Mort de Yanis : quand la véritable violence des banlieues fait irruption dans le rap loin des mises en scène pathétiques de la Fouine et cie<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Un rappeur de 24 ans originaire du Val d'Oise a été tué d'une balle dans la tête la semaine dernière.
Un rappeur de 24 ans originaire du Val d'Oise a été tué d'une balle dans la tête la semaine dernière.
©Reuters

Bang bang

Yanis était un rappeur de 24 ans originaire du Val d'Oise. Il a été tué d'une balle dans la tête mercredi 17 avril dans un bar à chicha qu'il venait d'acquérir. Si aucune piste n'est privilégiée pour l'instant, le rap devient une fois de plus l'épicentre de la violence.

Jean-Claude Perrier

Jean-Claude Perrier

Jean Claude Perrier est un romancier, essayiste et journaliste littéraire à Livres Hebdo. Il est notamment l'auteur des  "Mystères de Saint Saint-Exupéry" (2009) et "Rap français : 10 ans après" ( Éditions Table ronde, 2010).

Voir la bio »

Atlantico : Yanis a été tué d'une balle dans la tête, il était de plus en plus actif dans le milieu du rap avec plusieurs "mixtapes" à son actif : comment ne pas relier sa mort à la montée des violences dans ce milieu ?

Jean Claude Perrier : Il ne faut pas généraliser et de faire des raccourcis. La vraie question c'est de savoir à quoi sa mort est due. Yanis n'avait que 24 ans, et sa production musicale n'était pas encore très importante. C'est un rappeur issu de l'essor d'Internet qui a fait exploser le nombre de rappeurs plus ou moins autoproclamés. Yanis était donc un artiste très peu connu. Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler avant son meurtre. Est-ce parce qu'il fréquentait le milieu du rap ou est-ce parce qu'il prenait part à une activité illégale qu'il a été tué ? On ne le sait pas encore et il y a un grand écart entre des affaires de rappeurs et le banditisme !

Les textes des rappeurs (IAM, NTM...) ont toujours fait état de tensions, de violences mais jamais les paliers que l'on connait aujourd'hui (ndlr : La Fouine, Booba qui se battent...) n'ont été franchis : comment explique t-on cette nouvelle violence ?

La rhétorique du rap a toujours été assez radicale. C'est plus ou moins le fond de commerce de ce genre musical. Beaucoup de revendications, mais il est vrai que c'est toujours resté de l'ordre de l'expression artistique. Ensuite, sous l’influence de la dérive américaine, il  y a eu des violences avec notamment Booba et toute la clique, et puis donc la mort de Yannis même si les causes restent encore inconnues. Alors oui, il y a une radicalisation mais ce n'est pas certain que cela soit pour des raisons artistiques. Les origines du rap viennent des États-Unis, prennent source dans le vrai ghetto américain entre voyous et toxicomanes. Pour autant, il faut faire le distinguo entre l'esprit et l'être,entre ce qui est dit dans les textes et les faits. Ce n'est pas parce qu'une chanson dit "nique la police" que le rappeur va effectivement casser la figure à des policiers. A noter aussi que ce sont les rappeurs qui se castagnent entre eux ou qui sont victimes. On est de l'ordre du règlement de compte plutôt que du phénomène sociétal. C'est interne à un milieu. Et tous les rappeurs de banlieues ne sont pas pour autant des voyous.

Règlements de compte, menaces : un nouveau genre incarné notamment par Booba et La Fouine. Dans quelle mesure ont-ils déclenché ces dérives ?

Ils n'ont rien déclenché du tout. Leurs bagarres et autres conflits, c'est bidon, tout est monté en épingle pour les médias. Ils n'ont aucun intérêt et artistiquement d'ailleurs, c'est zéro. Le rap français, ce n'est pas eux mais plus un groupe comme La Rumeur, radical, engagé, littéraire et surtout loin, très loin de ce genre de violences feintes ou réelles.

On a surtout un paradoxe : d'un côté le marketing, de l'autre la vraie violence : comment expliquer ce décalage entre le rap show-biz et le rap des rues?

Il existe peut-être des vases communicants.Soit les rappeurs sont de vrais voyous des rues à l'origine et rappent pour s'en sortir. Ils utilisent toutes les ressources de ce genre musical et donc progressivement avec le succès, s'éloignent de leurs bases. Ils vivent comme des bourgeois et continuent d'exploiter la problématique des banlieues alors qu'ils n'y vivent plus. C'est le cas des Stomy Bugsy, des Passi, etc...Sinon, ce ne sont pas du tout des "voyous" à la base mais parce qu'ils adoptent ce genre se croient obligés de jouer les méchants à longueur de clip.  Encore une fois, il ne faut pas généraliser. Ce n'est pas parce que Gérard Depardieu casse la figure à un papparazzi qu'il y a une escalade de la violence. C'est juste de la bêtise. Si Yannis s'est fait tuer parce qu'il est rappeur, ce n'est pas pour ça que les autres risquent de se faire tirer dessus.

Quel avenir pour ce genre musical français dont l'image ne cesse de se dégrader ?

Encore une fois, il faut arrêter les généralités. L'image du rap ne cesse pas de se dégrader, c'est faux. Yannis est mort mais pour autant, le rap ne peut pas être mis dans le même sac.  Les gens écoutent ou pas, le reste, ils s'en fichent. L'avenir du rap intelligent est dans le métissage et non dans la ghettoïsation. Le futur, c'est l'ouverture aux autres, aux autres genres musicaux. Ceux qui ne suivent pas cette tendance disparaitront.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !