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Petit rappel à tous ceux qui pensent encore que Trump a été uniquement élu pour ses idées sur l'immigration et contre les élites
©SAUL LOEB / AFP

Trans-amérique Express

Le vote Trump n’est pas simplement un vote de rejet d’Hillary Clinton et du système, c’est un vote d’adhésion à un projet économique, celui d’une Amérique à nouveau conquérante. Focalisés sur les bévues et les provocations du candidat, les média ont oblitéré cette question pourtant au cœur du succès de Donald Trump !

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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« C’est l’économie, idiot ! » Certains se souviennent sans doute de ce slogan de la campagne de Bill Clinton en 1992. En fait c’était un cri du cœur lancé en réponse à la question : « qu’est-ce qui compte le plus pour les électeurs américains?».

Aujourd'hui, presque vingt-cinq ans plus tard, les observateurs qui sont encore à se creuser la tête pour comprendre la victoire de Donald Trump, tiennent  leur réponse dans ces trois mots.

La principale raison qui a fait du milliardaire new-yorkais le  nouveau président des Etats-Unis tient à ses propositions économiques et à son statut d’homme d’affaires. Pas au fameux mur anti-Mexicains, pas aux « déportations » d’immigrés, pas à la suppression d’Obama care, pas à ses écarts de langage, ses propos sur les femmes, sur les handicapés, ou quiconque autre… rien de ces clips visuels ou sonores dont les média n’ont cessé de se repaître, ignorant, délibérément ou par négligence, le cœur du sujet.

La motivation première de la candidature de Donald Trump a été de stopper le déclin de l’Amérique et de rendre au pays sa fierté et sa richesse. « Make America great again ! ». Face à une croissance annuelle de 1% en moyenne depuis  l’an 2000, Donald Trump a proposé de relancer l’économie américaine, de créer vingt-cinq millions d’emplois, d’investir dans les infrastructures, de diversifier la production d’énergie, d’éliminer les réglementations qui paralysent les créations industrielles, de rapatrier les jobs perdus à la mondialisation, de baisser les impôts, et de permettre à toutes les familles, y compris celles de la classe moyenne de scolariser leurs enfants dans l’établissement de leur choix etc. Tout cela dans ses cent premiers jours. Et c’est à ce discours que l’électorat a répondu.

Les électeurs ont décidé de faire confiance à un homme qui ne vient pas du monde de la politique,parce qu’à leurs yeux, depuis des décennies les professionnels de la politique, le fameux « establishment » de  Washington, ne font plus rien. .

A  preuve de cette démarche  le succès remporté par le candidat républicain au cœur même du bastion démocrate de la « rustbelt », la « ceinture de rouille » américaine, cette région du quart nord-est,  où se concentrait jadis l’industrie américaine, et qui est tombée victime de la mondialisation sauvage… Le 8 novembre Donald Trump est arrivé en tête dans l’Ohio (52%) et dans l’Indiana (57%), terres républicaines, mais également en Pennsylvanie (49%) dans le Michigan (48%), et dans le Wisconsin (48%), trois Etats « bleus », c’est-à-dire votant démocrate aux élections présidentielles. Le Michigan et la Pennsylvanie n’avaient pas été remportés par le candidat présidentiel  républicain depuis Georges Bush père en 1988 ! Le Wisconsin, depuis Reagan en 1984 !

Si les électeurs de ces Etats se sont ralliés à Donald Trump c’est aussi parce qu’ils se sont sentis ignorés, oubliés, par le parti démocrate. Alors que les cols bleus étaient la colonne vertébrale de ce  parti depuis les années 1930 et Franklin Roosevelt, ils ont été progressivement abandonnés, au profit des cols blancs urbanisés, plus chics et plus progressistes, ainsi que des minorités, ethniques ou sexuelles, considérées comme plus méritantes de la compassion démocrate. Face à cela les petits blancs des banlieues, et les cols bleus des vieilles agglomérations industrielles se sont cherchés un nouveau champion et ils l’ont trouvé en Donald Trump.

Ces cinq Etats de la rustbelt remportés par Donald Trump partagent le même profil socio-économique. La petite classe moyenne blanche constitue l’essentiel de sa population. On y rencontre les sièges des grands groupes industriels qui ont fait la gloire et la richesse de l’Amérique au XXe siècle : U.S Steel et General Electric en Pennsylvanie, General Motors, Ford et Chrysler, dans le Michigan, Goodyear, BridgeStone, Firestone dans l’Ohio, ainsi que  Dow, Whirlpool, Penske, Kellog's, et d’autres,  mais le dynamisme d'antan n’est plus là. Ces sièges sociaux existent mais le premier employeur régional est Wal-Mart, une chaîne de magasins populaires dont les employés sont peu qualifiés et mal rémunérés…Dans le Michigan et sa capitale économique Detroit, le chômage est monté à 8% après la crise de 2008 et ne redescend pas dans la zone métropolitaine. Au sein de la ville même, délaissée par la communauté blanche, le chômage touche 16% de la population.

Les habitants de ces Etats attendent de retrouver un avenir et c’est pour cela qu’ils ont élu Donald Trump. Ces cols bleus qui ont rendu sa victoire possible  sont les « Trump democrats » de 2016, comme il y avait eu des « Reagan Democrats » en 1980.

Pour répondre à leur attente, Donald Trump a mis en ligne un « contrat avec l’électeur américain »,  série de propositions qu’il s’engage à mettre en œuvre dans les cent premiers jours de son administration. La manœuvre s’inspire du « Contrat avec l’Amérique » proposé en 1994 par Newt Gingrich et qui avait permis aux Républicains de reprendre le Congrès.

L’objectif de Trump est de ramener la croissance à 4% par an et créer vingt-cinq millions d’emplois en quatre ans, au lieu de huit au rythme actuel de croissance. Pour cela il va proposer au Congrès (contrôlé par les Républicains) de voter une baisse d’impôts générale. La classe moyenne verra son imposition réduite de 35%. Trump va ramener le nombre de tranches d’imposition à trois (contre sept actuellement) avec des taux de 12%, 25% et 33%.  Il proposera aussi des crédits d’impôts pour l’éducation scolaire des enfants. Concernant les entreprises le taux d’imposition sur les bénéfices sera abaissé de 35% à 15%. Aux entreprises domiciliées dans des paradis fiscaux il proposera de se rapatrier aux Etats-Unis à un taux forfaitaire de 10%.  Pour accompagner ses mesures il procédera à une simplification drastique voire une élimination des réglementations, une libéralisation du marché de l’énergie, et à une réforme du commerce international. Concrètement, le projet de pipeline Keystone X, en suspens depuis cinq ans sera immédiatement redémarré. Les réserves de gaz de schiste, de pétrole, de gaz naturel et charbon seront toutes exploitées pour produire une énergie domestique et favoriser les emplois américains dans ce secteur. Les limitations imposées par la lutte contre le réchauffement climatique seront levées et Donald Trump a indiqué qu’il ne se sentait pas tenu par les recommandations de la Cop 21. Quant aux compagnies procédant à des délocalisations à l’étranger, elles se verront imposer des taxes d’importation si elles veulent vendre leurs produits aux Etats-Unis.

Trump souhaite également faciliter des accords publics-privés pour investir mille milliards de dollars dans les infrastructures sur les dix années à venir.  Ces grands travaux seront financés par l’emprunt.

Côté budget et pour rester dans le cadre d’une politique fiscale stricte Trump promet des économies de 800 milliards sur les dépenses publiques, principalement par des suppressions de postes de fonctionnaires et d’agences gouvernementales, et estime que ses baisses d’impôts seront compensées par les bénéfices du surcroît de croissance. Par contre il n’entend pas faire des économies sur les dépenses militaires et souhaite même augmenter le budget de la défense de 3 à 6% du PIB. 

Pour faire passer ce programme Donald Trump bénéficiera d’un Congrès à majorité républicaine. Ce qui lui facilitera considérablement le travail. Car en même temps qu’ils ont placé leur confiance dans Trump les électeurs américains ont reconduit l’essentiel des élus. De sorte qu’après des années de blocage la machine économique et politique américaine est mieux placée qu’elle ne l’a été en trente ans pour enfin redémarrer.  Et c’est ce qu’attendent les Américains. 

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