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Ne pas avoir peur ? Face à la menace terroriste il ne suffit pas de le dire, voici comment réagir en citoyen
©Reuters

Bonnes feuilles

Depuis que la France est devenue la cible d'attentats terroristes, pas facile de vivre normalement et de savoir réagir en cas d'attaque. Voici quelques conseils pour mieux appréhender cette nouvelle menace. Extrait de "Vivre avec la menace terroriste", de Olivier et Raphael Saint-Vincent, publié aux éditions Eyrolles (1/2).

 Olivier et Raphael  Saint-Vincent

Olivier et Raphael Saint-Vincent

sont chargés de la prévention du risque terroriste au sein de l'Union des Société d'Education Physique et de Préparation Militaire (USEPPM). 

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Aux lendemains d’un attentat, ceux qui restent et qui n’ont pas été touchés directement par la perte d’un être cher se posent la même question : et si cela se reproduit et que cette fois-ci, c’est moi qui suis là ? Pourtant, la vie doit reprendre ses droits. Et même s’il y a un avant et un après, il faut bien continuer à vivre. Au moins pour ne pas perdre face aux terroristes qui veulent gagner au jeu de la terreur car contrairement à l’opinion commune, les organisations terroristes ne sont pas entraînées comme des militaires et leurs objectifs ne sont ni établis ni planifiés selon un protocole militaire. Leur but est très prosaïque : empêcher les citoyens de vivre, au sens propre bien sûr (avec les attentats), mais surtout au sens figuré (après les attentats). Alors vivons, mais en sachant que cela peut se reproduire

LA VIGILANCE CITOYENNE

Parmi les moyens les plus efficaces pour lutter contre le terrorisme, il y a au premier chef la citoyenneté. Rappelons qu’à l’époque de la Rome républicaine (-509/-27 avant J.-C.), c’étaient les citoyens qui étaient chargés de l’effort de guerre et de défendre leur ville. Aujourd’hui, si chaque citoyen prend conscience qu’il a des droits, bien sûr, mais aussi des devoirs, le terrorisme ne trouvera pas de terreau fertile pour s’enraciner.Ne pas avoir peur : la notion de citoyen

• Ne pas avoir peur.

C’est un leitmotiv que l’on a très vite entendu, dès le lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Mais il faut bien reconnaître que beaucoup de ceux qui ont bravé l’interdiction de rassemblement imposée par l’état d’urgence, décrétée dès le 14 novembre par le président de la République, étaient pour le moins terrorisés : inutile de rappeler ces scènes de foule en panique au moindre bruit d’une ampoule qui explose. Ne pas avoir peur, ce n’est pas seulement revenir sur les lieux des attentats et se recueillir, ce n’est pas continuer à faire comme si de rien n’était, mais c’est aussi garder toujours à l’esprit que nous sommes dans un état de droit, que chaque citoyen peut y circuler librement (c’est précisément l’article 13.1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789) et qu’il n’y a pas de zone de non- droit : personne ne peut s’approprier l’espace public. Et ne pas avoir peur (c’est-à-dire être terrorisé par les terroristes) commence juste- ment par le respect de cette règle élémentaire du vivre ensemble.

• Ne changez pas de trottoir!

Dans la rue,dans les transports en commun, dans les jardins publics, à la vue ou à l’approche d’un (ou plusieurs) individu(s) que vous ne « sentez pas » et dont l’apparence est inquiétante, ne laissez pas l’angoisse vous envahir. Dites-vous que vous êtes (vous aussi) chez vous. Continuez à marcher, ne vous trahissez pas en modifiant votre démarche, soyez fort. N’envoyez pas aux agresseurs potentiels des signes paraverbaux de peur ou de faiblesse (regard fuyant posé vers le bas, épaules et dos voutés, innatention, etc.). Le délinquant agit à la manière d’un prédateur en quête d’une proie facile et vulnérable. • N’ayez pas peur de regarder l’autre... dans les yeux! Bien souvent, les situations conflictuelles s’installent parce que l’agres- seur sent la peur chez sa future victime. N’ayez pas peur d’affronter l’autre. Et cela commence par poser son regard sur lui. Et même si on s’étend tous les jours dans les médias de faits divers, relatant le décès d’un citoyen à la suite de coups et blessures reçus par un agresseur qu’il ne connaissait pas, au seul motif qu’il l’avait regardé dans les yeux, ne vous laissez pas intoxiquer : avoir un regard fuyant vous attirera plus d’ennuis qu’un regard franc, ce, sans provocation de votre part.

• N’ayez pas peur d’être là.

Cela semble relever d’une étrange banalité, mais ce n’est pas le cas : c’est là, le fondement du savoir- vivre. Qui a besoin d’aide autour de moi ? Si je suis dans les transports en commun, est-ce que cette dame est enceinte, est-ce que cette personne âgée va trouver un siège ? Recréez le lien citoyen : n’ignorez pas le SDF en bas de chez vous, faites un geste (même si vous n’avez pas d’argent, une cigarette suffit) vers celui qui est dans le besoin. Et rappelez-vous que la plupart des trafiquants de stupéfiants, qui sont devenus des terroristes par la suite, ont été convertis à l’islam en prison où le citoyen ne trouve souvent d’autre viatique pour lui et sa famille qu’un imam ou une association d’entraide musulmane. Ne pas laisser faire Si vous souhaitez ne pas vous laisser faire, commencez tout sim- plement par ne pas laisser faire! Tous les jours, chacun peut être le témoin de scènes qui ne sont pas « normales » : une incivilité (comprendre un excès d’agressivité aveugle et injuste à l’égard de ses propres concitoyens), de la vulgarité en présence d’enfants, de la violence envers une femme, voire une agression physique pou- vant entraîner des blessures ou un préjudice moral important. Les exemples ne manquent pas. Alors, au lieu de baisser la tête et les yeux, en souhaitant que l’agression ne se dirige pas sur vous, faites valoir votre droit de citoyen : opposez-vous. Faites valoir vos droits. Appelez-en aux règles de bon sens et de respect.

• Dans quel casse manifester?

Ne jouez pas au redresseur de torts et encore moins au justicier car vous ne pouvez pas vous substituer aux forces de police, ni prendre des risques inconsidérés, notamment en vous exposant vous-même à une sanction pénale. Intervenez donc dans les deux cas seulement de l’incivilité et de l’agression ; et surtout au bon moment : les faits doivent avoir lieu (ou eu lieu) sous vos yeux. On est – pour reprendre les termes du Code de Procédure Pénale – en « délit flagrant » (article 53).

• Ne pas laisser faire les incivilités.

Même si l’incivilité,autrement dit la grossièreté éhontée, le manque de politesse, l’agressivité au volant (ou au guidon) d’un véhicule à moteur ne tuent pas, ce n’est pas une raison pour les autoriser. Comme le veut l’adage juridique, « qui ne dit mot consent » et, parfois, ne rien dire peut signifier « être complice ». Qu’il s’agisse d’affaire de terrorisme ou plus simplement d’une petite infraction au code de la route, si vous ou un autre citoyen a été humilié ou mis en danger, faites-le savoir : appelez-en aux règles de respect, notion centrale dans la société d’aujourd’hui où tout le monde (jeune ou vieux) en parle et où personne ne le met en pratique.

• Porter secours et assistance.

Tout le monde a entendu parler du principe de non-assistance à personne en danger. En fait, c’est bien un article du Code Pénal (l’article 223-7) que l’on désigne aujourd’hui pour l’omission de porter secours et qui invite gentiment (la sanction est en théorie une peine de prison ferme de deux ans et une amende de 30 000 €...) le citoyen à venir secourir son concitoyen à la condi- tion expresse qu’il n’y ait pas de danger pour lui, ni pour d’éventuels tiers présents lors du sinistre ou de l’agression. En pratique, faites marcher votre bon sens et faites tout ce que vous pouvez pour aider l’autre jusqu’au moment où vous vous sentez en danger à votre tour. Ne pas se laisser emporter par ses émotions D’une manière générale, l’objectif de ce manuel est bien de per- mettre au citoyen de conserver un contrôle émotionnel suffisant pour ne pas se laisser paralyser par la peur dans une situation d’exception, comme celle que la France vient de connaître à Paris le 13 novembre 2015 et à Saint-Denis, mais garder son calme est un principe qui doit toujours s’imposer, même en temps normal. N’oublions pas que l’état d’urgence soit décrété ou pas, les devoirs du citoyen sont les mêmes : il faut raison garder, agir de manière toujours équilibrée, réagir de manière proportionnée. « Bien conduire sa raison » pour le dire comme le philosophe René Des- cartes, emblème de l’esprit rationnel à la française. En cela, le citoyen français d’aujourd’hui doit se montrer digne de l’esprit des Lumières qui a permis la première Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en 1789. • Ne pas appeler inutilement les numéros de services d’ur- gence! Faire appliquer la loi relève de la responsabilité de chacun sans, pour autant, tomber dans l’excès inverse, ni faire perdre du temps aux autorités. Par exemple, relever le numéro d’immatricu- lation d’un véhicule suspect pour le transmettre à la préfecture de police n’a aucun intérêt, sauf s’il se trouve dans une zone fréquentée et que son stationnement est inapproprié, ou encore s’il y a la pré- sence de fils, d’adhésif, d’interrupteur, d’une émanation de fumée ou d’une fuite de liquide.

• Ne pas surréagir!

Ne voyez pas le mal partout.Nous venons de le dire, il ne faut pas tomber dans le piège de « Pierre et le Loup » : ne voyez pas des dangers là où il n’y en a pas car cela fausse l’aptitude à réagir vite et bien. Comment faire ? Analyser la situation dans un premier temps vous permettra de faire le bon choix tactique. Par exemple, avant de tirer la sonnette d’alarme dans un train ou dans un hall de gare face à une valise abandonnée, essayez d’abord de voir si elle est étiquetée et surtout cherchez à savoir à qui elle appartient. Il serait en effet malvenu de lancer une alerte à la bombe et de voir le propriétaire arriver juste avant l’équipe de déminage... Au reste, sachez que l’administration qui a mis en œuvre les secours (police nationale, pompiers) mais aussi les sociétés d’exploitation comme la RATP ou la SNCF peuvent demander des dommages et intérêts au titre de l’article 322-14 du Code Pénal.

• Ne pas se tromper de cible!

Toujours dans le même registre, faites très attention à ne pas faire d’amalgame ou de confusion qui pourra être mal interprété : tous les hommes portant la barbe ne sont pas des candidats potentiels à un acte terroriste. Cette affirmation pourrait faire sourire si l’on n’assistait pas régulièrement à des drames où des citoyens sont saisis par l’angoisse chronique d’un acte terroriste et peuvent faire de la discrimination sans le vouloir. Encore une fois, il est utile de rappeler ici que ce manque de discernement peut vous coûter cher. Ne pas se tromper de cible ! Attention à ne pas discriminer.

Extrait de "Vivre avec la menace terroriste", de Olivier et Raphael Saint-Vincent, publié aux éditions Eyrolles. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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