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Gouvernement Mariano Rajoy : oubliez les rêves des Indignés, place aux technocrates
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Indignados

Mariano Rajoy a choisi ce jeudi les membres de son gouvernement. Les surprises viennent des ministères de l’Économie et de l'Intérieur, où un ancien dirigeant de Lehman Brothers et un ancien proche d'Aznar ont été choisis. Des nominations en rupture avec le succès des Indignés dans le pays.

Juan Manuel Bellver

Juan Manuel Bellver

Juan Manuel Bellver est un journaliste espagnol, correspondant à Paris du quotidien El Mundo.

 

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Atlantico : Mariano Rajoy a officialisé son gouvernement, en prenant notamment comme ministre de l'Economie Luis de Guindos, ancien dirigeant espagnol de Lehmann Brothers, et quelques anciens membres du gouvernement de Jose-Maria Aznar… Comment expliquer la formation d'un tel gouvernement dans le pays européen où les Indignés ont fait le plus parler d'eux ?

Juan Manuel Bellver : Le PSOE, l’équivalent espagnol du PS, a gouverné durant 8 ans. Il n’a pas eu de chances, il a fait quelques politiques sociales sympathiques, mais aussi trop de bêtises et surtout il a très mal géré l’économie et a fâché beaucoup de gens. L’Espagne est maintenant le pays développé qui a le plus de chômage au monde proportionnellement à sa population. Les Espagnols ont préféré un autre parti : c’est l’alternance politique, après 8 ans et avec la crise c’est normal. La victoire du PP (parti populaire espagnol) ne doit donc pas être vue comme une vague conservatrice. C’est un  parti de centre-droite, oui, mais Rajoy n’est pas vraiment un politique de la droite dure, mais plutôt un homme de consensus.

D’autre part, je pense que Mariano Rajoy, en choisissant ce gouvernement, a opté pour des ministres qui lui sont très fidèles, et qui pour la plupart n’ont rien à voir avec l’ancien exécutif d’Aznar. Il y en a bien quelques-uns, mais ce sont les plus centristes, tels que le ministre de l’agriculture Arias Cañete ou encore Ana Pastor, qui avait fait du bon travail il y a 8 ans dans le Ministère de Santé, et qui sera sûrement efficace dans l’avenir.

Ce n’est pas, à mon sens, un virage conservateur. Au contraire cela marque une régénération, dans le pays comme au sein du Parti populaire, vers une politique de consensus et de dialogue plutôt que d’affrontements.

C'est ce que souhaitent une majorité d'Espagnols en période de crise ?

Oui. Ils veulent le sens commun dans le gouvernement et dans les budgets. La crise espagnole n’est pas seulement celle de l’euro, car il y a eu aussi l’explosion de la bulle économique espagnole qui venait du secteur de la construction. Et il y a par ailleurs une crise très grave en relation avec les budgets institutionnels. En effet, les gouvernements régionaux gèrent une partie très importante de l'argent public. Trop de frais ne sont pas contrôlés par le gouvernement central, mais par les municipalités, par les gouvernements autonomes… Beaucoup de postes et de charges publiques ont doublé. C’est d’ailleurs l’un des objectifs urgents de Mariano Rajoy.

Quant aux Indignés, leur mouvement est fantastique en ce qu’il a fait réfléchir tout un pays, et même d’autres Etats, à propos de la représentativité et du pouvoir du secteur financier.

En termes de représentativité j’aimerais beaucoup que Mariano Rajoy ait le courage, peut-être pas tout de suite mais à moyen terme, de changer quelque chose, surtout sur le plan des lois électorales espagnoles. Elles sont anciennes et méritent une refonte. Il faut que les citoyens puissent voter pour un candidat et non pour une liste fermée. Il faut un député par circonscription, comme en France. Les listes fermées sont une dictature des leaders de partis, la liberté de vote n’existe pas.

Ces choix gouvernementaux ne montrent-ils pas le manque de poids, de représentativité ou d’efficacité politique du mouvement des Indignés ?

Mais les Indignés n’ont pas créé un parti politique. C’était un mouvement de jeunes, spontané, qui n’a pas fait de proposition ou de candidature politique. Une partie du vote des Indignés est allé à Izquierda Unida, la véritable gauche espagnole, qui était un peu oubliée mais a gagné quelques sièges de députés. Et tant mieux pour la richesse de la pensée politique et du débat. D’autres voix sont allées à l'UPD de Rosa Díaz, « l’indignée du PSOE » en quelque sorte, et je pense même que certains Indignés ont pu voter pour Mariano Rajoy.

Les Indignés sont un mouvement contre le système, contre un gouvernement mou qui a laissé le pouvoir financier faire ce qu’il voulait. Ils n’ont pas vraiment d’idéologie politique claire.

Que dire, alors, de la nomination de Luis de Guindos, ancien dirigeant de Lehmann Brothers Espagne, au ministère de l’économie ?

Vous m’excuserez de ne pas m’exprimer sur cet homme qui est dans le Conseil d’administration de mon entreprise, Unidad Editorial. C’est un technocrate sérieux plus qu'un politicien. Bien qu'il soit affilié au PP, depuis 2004 il est dans le secteur privé. A mon avis, il a un profil voisin de celui du Premier ministre italien Mario Monti.

Mariano Rajoy a choisi des fidèles, et qui possèdent un vrai sens des réalités. Des personnalités pratique et aptes au dialogue. En résumé, un gouvernement fait pour gérer une crise.

Propos recueillis par Romain de Lacoste 

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