Naëm Bestandji : "Les islamistes sont des obsédés sexuels avant d’être des pieux croyants"<!-- --> | Atlantico.fr
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Naëm Bestandji publie «  Le linceul du féminisme : Caresser l'islamisme dans le sens du voile » aux éditions Seramis.
Naëm Bestandji publie «  Le linceul du féminisme : Caresser l'islamisme dans le sens du voile » aux éditions Seramis.
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Entretien

Naëm Bestandji vient de publier « Le linceul du féminisme : Caresser l'islamisme dans le sens du voile » aux éditions Seramis. Le voile dit « islamique » fait débat en France depuis trente ans. Pourtant, son histoire, sa raison d'être et ses prescripteurs restent méconnus. Par une obsession sexuelle exacerbée dont la religion n'est que le prétexte régulateur, les islamistes en ont fait leur cheval de Troie politique.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

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Atlantico : Vous publiez « Le linceul du féminisme, Caresser l'islamisme dans le sens du voile » aux éditions Seramis.  Vous revenez notamment sur une analyse des textes religieux dans votre ouvrage. Que dit réellement le Coran sur le voile ? Est-il un instrument exploité par les islamistes ? Comment expliquer que la tenue vestimentaire des femmes musulmanes soit devenue un tel enjeu sur le plan religieux, idéologique et sociétal ? Le voile est-il un simple vêtement ou un levier politique ?

Naëm Bestandji : Le Coran ne dit pas un seul mot sur le voile. Ce qui a été traduit par « voile » dans certaines versions françaises correspond à plusieurs mots différents dans la version originale en arabe. Et aucun d’entre eux ne signifie « voile ». Pour être plus fidèle au texte arabe, ils peuvent être traduits par « cape », « mante », « châle », « étoffe ». Quant au hijâb, il figure bien dans un des versets brandis par les islamistes. Mais tout d’abord il concerne uniquement les épouses du Prophète, pas toutes les musulmanes en tout temps et en tout lieu. Et surtout, lui non plus n’est pas un voile, ni même un vêtement. « Hijâb » désigne quelque chose qui sépare. Cela peut être un rideau, un paravent, une porte, un mur ou autre. Si nous devions traduire ce mot en un seul, « hijâb » signifie « séparation ». Le Coran ne mentionne pas non plus les cheveux, les oreilles ou le cou qui, selon les prescripteurs du voile, devraient être cachés. Seul le décolleté est mentionné, plus exactement l’échancrure de la poitrine. Nous sommes loin d’un voile qui devrait ensevelir les femmes.

Le voile n’a jamais été un simple vêtement. Sa fonction n’est pas seulement d’habiller mais surtout de distinguer. Il distingue d’abord les femmes des hommes en désignant les femmes comme tentatrices sexuelles et les hommes comme prédateurs victimes de ces tentatrices. Héritage d’un patriarcat antique, il revient alors aux femmes d’assumer la responsabilité de l’apaisement de la libido masculine en portant le stigmate de leur culpabilité « naturelle ». Le voile distingue aussi les femmes entre elles. Là encore, cela remonte à l’antiquité : distinguer les femmes pudiques et respectables (voilées) des prostituées et des esclaves (non voilées). Il distingue enfin, d’après les islamistes, les musulmanes « pudiques » des non-musulmanes « dévergondées » et « sans honneur ».

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Les islamistes sont des obsédés sexuels avant d’être des pieux croyants. L’instrumentalisation de l’islam est leur moyen de canaliser leur obsession en tentant de justifier théologiquement le patriarcat et l’apartheid sexuel. Leur obsession sexuelle, et sa canalisation par le prisme du patriarcat, est si énorme qu’ils en ont fait leur étendard identitaire et politique. Le corps des musulmanes sert de support à cet étendard qu’est le voile. Ainsi, l’écrasante majorité des offensives politiques de l’islamisme se fait par ce cheval de Troie. Ce n’est pas un hasard si l’islamisme politique a fait médiatiquement irruption en France par l’affaire des collégiennes voilées à Creil en 1989. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le sexisme du voile fleurisse dans le paysage et soit par conséquent aussi un sujet de crispation en France.

Comment expliquer son expansion ? Votre vécu et les nombreux récits au cœur du livre témoignent de l’influence et de l’emprise du voile au sein de la société française depuis une trentaine d’années…

Le voile étant l’arme politique centrale de l’islamisme, une grande part de sa propagande est consacrée à sa promotion. Les premières cibles sont bien sûr les musulmanes. L’aspect dégradant du voile est occulté voire retourné. Les islamistes jouent d’abord sur la peur : la peur des agressions sexuelles ici-bas et des flammes de l’enfer dans l’au-delà. Après avoir bien effrayé leurs ouailles, ils présentent le sexisme du voile comme une forme de valorisation spirituelle (alors que rien ne le relie à cela), de valorisation de l’objet qu’est la femme (l’objet sexuel est présenté comme une « perle », un « bijou » dont le voile serait « l’écrin »). Il est aussi présenté comme une fierté identitaire. Les prescripteurs du voile savent jouer de la carotte et du bâton pour amener des musulmanes au « libre choix » de la servitude. Dit autrement, les islamistes présentent un faux choix : choisir entre être une bonne ou une mauvaise musulmane, une femme « bien » et « pudique » ou une femme « impudique » et « sans honneur », plaire ou déplaire à Dieu, le paradis ou l’enfer, etc. Et tout ça en affirmant qu’ils ne parlent pas en leur nom mais au nom de Dieu et de leur Prophète. Quand on est croyante et qu’on n’a accès qu’à ce type de discours « religieux », quel autre « choix » avons-nous en dehors du voile ? Aucun. C’est le premier élément qui explique l’expansion du sexisme du voile.

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Les mouvements féministes pourraient-ils s’impliquer davantage sur le débat du port du voile et vis-à-vis de la pression que subissent certaines femmes ? La gauche morale a-t-elle une responsabilité dans ce débat ? Comment les islamistes ont-ils réussi à rallier une partie de la gauche et des féministes pour défendre cet accessoire politico-sexiste, selon vous ?

Les féministes universalistes s’y impliquent. Pour elles, le concept sexiste du voile est à combattre comme toutes les autres formes de sexisme. Ce sont les féministes intersectionnelles qui, non seulement refusent de lutter contre ce sexisme, mais en plus le défendent et participent à son expansion. D’autres féministes, hésitantes, préfèrent ne pas se mouiller et garder le silence par crainte d’être accusées de « racisme » envers une idéologie totalitaire (l’islamisme) qui promeut le racisme envers les femmes.

Personnellement, je ne parle pas de « gauche morale ». Mais oui, une partie de la gauche porte une lourde responsabilité. Sans elle, l’islamisme aurait plus de mal à se développer. L’islamisme politique est surtout incarné par les Frères musulmans. Ils savent qu’ils ont besoin d’alliés en dehors de l’islam. Leur stratégie victimaire, la transformation d’une religion en race, leurs discours anti-impérialisme occidental et le sexisme du voile comme outil politique matériel ont été habillement utilisés pour convaincre une partie de la gauche en mal de victimes à défendre. Cette frange de la gauche, dont les féministes intersectionnelles, a alors abandonné ses valeurs pour caresser l’extrême droite musulmane dans le sens du voile (d’où le sous-titre de mon livre). La « lutte des races » a remplacé la « lutte des classes ».

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L’islam est racialisé par les islamistes pour assigner tous les musulmans « de naissance » à l’islam (de plus à sa frange extrémiste). Le voile est alors présenté comme une sorte de greffon biologique impossible à retirer. La défense de l’islamisme politique à travers la défense du voile est ainsi naturellement incluse dans cette « lutte des races ».

Le fait de rester sur le champ de la laïcité transforme-t-il le voile en meilleur atout de l'islamisme ? Faut-il plutôt se pencher sur l'inégalité des sexes, son véritable talon d'Achille, selon vous ?

Vous reprenez l’idée et les termes que je développe dans mon livre. Et vous avez raison : le terrain de la laïcité, réduite à la « liberté religieuse » (la liberté de conscience est honnie par les intégristes de toutes les religions) a été choisie par les islamistes. Il est plus facile de prétendre défendre une « laïcité inclusive » que d’avouer lutter pour un « sexisme inclusif ». Tout le monde, y compris les adversaires de l’islamisme, a sauté à pieds joints dans ce piège. Le sexisme du voile est un cheval de Troie redoutablement efficace grâce à la laïcité, pourtant si peu concernée. En ramenant le voile sur son véritable terrain, le sexisme, cet outil devient le talon d’Achille de l’islamisme.

Le gouvernement a-t-il pris suffisamment d'engagements dans le cadre de la lutte contre le séparatisme ? Quels sont les moyens et les mesures à adopter pour éviter de « caresser l'islamisme dans le sens du voile » comme l’indique le sous-titre de votre ouvrage ? La législation française est-elle suffisamment efficace pour dissuader les dérives fondamentalistes, via le port du voile ?

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Tout d’abord, il faut cesser de voir le voile comme un signe religieux. Il ne l’a jamais été en islam. Comparer le voile à la croix chrétienne par exemple est même considéré comme un pêché, car l’islam rejette toute forme d’idolâtrie et de fétichisme matériel. Et même si le voile était « religieux », rien, absolument rien ne peut justifier le sexisme, rien du tout, pas même une religion et encore moins les extrémistes qui prétendent parler en son nom. Lutter contre l’islamisme nécessite de quitter le terrain de la laïcité quand le voile entre en jeu pour se concentrer sur la lutte contre le sexisme et le patriarcat. La laïcité vient en soutien, puisque les islamistes veulent se réfugier derrière l’islam, mais elle ne peut pas être le premier rempart et encore moins le seul.

Prenons le voilement des fillettes par exemple. La loi de 1905 ne l’interdit pas dans l’espace public. C’était l’argument de Yannick Jadot pour relativiser ce phénomène inquiétant. Or, le voilement des fillettes relève de la maltraitance infantile. Une maltraitance psychologique : les petites filles grandissent avec une image négative et sexualisée de leur corps, les petits garçons apprennent que les filles sont de coupables tentatrices à cacher sous un voile. Une maltraitance physique par la gêne occasionnée et le manque de vitamine D nécessaire. Pourtant, ce n’est ni le sexisme ni la maltraitance infantile qui sont évoqués, mais uniquement la laïcité. Le pire est que le terrain de la laïcité n’est même pas tenable en ce cas. En effet, la liberté de conscience est retirée aux petites filles puisque le voile sert de couvercle « pour ne pas qu’elles se rebellent plus tard » comme disent les islamistes. Encore une fois, le seul aspect retenu par les relativistes est la « liberté religieuse », celle des parents. Voilà comment la laïcité se retourne contre les femmes et les enfants. Ainsi instrumentalisée, la laïcité n’est plus un bouclier de protection. Il devient une carte d’immunité pour l’islamisme, grâce au sexisme du voile.

Aborder le sujet du voile sous l’angle du sexisme et de la lutte contre le patriarcat permettra de penser de façon plus pertinente et efficace les moyens et mesures de lutte contre l’islamisme politique. Cela ne passe pas obligatoirement par des lois mais aussi et surtout par de l’information et des projets d’éducation. Cela obligera également les féministes intersectionnelles et la frange perdue de la gauche à prendre leurs responsabilités et à rompre leur cordon sanitaire créé pour protéger l’islamisme politique. Tant que nous continuerons à nous embourber sur le terrain de la laïcité, alors que l’inégalité des sexes est flagrante, la lutte contre l’islamisme restera vaine. Cette idéologie continuera même sa progression, petit pas après petit pas.

Retrouvez deux extraits du livre de Naëm Bestandji : 

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Naëm Bestandji publie «  Le linceul du féminisme : Caresser l'islamisme dans le sens du voile » aux éditions Seramis.

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