles sont les raisons économiques (et mathématiques) pour lesquelles l’encadrement des loyers ne peut pas donner de résultats probants ?

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Avant l’analyse économique il faut faire un peu d’économie politique, d’histoire, et d’analyse comparée des politiques publiques du logement. En effet il y a une tentation permanente pour les responsables politiques, ceux de gauche plus que les autres pour pousser et parfois mettre en œuvre les dispositifs d’encadrement des loyers les plus divers. Ainsi l’actuel dispositif français est issu de la loi ALUR de 2014 portée par Cécile Duflot, une ministre du logement qui portait une idéologique de gauche voire d’extrême-gauche en matière de logement. Depuis le dispositif est utilisé par des collectivités dirigées par la gauche (Paris, Lille, Plaine Commune) : quand on croit peu au marché, quand on veut limiter les nouvelles constructions pour des raisons environnementales ou autres, et qu’on fait face à des augmentations de prix et de loyers effectives pour de multiples raisons, la solution étatiste de l’encadrement des loyers constitue une option politique tentante. Mais il y a un attrait universel pour cette approche et de nombreux autres pays y ont récemment eu recours : différents comtés aux États-Unis, Berlin, Argentine.

Le dispositif est le plus souvent décidé pour pallier une situation de flambée des loyers. Ainsi le dispositif a une efficacité à court terme puisqu’il procure avantage de prix pour les locataires ciblés par le dispositif (locataires en place ou entrants), et c’est la raison principale pour laquelle il est mis en place. En revanche il induit des conséquences de moyen et long terme qui peuvent être particulièrement négatives.

La contrainte de prix sur les loyers crée, et c’est d’ailleurs son objectif une contrainte économique sur les bailleurs avec conséquences directes sur l’offre ou la qualité de l’offre. Ainsi en est-il de l’expérience majeure de blocage des loyers en France, le dispositif mis en place au début de la première guerre mondiale et maintenu jusqu’en 1948. Ce dispositif a contribué entre les deux guerres mondiales et de manière décisive à l’effondrement de la production et est un élément majeur de la situation catastrophique de l’offre de logements au sortir de la guerre. Plus récemment sa mise en place en Argentine a conduit beaucoup de propriétaires à vendre leurs logements et donc réduire l’offre locative. Il ne faut pas oublier que le logement est un secteur fortement capitalistique qui nécessite des investissements permanentes sauf à accepter l’obsolescence d’une partie croissante du parc.

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D’où la phrase boutade de l'économiste Assar Lindbeck selon lequel « outre un bombardement, la meilleure façon de détruire une ville est par une politique de contrôle des loyers ». L’encadrement des loyers crée de beaux effets insiders-outsiders avec des gagnants (locataires bénéficiaires du dispositif) et des perdants à court terme, sachant que les perdants (propriétaires et investisseurs) vont réduire leurs investissements d’entretien voire sortir du marché avec une réduction de l’offre dont sont victimes les candidats locataires non rentrés sur le marché.

Il y a en outre de nombreuses questions de calibrage et de ciblage des dispositifs : la cohabitation entre un secteur régulé et un secteur dérégulé conduit à l’augmentation plus forte sur le secteur dérégulé. MeilleursAgents note aussi des problèmes de ciblage territoriaux sur les dispositifs avec un prix unique ne prenant pas en compte l’hétérogénéité des territoires et des logements ou les préférences des locataires.

Donc à long terme le risque est celui d’une baisse de l’investissement et des effets d’éviction et de réduction de l’offre conduisant soit à la hausse de certains prix soit à la baisse de la qualité de l’offre. Il y a au final un cycle d’économie politique entre mise en place puis abandon des dispositifs d’encadrement des loyers.

Quelles sont les méthodes réellement applicables pour éviter une explosion des loyers ?

L’évolution des loyer, prix du service logement, ne peut s’appuyer que sur une analyse multifactorielle dans laquelle les modalités d’encadrement des loyers sont une variable à côté de beaucoup d’autres. Dans certaines circonstances cela peut contribuer à la maîtrise comme on le voit en Allemagne avec les observatoires miroirs, mais c’est un élément d’un écosystème global.

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Pleins d’autres facteurs contribuent à cet équilibre de prix : d’abord et avant tout l’évolution du prix d’achat des logements, avec un lien très fort avec le niveau des taux d’intérêt et les couts de foncier ou de construction. Certains pays ont ainsi des dispositifs de refroidissement des prix des logements comme l’interdiction de l’achat d’immobilier par les non-résidents dans le plus grand nombre de cantons suisses.

On peut aussi penser à une forme de libération de l’offre. Ma contribution dans Atlantico sur présentait l’original système japonais de simplification radicale des droits à construire et d’absence de permis de construire ce qui a ainsi conduit une très forte augmentation de l’offre dans l’agglomération de Tokyo avec des conséquences évidentes sur les prix tant des logements que des loyers.

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