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Mythe nutritionnel : non, le petit déjeuner n'est pas "le repas le plus important de la journée", sauf pour une certaine industrie qui vous le répète en boucle
©Reuters

On peut même le sauter !

Jamais faim le matin ? Pas de panique. Contrairement à ce que racontent de nombreuses études scientifiques, ce n'est pas une mauvaise habitude à corriger. Sauter le petit déjeuner ne risque ni de vous faire prendre du poids, ni de souffrir de diabète, d'hypertension artérielle ou encore de complications respiratoires et cardiovasculaires.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico :Une multitude d'études qualifient le petit déjeuner comme "le repas le plus important de la journée" (voir ici et ici par exemple). L'importance donnée au petit déjeuner ne relève-t-elle pas plus du mythe que de la réalité ? Si oui, pourquoi ?

Patrick Tounian : Effectivement, non, "le petit déjeuner n'est pas le repas le plus important de la journée". Pour comprendre comment s'est forgé ce mythe, il faut se pencher sur l'histoire de cette fameuse collation matinale.

Le petit déjeuner tel qu’on le conçoit aujourd’hui est un repas relativement récent, qui est né au cours du 19ème siècle. A cette époque, les ouvriers, qui travaillaient dans des conditions difficiles, se soulaient dès le matin avant d'aller travailler pour se donner du courage, ce qui, on l'imagine bien, posait problème à leur patron. Afin d'amortir les effets de l'alcool, les dirigeants de l’époque ont décidé d’introduire des produits laitiers et du café au petit-déjeuner.

A ce phénomène sont venues s'ajouter les inventions et les recommandations médicales du chirurgien américain John Harvey Kellogg (1852-1943), père des corn flakes (les flocons d'avoine), du beurre de cacahuète et fondateur de la Kellogg Company, qu'il dirigea avec son frère Will. Ses compétences mercantiles, légitimées par son rôle de médecin, imposèrent alors les céréales comme l'une des composantes nutritionnelles majeures du petit déjeuner, et l'idée que le petit déjeuner était "le repas le plus important de la journée", le tout à l'aide d'arguments médicaux plutôt fallacieux (John Harvey Kellogg, fervent défenseur de l’abstinence sexuelle, expliquait que la consommation de flocons d'avoine faisait baisser la libido) et d'études scientifiques produites par les industriels spécialisés dans... la production de céréales (Quaker Oats).

D'autres études, produites par des experts indépendants (voirici, ici et ici) démontrent absolument tout et son contraire sur les effets du petit déjeuner sur la santé. Qu'en est-il selon vous ?

Si même les études d'experts indépendants disent effectivement tout et son contraire sur les bienfaits du petit déjeuner sur la santé, c'est parce que le lien statistique établi entre le fait d'être obèse (donc potentiellement victime de diabète, d'hypertension artérielle, de complications respiratoires et cardiovasculaires) et celui de sauter le petit déjeuner a la plupart du temps été mal interprété.

En effet, si les obèses prennent moins souvent de petit déjeuner, c'est tout simplement parce qu'ils n'ont pas faim le matin : leur corps oxydent beaucoup plus de graisses en fin de nuit, ce qui aboutit à la production de corps cétoniques qui inhibent l'appétit. C'est donc parce que les sujets sont obèses qu'ils sautent le petit déjeuner, et non l'inverse. On ne risque donc pas de devenir obèse si on a l'habitude de sauter le petit déjeuner, pas plus que cela augmentera nos chances de souffrir de diabète, d'hypertension artérielle, de complications respiratoires et cardiovasculaires.

D'une manière plus générale, quels conseils prodiguez-vous en matière de petit déjeuner ?

D'abord, je tiens à insister sur le fait qu'il n'y a pas de repas plus important qu'un autre. Chacun peut donner l'importance qu'il souhaite à chaque repas, en fonction des habitudes sociales, des horaires de travail, si on mange à la cantine ou pas... En France, le repas le plus important de la journée est bien souvent le diner, car c'est traditionnellement un moment convivial que l'on partage en famille ou avec des amis. Mais en Angleterre par exemple, le petit déjeuner est le repas le plus costaud de la journée, car les Anglais ont pour habitude de manger sur le pouce à midi, ou même de sauter le déjeuner. Le petit déjeuner doit donc être LE repas qui leur permet de tenir jusqu’au soir.

Côté nutritionnel, c'est pareil. Si l'on n'a pas pour objectif de perdre du poids, il n'y a pas de petit déjeuner idéal, comme ceux souvent décrits au dos des boites de céréales. L'équilibre nutritionnel doit se construire sur toute la journée. Que l'on mange un laitage le matin, le midi ou le soir n'a rigoureusement aucune importance.

En revanche, se contraindre à prendre un petit déjeuner peut être utile à certaines personnes qui souhaitent perdre du poids (et elles sont nombreuses). Si vous voulez vous délester de quelques kilos, il faut impérativement restreindre votre apport calorique global sur la journée (peu importe le type de calories). Or, si vous ne petit déjeunez pas, vous risquez d’être affamé à midi, et donc dans la quasi impossibilité de vous restreindre. Si de surcroît votre déjeuner est frugal ou absent, la faim extrême qui vous saisira le soir rendra très difficile une quelconque restriction. En revanche, prendre un petit déjeuner permet d’être moins affamé au cours de la journée, et donc de pouvoir se restreindre plus facilement, surtout le soir, ou le fait de s'endormir après le repas nous permettra d’oublier la sensation de faim.

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