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Le progrès technologique aurait rendu les hommes moins intelligents.
Le progrès technologique aurait rendu les hommes moins intelligents.
©Flickr / dalbera

Regard en arrière

Plusieurs scientifiques ont réalisé des études pour montrer que nos capacités intellectuelles auraient diminué avec le temps. Mais l'intelligence peut-elle se voir comme quelque chose de global ?

David Gourion

David Gourion

David Gourion est médecin psychiatre à Paris. Il est l'auteur avec le Pr Henri Loo de Guérir de la dépression : Les nuits de l'âme (Odile Jacob) et de Le meilleur de soi-même: empathie, attachement et personnalité (Odile Jacob).

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Atlantico : Plusieurs études, notamment une menée par le biologiste américain Gerarld Crabtree, suggèrent aujourd'hui que nous sommes moins intelligents que nos ancêtres aux siècles précédents. Cela a-t-il un sens de comparer les niveaux d'intelligence de façon globale et dans le temps ? Pour quelles raisons ?

David Gourion : Le Pr Gerald Crabtree  jette un pavé dans la mare : selon ce chercheur de l'université de Stanford, en dépit de l'explosion des connaissances dans tous les domaines au cours des dernières décennies, l'apogée de l'intelligence de l'homo sapiens sapiens aurait eu lieu il y a 5000 ans, et l'homme d'aujourd'hui serait dans une phase de plateau, voire de déclin cognitif. Et ce pour des raisons de génétique de l'évolution: avec l'apparition du confort de la civilisation, la sélection des individus les plus aptes à survivre aurait diminué (les individus les moins doués sur le plan intellectuel s'avérant protégés par le reste de la société).

Par ailleurs, la diminution des grandes migrations de population aurait réduit le brassage génétique propice à l'évolution. Aux progrès de la science, de la médecine et des arts survenus au cours des derniers siècles, le chercheur oppose la plus radicale des évolutions de l'intelligence des 100 000 dernières années : l'apparition de l'écriture il y a 6000 ans. Le summum de la capacité d'abstraction humaine. Par ailleurs, selon Crabtree, l'arrêt de l'expansion du crâne depuis des millénaires, serait un autre indice de la stagnation du développement cérébral de l'homme. 

Maintenant, à défaut de décongeler un de nos ancêtres pour lui faire passer un test de QI, l'hypothèse de Crabtree demeure plus que critiquable. Par exemple, depuis l'utilisation des tests de QI il y a 50 ans, le QI des enfants de même tranche d'âge n'a cessé d'augmenter. C'est le fameux effet Flynn. De surcroît, même s'il existe une certaine héritabilité génétique des capacités cognitives d'un enfant, les paramètres de son environnement affectif, familial, culturel et social sont déterminants. 

Y a-t-il néanmoins des choses que nous faisons moins bien et d'autres que nous faisons mieux ? A quels éléments extérieurs ces évolutions peuvent-elles être imputées ?

Les capacités de l'être humain ont dû s'adapter en fonction du contexte et de l'environnement; les contraintes auxquelles les chasseurs-cueilleurs étaient confrontés il y a 10 000 ans sont fort différentes des nôtres. Nos capacités d'abstraction se sont considérablement améliorées, en même temps que nous contrôlons notre environnement, à tel point que nous n'avons plus à nous adapter à lui, mais que c'est lui que nous adaptons à nous.

Le prix à payer de cet hyper-contrôle de l'environnement, c'est que finalement, d'une certaine façon, nous lui appartenons: nous ne sommes quasiment plus capables de vivre sans ordinateurs, sans électricité, sans téléphones, etc. Le chasseur-cueilleur aurait autant de mal à s'adapter à notre environnement que nous en aurions à nous adapter au sien. 

Existe-t-il une intelligence unique ou plusieurs intelligences différentes qu'il serait difficile de classer et de hiérarchiser ?

Tout dépend de votre définition de l'intelligence. Les capacités d'abstraction, les fonctions cognitives, la capacité de représentation dans l'espace, le stock verbal, la régulation des émotions, l'empathie, la compassion sont des fonctions psychiques très différentes. L'intelligence, c'est tout cela à la fois, donc c'est un concept, quelque chose qui n'est pas mesurable. Par contre, ce que nous pouvons mesurer sur la base de tests simples, type tests de QI, n'évalue qu'une infime petite partie des capacités de notre cerveau.

Quelles sont les méthodes utilisées de nos jours pour mesurer l'intelligence et sur quels critères le faisons-nous ? Comment ces méthodes ont-elles évolué ?

Les tests de QI actuellement les plus utilisés depuis cinquante ans sont basés sur les travaux de Wechsler (échelles WISC), qui, il y a une cinquantaine d’années, les a introduits sur la base des tests de recrutement de l’armée américaine. Ces tests, jusqu’à très récemment, ne comportaient que deux volets: le QI verbal (aptitudes à comprendre un texte, richesse lexicale, capacité de restitution) et le QI performance (aptitudes logiques, représentation dans l’espace, arithmétique, etc.). Le QI global étant la moyenne du QI verbal et du QI performance. 

Les résultats obtenus à ces tests ne sont pas des “notes”, mais des comparaisons statistiques par rapport à un groupe de même tranche d’âge (un QI à 100 correspond à la moyenne en population générale, un QI à 130 correspond à une efficience intellectuelle élevée - 15% des gens environ - et un QI supèrieur à 145 à la classe des surdoués (1 sujet sur 1000). 

Au gré des versions améliorées de l’échelle de WISC ( nous en sommes à la IVème édition) , nous sommes passés de deux dimensions (QI verbal et QI performance) à quatre dimensions, plus fines: la compréhension verbale (similitudes, vocabulaire, compréhension), la mémoire de travail (mémoire de séquences de chiffres et/ou de lettres), le raisonnement perceptif (cubes, identification de concepts, matrices) et la vitesse de traitement (codes, symboles).

Mais encore une fois, insistons sur le fait que ces tests n’explorent qu’un petit nombre des aptitudes intellectuelles des sujets, et laissent de côté l’intelligence émotionnelle (empathie, sensibilité, capacité à gérer ses émotions, insight, etc.). En réalité, personne ne sait définir ce qu’est l’intelligence…

Propos recueillis par Manon Hombourger

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