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Nicolas Sarkozy à DPDA : dur d’être "humain" ! Mais que faut-il donc faire pour sortir du cercle infernal du doute ?
©Reuters

C'est pas gagné

Lors de l'émission Des Paroles et des Actes, Nicolas Sarkozy a tenté, tant bien que mal de jouer la carte de l'empathie et de l'authenticité dans un contexte difficile pour lui, entre absence de contradicteur et choix d'invités surprenants.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Exercice bien difficile pour Nicolas Sarkozy que de tenter de rétablir sa crédibilité sur tant de fronts : crédibilité morale aussi bien que politique - l’éthos des Anciens - au plus bas dans les sondages. Or, on le sait depuis Aristote, c’est toujours cet éthos de l’orateur qui emporte la conviction. Les plus beaux discours, les programmes les plus alléchants ne donnent rien si cet éthos n’est pas cru. Or, pour Nicolas Sarkozy, LA question, même chez ses fans, revient sans cesse : "pourquoi ferait-il donc demain ce qu’il n’a pas fait hier ?"

Le livre La France pour la vie a été un premier pas dans cette entreprise de "recrédibilisation" - à moitié convaincant. Le rendez-vous avec les Français sur le plateau de DPDA devait être la deuxième étape. Dans un contexte peu favorable en raison de la faible sympathie des journalistes à son égard, comme l’a montré leur zèle à le contredire sur quasiment tous les sujets et leurs questions toujours ad hominem. En raison aussi de la composition du pannel de Français, bien peu représentatif : aucun retraité, deux fonctionnaires, un syndicaliste et aucun sympathisant des Républicains, même chez les deux chefs d’entreprise : il fallait le faire !

Mais l’invité disposait d’un atout de taille : l’absence de tout représentant du Gouvernement, sur consigne élyséenne, ce qui n’était pas fair play et constituait une faute majeure. Dès le début, Nicolas Sarkozy, en orateur instinctif, a insisté sur cette étrange asymétrie, insistance qui gênait visiblement l’animateur et qui a permis à l’invité de prendre la main d’entrée. Maîtrise du débat qu’il a tenté de garder en posant lui-même des questions et en interrogeant les règles du jeu. Habile et pédagogique également la contextualisation systématique de ses réponses rappelant les circonstances, la crise, les exemples étrangers si peu pris en compte dans le débat français. Et, surtout, fait dont profite aussi le Front National, l’antisarkozysme (à des degrés divers) omniprésent sur le plateau a d’emblée placé l’invité dans la position toujours enviable de victime.

Une victime, qui, de son côté, pour briser l’image de l’arrogance et du "casse-toi…", avait pris pour mot d’ordre l’EMPATHIE. Empathie à toute épreuve à l’égard des chefs d’entreprise, des mères de famille, des jeunes de la diversité et même d’un cégétiste, venu non pas dialoguer mais réciter son bréviaire. La patience manifestée par Nicolas Sarkozy lui a valu l’approbation des auditeurs sur ce point. Mais voilà, cette stratégie aboutit à une impasse : comment se montrer également empathique à l’égard de Français qui ne parlaient, comme toujours dans ces émissions, que de leur seul cas et de leurs seuls intérêts : comment satisfaire à la fois le cégétiste et le chef d’entreprise ? Le petit commerçant et la fonctionnaire ?

Enfin, les chiffres lancés à la volée sur tant de sujets (déficits, fiscalité, chômage etc.), souvent justes mais pas toujours : or, les fact-checkers veillent et nul doute qu’ils vont très vite s’en donner à cœur joie ! Le naturel péremptoire est lui aussi réapparu à trop de reprises :  les "oui !" et les "non !" ont fusé, à propos et hors de propos, notamment dans la rubrique économique. De même, le registre de l’humour qu’il affectionne pour déstabiliser l’adversaire a tourné, en fin d’émission, au laisser-aller et à la familiarité qu’on lui a tant reprochés.

De sorte que la contradiction fondamentale de cette entreprise d’auto-réhabilitation, déjà au coeur du récent livre, reste toujours là : comment d’un côté revendiquer son "humanité", ses qualités et ses défauts, et regretter d’être "resté trop longtemps homme après être devenu président" ?

Enfin comment être crédible en évoquant soi-même son "authenticité" ? L’impératif pour tout orateur est bien connu : "show, don’t tell ! ("il faut montrer et non dire") : c’est au public de juger de l’authenticité de l’orateur… comme de son "amour de la France".

Et voilà sans doute les raisons pour lesquelles les Français, malgré leur reconnaissance des points forts de Nicolas Sarkozy, sont demeurés majoritairement sceptiques, comme l’a montré le sondage final. 

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