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Non-report des municipales : la faute démocratique de la Droite (et des oppositions)
©LUDOVIC MARIN / AFP

Travailler, c’est la santé (sauf pour les oppositions)

Emmanuel Macron l’a annoncé, les élections municipales sont maintenues. En pleine crise sanitaire, le chef de l’état a tranché et après voir écouté les doléances des représentants de l’opposition il a considéré que toutes les conditions étaient réunies pour exercer la bonne vie démocratique du pays.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Il semble que le chemin pour éviter la contamination passera par des mesures de distanciation sociales. Pourtant le grand raout démocratique et populaire réunissant l’ensemble de la population française va tout de même avoir lieu. La presse rapporte que le report des municipales a été écarté sous pression de la droite et des partis d’oppositions. Ont-ils encore envie de travailler sur le fond ou sont ils enfermés dans leurs intérêts du moment  ? 

Il ne faut pas limiter le maintien du scrutin à la seule pression des oppositions . L’opinion publique est , selon toutes les études publiées , majoritairement défavorable au report , y compris dans les catégories les plus âgées , c’est-à-dire les plus exposées , de la population . Le problème que vous soulevez est celui de l’ajustement démocratique aux contraintes sanitaires . Le gouvernement , s’il voulait reporter les élections , devait s’y prendre bien plus en amont . Manifestement au début de l’épidémie , il y a eu sous-estimation de la viralité de la crise . Souvenez-vous quand même des propos de la Ministre de la santé dont toute la communication tendait de facto à relativiser le risque . Cette faute originelle est la cause-racine du problème . Les oppositions ont eu beau jeu en conséquence de considérer que le report ne s’imposait pas , d’autant plus que la faisabilité juridique à trois jours du scrutin paraissait complexe . Sauf à activer l’article 16 , mesure en l’occurrence absolument disproportionnée . Dés lors le maintien du scrutin était inévitable . Le Premier ministre aurait reçu voici trois semaines les responsables politiques , leur auraient expliqué le contexte, un consensus national eût pu éventuellement se dégager . Là à quelques encablures de la consultation , ce compromis était impossible . Il me semble excessif de faire porter aux forces politiques d’opposition la responsabilité du maintien . La gestion temporelle de la crise par l’exécutif a péché par défaut de réactivité . 

Y-a-t-il une volonté de l’opposition de se cacher derrière les avis scientifiques pour évider de se préoccuper du sujet et ne pas prendre le risque de se tromper dans ses propositions ? 

C’est le premier ministre qui conduit la politique du gouvernement . C’est le Président de la République qui lors de son allocution s’est adossé à l’expertise scientifique. Les scientifiques sont des chercheurs profondément attachés à l’indépendance de leur activité . Votre question induirait qu’ils ont rendu un avis de circonstance , de confort . Si tel était le cas , ce serait catastrophique pour l’image de la science . Le problème de fond néanmoins c’est que la parole du chercheur est indexé sur un état donné de la connaissance , susceptible d’évoluer . “ La science avance se raturant elle-même " écrivait Victor Hugo . Dans cette crise le rôle du chercheur est décisif ; le président l’a au demeurant rappelé dans son allocution ; ce sont eux qui peuvent éclairer et aider à la prise de décision dans un contexte incertain avec un virus dont ils s’efforcent de saisir les caractéristiques . Nous sommes dans cette crise avec un cas d’école qui illustre parfaitement la difficulté de l’articulation du temps scientifique , qui est celui de la connaissance en train de se construire et du temps du politique , qui est celui de l’urgence de l’action . Nous n’avons pas d’autres choix dans une situation d’incertitude que de déléguer notre confiance au savant qui est là pour éclairer et aider à la décision . Les démocraties en l’occurrence doivent faire preuve de résilience . Interrompre un processus électoral suppose au préalable de prendre d’autres mesures qui justifieraient cette option. En d’autres termes comme le rappelait le professeur Bricaire , membre de l’Académie nationale de médecine , de s’orienter vers la suspension plus globale de tout un ensemble de services . Ce n’est pas pour le moment cette option qui a été retenue . Si nous entrions dans une situation à l’italienne la question se poserait alors légitimement. 

Le non-report des municipales montre l’échec des oppositions à prendre les devants sur une telle crise et la volonté de privilégier les calculs politiques. N’avons-nous pas encore un exemple que les partis actuels n’arrivent pas à sortir de leur condition d’opposition ? 

 Tout d’abord , les oppositions ne peuvent être tenues pour  responsable de la gestion opérationnelle de la crise encore une fois . Au demeurant elles ont plutôt salué dans leur ensemble le discours du Président . Elles participent , à quelques exceptions près , au socle consensuel qui s’est installé depuis le début de l’épidémie . Pour autant elles sont là aussi pour interroger et contrôler l’action de l’exécutif , y compris dans les moments où l’unité nationale est indispensable . La démocratie n’est pas l’unanimisme , y compris dans les circonstances exceptionnelles . Cette nostalgie de la fusion civique ne résiste pas à ce que sont les “ sociétés ouvertes “ . Athènes n’est pas Sparte et nous autres français , nous sommes bien plus  Athéniens que Spartiates . L’agora est notre essence et dans cette agora il y a place pour la conflictualité . C’est là notre culture politique , notre imaginaire , notre pratique démocratique . Je n’y vois pas forcément la trace de calculs stériles mais les linéaments de quelque chose qui vertèbre notre mode d’être à la démocratie . Faut-il forcément s’en plaindre ? Je ne crois pas ..

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