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Nucléaire : bouc émissaire médiatique
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Fukushima, EPR, etc...

Tchernobyl, Fukushima ou retard pris dans la construction du réacteur EPR de Flamanville : le nucléaire ne cesse de faire la Une... en étant critiqué. Et si les médias avaient peur du progrès technologique ?

Michel Claessens

Michel Claessens

Michel Claessens est directeur de la communication du projet ITER à Cadarache.

Docteur en sciences, il a été journaliste scientifique. Son dernier ouvrage s'intitule Allo la science ? (Editions Hermann, 2011).

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L’énergie nucléaire, chouchou de la presse ? En tout cas, sieverts, becquerels et autres rayons gamma se retrouvent régulièrement sous les feux de l’actualité. A l’instar des célébrités, chaque sortie nucléaire fait la une des médias. Et, bien entendu, chacun de ses faux pas : qu’un employé se casse le pied dans une centrale à fission, et l’incident deviendra news, même si la cause est totalement étrangère au nucléaire, occultant dès lors le fait que ce secteur industriel recense le moins d’accidents professionnels au monde.

Le retard annoncé la semaine dernière dans la construction du réacteur EPR de Flamanville ne va pas redorer le blason d’une industrie ternie depuis l’accident de Fukushima. Mais il fait les choux gras de la presse. Pour le bon et le moins bon. Car, tout comme les écrans antiradiations, les médias arrêtent également le rayonnement ! En jetant sur un sujet donné un intense éclairage, ils peuvent en occulter tous les autres aspects.

Certes, un retard de deux ans dans la construction de l’EPR est regrettable ; certes, l’augmentation du coût du projet passe difficilement dans le contexte actuel. Mais cessons aussi l’hypocrisie ! Aucun expert ne défendra en privé l’idée qu’un projet aussi complexe puisse être mis sur les rails sans créer de surprise. C’est d’ailleurs le propre de l’innovation ! Nous devrions être fiers de notre recherche et de notre haute technologie. Ce qui ne signifie pas pour autant que celle-ci doit être exploitée à tout prix

On sait bien que le problème du risque réside dans sa perception. Et cette perception est amplifiée par le sentiment de vivre, comme l’affirment certains sociologues, dans une société de la peur. A leur manière, les médias, qui couvrent parfois (trop) largement les accidents technologiques et industriels (qui, il est vrai, peuvent entraîner le décès immédiat de plusieurs centaines de personnes), expriment également, même si c'est de façon inconsciente, ce même sentiment. Certes, ces accidents majeurs nous interpellent. Et les médias en premier lieu. Mais au-delà de l'émotion médiatisée, la distance et le temps devraient nous permettre de relativiser les choses. On compte quotidiennement dans le monde quelque 60 000 décès causés par les maladies cardiovasculaires, près de 10 000 enfants qui meurent de sous-alimentation, et une centaine d’Européens qui perdent la vie sur les routes. A côté d’un accident « médiatique », ceux-ci ne comptent plus. Si n'existe, dans notre société dite de la communication, que ce qui est médiatisé, n'y meurent aussi que ceux qui sont médiatisés.

Le prestige de la technologie – et du techno-logos - n’est pas étranger à l’impact médiatique de ces accidents. On l’a vu encore avec l’accident l'Airbus A377 au large des côtes brésiliennes à l'été 2009 et plus récemment avec la crise nucléaire au Japon. Quoi, des fleurons de la technologie contemporaine qui échappent à notre contrôle ? Diable, espérons que la cause en soit extérieure ! « Les avions sont conçus pour résister à des turbulences très fortes », clamaient les experts après la chute de l’A377. Nous retrouvons cette « foi technicienne » qui nous aveugle et nous fait oublier ces nombreux accidents qui ont définitivement miné le mythe d'une technologie sans faille.

Technologies et médias font donc bon ménage. Pour ce secteur lui-même profondément chamboulé par le « progrès », la technologie offre tous les ingrédients d’une bonne « story » : puissance et menaces, donjons et dragons. Et la presse de nous abreuver des performances et des défaillances de nos merveilles technologiques, des records du TGV aux envolées de la navette spatiale en passant par les avaries des centrales en tous genres. Bref, le prix à payer pour le « toujours plus ! », qui peut résumer l'évolution technique de notre civilisation : toujours plus vite, toujours plus précis, toujours plus puissant. Toujours plus complexe aussi, au niveau tant de la technique elle-même que de son contrôle. Le progrès technologique a donc de beaux jours médiatiques devant lui !

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