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Nos racines rurales, notre identité ancestrale : comment la France des clochers parvient toujours à se faufiler dans la campagne présidentielle
©Reuters

La force tranquille

C'est un indémodable des campagnes présidentielles : la France rurale. Comme à chaque élection, les candidats vantent cette France éternelle, socle du pays. Force est de constater que l'image fait mouche à tous les coups.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Réunis à Brest pour parler de leurs programmes sur l'agriculture, les candidats ont fait de multiples références à l'attachement des Français à la France rurale, la France "éternelle". Comment expliquer que ce thème soit toujours aussi importants dans les campagnes présidentielles ? Qu'a-t-on pu observer depuis Valéry Giscard d'Estaing par exemple ?

Gil Michaeli : Je pense que dans la culture française, dans l'image qu'on a de nous-même  la campagne joue un rôle très important. Les affiches de campagne de Mitterrand en 1981 avec "La France tranquille" est un bon exemple.  Même si les Français sont citadins depuis longtemps l'image, la symbolique reste extrêmement puissante malgré l'exode rural des années 60/70. La campagne est une pierre angulaire de l'image de nous-même. C'est évident à partir de là que les campagnes présidentielles s'y intéressent. L'agriculture est un pilier de l'économie et de l'aménagement du territoire. Ce sont deux sujets liés et qui sont extrêmement important. Il est tout à fait normal que l'on y consacre du temps surtout que depuis 10 ou 15 ans deux thématiques s'agrègent, c'est les questions alimentaire (santé…) et les questions environnementales et sanitaires liées à l'agriculture (pesticides, techniques de culture, exploitations agricoles, élevages…). Il y a des enjeux symboliques économiques, environnementaux qui font que c'est un thème majeur en France. Dans la vision des Français et que les Français ont d'eux même,  la campagne garde un rôle important.

On est de plus en plus conscients de ce que l'on consomme et du rôle important de l'agriculture dans l'environnement. La France a une industrie agroalimentaire importante. Le vin le fromage, la viande, tout est mêlé : économie, imaginaire, identité nationale, tout est lié.

Qu'est-ce que cette idée provoque dans l'inconscient collectif ? À quoi fait-elle référence ?

Tout ce qu'on vit s'inscrit dans quelque chose de long. Chaque campagne électorale pose la question classique de continuité/rupture et changement.  Dans les programmes comme dans les messages subliminaux des candidats il y a toujours un mélange de ce qu'il faut garder, changer ou abandonner. Parler de quelquechose qui dépasse les simples enjeux d'une campagne ou qui l'inscrivent dans le long terme ça permet de mieux appréhender ces dimensions de ce qu'on aimerait garder et de ce dont on aimerait se débarrasser.

Un autre élément plus difficile à saisir, c'est la question qui cherche à savoir ce qu'on a le droit de changer. Evoquer une France éternelle c'est insinuer qu'il y a certaines choses qu'une majorité ferait bien de ne pas changer. Il y a quelque chose lié à une sorte d'ADN. Il est extrêmement dangereux de toucher à l'ADN de la France et lorsqu'on évoque une France éternelle on évoque cette dimension-là.

Ceux qui utilisent cette formule renvoient un message de continuité, de stabilité et qui est rassurant même si on peut y voir une certaine forme de radicalité vu que l'on peut y voir l'expression d'une certaine forme de radicalité qui souhaiterait un "retour aux sources", "retrouver un âge d'or". On peut rassurer avec la France éternelle,  on peut donner l'assurance de continuité plutôt que de faire peur en voulant un changement brutal.


Que reste-t-il de l'attachement des Français à cette France des terroirs ? Toutes les catégories de populations y sont-elles sensibles de là même manière ?

Je pense que dans l'image que les Français ont d'eux-mêmes et de leur pays, la campagne, les villages, l'agriculture, le terroir joue un rôle important. L'exode rural, ce changement brutal entre 1950 et 1980 a changé l'économie et la sociologie de la France mais les gens restent toujours attachés à ce double sens du terme pays. Le pays c'est la France et aussi d’où l'on vient en France. Un endroit auquel on reste toujours particulièrement attaché. Dans l'idée que les Français ont de la France il y a toujours ce double sens du mot pays qui reste très profond.

Cette manière romantique de voir la campagne date du 19e et du choc de l'urbanisation et révolution industrielle qui a transformé la campagne en sorte de paradis perdu.  On peut dire quand beaucoup de Français dans les années 50 ou même 60 vivaient encore dans la campagne, elle faisait beaucoup moins rêver vu qu'il n'y avait pas le confort de la ville. Aujourd'hui plus on avance dans une forme de modernité, plus on renforce l'imaginaire du paradis perdu.

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