Nés criminels : comment vivre dans un monde où il serait prouvé qu’un gène de la violence et du meurtre existe véritablement ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Image extraite du film "Minority Report".
Image extraite du film "Minority Report".
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Bienvenus dans Minority Report

Des généticiens finlandais ont identifié deux gènes associés à la violence criminelle. Si l'on parvenait effectivement à prouver l'existence d'un tel gène, la société aurait deux façons de l'interpréter.

Pierre  Roubertoux

Pierre Roubertoux

Pierre Roubertoux est professeur de génétique et de neurosciences à Marseille. Il a créé et dirigé le laboratoire "Génétique, neurogénétique, comportement" du CNRS et a travaillé au laboratoire "Génomique fonctionnelle, comportements et pathologies" du CNRS, à Marseille. Il mène aujourd'hui ses recherches au sein du laboratoire de génétique médicale de l'Inserm.  Ses travaux sur la découverte de gènes liés à des comportements lui ont valu le prix Theodosius Dobzhansky, aux États-Unis.

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Atlantico : Une étude portant sur des personnes ayant commis des crimes en Finlande a révélé l'existence de deux gènes associés à la violence criminelle (voir ici). Qu'est-ce l'identification de ces gènes pourrait changer dans notre rapport à la prévention de la délinquance ?

Pierre Robertoux : Il n'y a pas à proprement parler de gène de la violence. Il pourrait en revanche exister des gènes de prédisposition à la violence. Des gènes qui dans certaines conditions d'environnement  pourraient être associés à des actes violents. A l'instar des gènes de prédisposition à l'alcoolisme. Imaginez que vous portiez ce gène, enfant de vigneron, vous aurez toutes les chances de le voir s'exprimer. En revanche, enfant d'un savetier saoudien… vous ne boirez jamais d'alcool. Le gène de prédisposition à la violence s'exprimera (ou non) lui aussi en fonction de l'environnement.

Lorsque j'avais étudié les comportements agressifs chez les souris de Nouvelle-Zélande, j'en étais parvenu à la conclusion que l'agression ne se fait que dans certaines situations et à l'encontre de certains individus uniquement. On ne peut donc pas prédire de l'agressivité d'un individu simplement en fonction d'un gène.

A quelles dérives concrètes cela peut-il donner lieu en termes de "dépistage" des criminels ?

Ces gènes nous les connaissons, ils jouent sur le système hormonal, sur le neurotransmetteur. René Hen avait montré par exemple qu'en détruisant un récepteur à sérotonine, la souris pouvait devenir agressive. Cela signifie donc que l'on considère que l'agression est consécutive au dysfonctionnement d'un gène, finalement que l'agression relève d'une pathologie est une maladie.

On peut donc en conclure qu'il vaut mieux prendre des précautions vis-à-vis de ces personnes. Il ne faut pas les faire boire, ne pas les taquiner et ainsi de suite…

Si tant est que le gène de l'agression existe, tant que nous avons affaire à des gouvernements raisonnables, nous ne risquons rien. Dans le système actuel nous sommes protégés car le dépistage ne peut se faire que par saisine de décision de justice. Mais dans d'autres circonstances, des gouvernements extrémistes pourraient être tentés de se débarrasser de toutes les personnes ayant ces gènes ou encore de les mettre dans des camps. On pourrait vouloir stigmatiser, discriminer les personnes si elles portent ce type de gènes.

La justice pourrait-elle être tentée de se servir de cette découverte pour incriminer ou disculper un justiciable ?

De la même manière que l'on pourrait s'en servir pour attester de la culpabilité d'une personne, on pourrait également s'en servir pour disculper quelqu'un plaidant la pathologie. Il y a quelques années, un avocat aux Etats-Unis a d'ailleurs plaidé qu'un détenu qui avait commis un crime portait un gène de l'agression. Grâce à cela, l'homme en question avait été acquitté.

Le code génétique ne peut donc pas à lui seul expliquer le comportement des individus ? Quels autres facteurs entrent en ligne de compte ?

Le contexte comme je le disais précédemment permettra ou non à ce gène de prédisposition de s'exprimer. Et bien sûr, l'éducation qu'ont reçue les individus entre en ligne de compte. De la même manière que l'on apprend le secourisme, on peut expliquer aux individus les progrès de la génétique et comment s'en servir dans la vie.  On parle des découvertes de la génétique mais on parle peu des manières de les mettre en œuvre.

Quels sont les risques que cela soulèvent quels garde-fous peut-on mettre en place ?

Le garde-fou par excellence c'est la connaissance scientifique qui peut déminer un certain nombre de préjugés dans ce domaine comme dans d'autres. Il faut montrer que nous sommes agressifs dans certaines situations, mais pas dans toutes. Et une personne agressive aujourd'hui peut-être un modèle de patience demain.

La proportion à commettre des actes agressifs ou délictueux, n'est pas une perversion et c'est une pathologie et ça se soigne. Et si nous sommes prévenants avec des personnes en fauteuil-roulant, il fait également faire preuve de compréhension envers les gens qui sont agressifs. C'est certes plus difficile. A mon humble avis, la science peut être interprétée de différente manière. Certains sont prêts à percevoir les arguments scientifiques et d'autres ne le sont pas. La première interprétation possible de la prédisposition génétique à la violence est d'en conclure qu'il s'agit donc de traiter la violence comme une maladie. Ce gène crée une maladie, alors soignons les violents qui ont une maladie et soignons les violents. L'autre façon d'interpréter cette donnée scientifique est de dire neutralisons les personnes qui présentent ces caractéristiques. 

Propos recueillis par Carole Dieterich

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