Montée des violences estivales : mêmes défaillances de l’Etat, mêmes effets que le reste de l’année (et mêmes solutions potentielles…)<!-- --> | Atlantico.fr
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Des gendarmes français patrouillent sur une plage de Palavas-les-Flots, dans le sud de la France, en 2020.
Des gendarmes français patrouillent sur une plage de Palavas-les-Flots, dans le sud de la France, en 2020.
©PASCAL GUYOT / AFP

Insécurité

L’été 2020 fut marqué par des violences et des incivilités dans de nombreuses villes en France et notamment à Palavas-les-Flots. Des premiers faits similaires émergent en cet été 2021. Est-il possible de reprendre la main sur ces enjeux sécuritaires en période estivale ? Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dévoilé au début du mois de juillet son « dispositif estival de protection des populations » avec notamment des renforts pour les forces de l’ordre pour l’été.

Bertrand Cavallier

Bertrand Cavallier

Bertrand Cavallier est général de division (2S) de gendarmerie. Spécialiste du maintien de l’ordre et expert international en sécurité des Etats, il est notamment régulièrement engagé en Afrique. Le général Bertrand Cavallier est l'ancien commandant du Centre national d’entraînement des Forces de gendarmerie de Saint-Astier. 

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Atlantico : L’été 2020 avait été marqué par de nombreux heurts et actes de violences. Alors que débute l’été 2021 des premiers faits similaires émergent. Y-a-t-il une tendance de fond structurelle ? A quoi peut-on attribuer ces tensions grandissantes ?

Bertrand Cavallier : Il y a incontestablement une tendance de fond structurelle d’augmentation et d’installation de la violence dans les zones de tourisme où se concentrent la majorité des vacanciers, c’est à dire les communes du littoral méditerranéen mais aussi depuis quelques années celui atlantique.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Je puis en attester en prenant pour exemple le 7ème département touristique français[1], les Pyrénées-Orientales, dont j’ai commandé la gendarmerie de 1996 à 1998. Département magnifique, accueillant chaque été environ deux millions de touristes, en majorité français, et comprenant notamment sur la commune d’ Argelès-sur-Mer, surnommée la « capitale européenne de l’hôtellerie de plein air », 55 campings, soit le plus grand camping de France, pour ne pas dire d’Europe. Venant des Landes, dont la physionomie estivale était encore assez calme, j’avais été confronté à une situation profondément déstabilisée par l’action de bandes de jeunes individus très agressifs.

Ce commandement opérationnel, j’y reviendrai dans cet article dont je souhaite qu’il colle à la réalité par les idées, reflets de mon expérience, qui y sont présentées.`

S’agissant de l’évolution du phénomène sur un plan national, comme le rappelait un article paru dans le Figaro[2] portant sur le bilan sécuritaire de l’été 2020 : « dans le détail, toutes zones confondues, les coups et blessures volontaires ont grimpé de 8,5%, avec plus de 54.000 faits déclarés en deux mois, soit une moyenne de 900 agressions par jour. Mais surtout, les homicides et tentatives d’homicides ont augmenté de plus de 21% cet été, dépassant les 850 faits en deux mois, contre 700 en juin et juillet 2019 ». Si des évènements marqués par des affrontements d’ampleur ont défrayé la chronique, comme dans la station balnéaire de Palavas-les-Flots, conduisant les commerçants à organiser une opération ville morte le 21 août 2020, il faut aussi prendre en considération les enquêtes de victimation conduites par l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) et l’Insee, concernant des faits qui ne sont donc pas enregistrés dans les statistiques officielles. Elles révèlent notamment en matière d’atteintes à l’intégrité des personnes une réalité encore plus préoccupante, qui s’accentue en période estivale, les victimes, souvent résignées ou ne disposant pas de leurs repères habituels, ayant tendance à ne pas porter plainte.

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Bien évidemment, cette violence qui gangrène certaines zones touristiques à forte affluence, ne peut être dissociée de celle constatée de façon générale. Ainsi, et allant à l’encontre des dénis ayant gouverné la pensée politique officielle depuis des années, le président de la République, Emmanuel Macron, déclarait lors d’une visite à Martel, dans le Lot, le 3 juin dernier : « nous sommes dans une société de plus en plus violente ». Interrogé à plusieurs reprises sur la sécurité, il évoquait une "violence endémique", "une dégradation très nette ». Et d’ajouter : « Ce que notre nation vit, c'est un sentiment d'insécurité (…) on doit lui apporter une réponse à la fois systémique dans nos politiques publiques mais aussi en termes de valeur, en termes de civilisation et de culture ».

Dans la dernière partie de sa déclaration, si l’expression « ressenti » est quelque peu décalée et contradictoire avec le constat objectif de l’évolution de la violence dans notre pays, la formulation, reconnaissons-le, est particulièrement intéressante car elle touche enfin au fond du problème. Soit une défaillance profonde des politiques publiques, et de façon liée, une érosion de nos valeurs civilisationnelles, une altération de l’éducation qui doit transmettre ces mêmes valeurs… Et en amont, car ce phénomène ne saurait être spontané, la trahison des élites, la défaite de l’esprit et, par carriérisme, des volontés face à une idéologie dominante générée - chose cependant logique car les universités sont les arsenaux où se modèlent les idées - par une mouvance universitaire.

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J’ai dans ces mêmes colonnes abordé à plusieurs reprises ces facteurs de causalité[3], sachant que l’identification des causes est le préalable à la réflexion sur les solutions.

J’observe d’ailleurs, gage d’espoir, dans le sujet central que nous abordons, une grande convergence dans le discours public enfin émancipé. Je pense notamment à la dernière interview de Xavier Bertrand dans le Figaro[4] : « Nous savons parfaitement ce qu’il faut faire : remettre de l’ordre, décider, bref gouverner ! Il est temps de mettre fin au désordre dans le pays, dans les têtes comme dans les comportements. Restaurons les formes d’autorité sans lesquelles il n’y a pas de civilisation : l’autorité de l’État, le respect de la loi, des institutions, de ceux qui incarnent cette autorité : élus, agents publics, forces de l’ordre, enseignants. Il faut aussi redonner toute sa force à la responsabilité et à l’autorité parentales ; j’aurai l’occasion d’y revenir dans les prochains mois. Ce qui mine notre société, c’est la perte de repères, c’est l’impunité. Il est temps d’y mettre un terme ». Je me dois également de citer Jacques Julliard dont je dois vous confier combien j’apprécie ses analyses, sa vision des choses, dont procède sa dernière chronique parue dans le Figaro, le 7 juillet dernier[5]. Sous couvert d’un constat majeur intitulé « la gauche a abandonné ses valeurs », il fustige ces courants de « la gauche intellectuelle et de l’extrême gauche » pour leur responsabilité dans l’abandon de la laïcité tout court, la déroute éducative sous l’effet d’un pédagogisme fondé sur la bienveillance et l’égalitarisme niveleur, l’inhibition à assumer le mot patrie, et leur oubli « que la République, c’est la sécurité des citoyens ». Ajoutant : « comment les classes populaires se laisseraient-elles convaincre que “leur sentiment d’insécurité“ repose sur des fantasmes réactionnaires ? »

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Car enfin, tous ces millions de Français qui viennent passer leurs vacances, le plus souvent en famille, sans parler de l’impact sur la venue de touristes étrangers, tous ces travailleurs qui les accueillent, qui vivent « de la saison », n’est-ce pas leur droit premier que d’être en tranquillité, de ne pas craindre les provocations, agressions, vols ? De ne pas évoluer dans ce climat délétère, voire d’oppression, qui désormais est dominant dans nombre de territoires urbains et péri-urbains où ils résident habituellement ? N’est-ce pas là la première fonction sociale qui incombe à l’Etat que d’assurer effectivement la protection des personnes et de biens, de permettre aux femmes de pouvoir se déplacer librement sans subir des incivilités, et plus grave, des agressions ?

Et s’agissant de cette criminalité, que l’on cesse d’évoquer la prééminence déterministe des raisons sociales comme l’avait reconnu Lionel Jospin dans une interview donnée au journal télévisé de TF1, le 3 mars 2002, dans laquelle il déclarait : « j’ai péché un peu par naïveté, on a fait reculer le chômage, mais au fond je me suis dit peut être pendant un certain temps si on fait reculer le chômage, on va faire reculer l’insécurité parce que c’est quand même une des raisons cette situation de précarité de sous-emploi pour l’insécurité, parce que c’est quand même une des raisons, la précarité (…) on a fait reculer le chômage, ça n’a pas eu d’effet direct sur l’insécurité, donc il y a une action résolue à mener contre l’insécurité ».

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Comment est-il possible de reprendre la main sur ces enjeux en période estivale de manière pérenne ?

Le délitement général est réel et était déjà bien amorcé depuis des décennies. Si des mesures globales et fortes sont indispensables pour y remédier, pour autant, l’attente de leur mise en œuvre n’exonère aucun acteur du terrain en charge directe ou indirecte de la sécurité, d’agir, de réagir.

Car malgré tout, il est possible de stabiliser, voire de redresser la situation dans la majeure partie des territoires accueillant les touristes estivaux comme hivernaux.

Ce qui est présenté souvent comme une fatalité au plan national ne saurait laisser place à une forme de découragement local. Le retour à une situation acceptable pour les Français au plan national réside dans l’addition d’actions fortes menées sur le plan local de manière très précise, presque chirurgicale. C’est cette relation réciproque entre volonté de l’État et action résolue des acteurs de terrain qu’il convient de réparer pour entrevoir des solutions durables dans la sécurité du quotidien.

Cette problématique d’insécurité est moins prégnante dans les territoires ruraux même si elle est de plus en plus palpable. Un nombre croissant d’estivaux décide d’ailleurs d’y séjourner, fuyant la violence croissante qui sévit dans les zones littorales. Ce qui nous conduit à identifier l’origine première de cette insécurité, soit la venue de bandes de jeunes individus issus des banlieues et quartiers dits sensibles qui se sont imposées progressivement dans les stations balnéaires, en y transposant ainsi leurs comportements, leur rapport à l’autre, leur vision de l’individu… En quelque sorte, une extension momentanée des zones dites de non droit ou d’un droit différent. Qu’elles fussent proches, ou plus éloignées s’agissant principalement de celles situées dans l’Ile-de-France.

Je reviens à mon expérience des Pyrénées-Orientales qui peut trouver une application actuelle et dont je sais qu’elle est effective sous l’autorité de certains chefs. En arrivant début juillet 1996, je procède à un état des lieux. Sur un littoral accueillant plus de 400 000 personnes, ce sont quelques trois à quatre cents jeunes articulés en plusieurs groupes qui harcèlent, provoquent, volent, multiplient des agressions, dont de nombreuses au préjudice de femmes… Si l’on peut observer qu’ils sont issus de minorités, cette classification trouve encore ses limites par la présence de nombreuses personnes issues des mêmes quartiers, qui, installés dans des campings, passent paisiblement leurs vacances. On n’est en effet pas encore confronté à cette nouvelle forme d’oppression, soit celle tenant au contrôle des codes vestimentaires générée par la lobotomie salafiste, le conditionnement obscurantiste.

Bien évidemment, fonction de régulation classique mais bien maîtrisée, il faut aussi gérer des conflits de voisinage et des violences intra-familiales qui peuvent être exacerbés par la consommation d’alcool. Également, donnée constante en termes de violence, réguler certains individus issus de la communauté dite des gens du voyage.

Pour contrer l’action de ces groupes d’adolescents et de jeunes adultes, un dispositif spécifique est mis en place avec un effet majeur simple : au plus tôt, les dissuader d’agir, en mesure d’intervenir en force si une situation dégénère.

À cet effet, quatre démarches sont initiées :

  • premièrement, en direction du parquet, en convenant d’une réponse pénale très ferme dès les premiers agissements de violence caractérisée ; ce qui se concrétisera très rapidement avec la condamnation en comparution immédiate d’un auteur de violences aggravées à un an de prison ferme - lequel en sera très étonné, car venant de la région parisienne, décision de justice évidemment largement diffusée…;
  • deuxièmement, une concertation étroite avec les élus, les associations de commerçants, mais également les éducateurs, et bien sûr les polices municipales ;
  • troisièmement, une posture de dialogue en allant à la rencontre de ces groupes ;
  • enfin, un dispositif de présence continue, très visible, et réactif permis par les renforts apportés par la gendarmerie mobile et les réservistes.

En interne gendarmerie, des mesures simples mais indispensables sont prises :

  • un discours clair du commandement portant sur une exigence de respect premier de la personne, mais également un devoir d’intervention, c’est à dire de l’emploi de la force, certes répondant aux principes de nécessité et de proportionnalité. Ce dernier point est très dimensionnant quant à l’efficacité de l’action tant les gendarmes - mais les policiers sont aussi dans un état d’esprit similaire -, sont réticents à user de la force car les conséquences peuvent être lourdes pour le militaire ou le fonctionnaire agissant. Or, l’adversaire le sait, en joue, sait mettre à profit l’inhibition, voire parfois la passivité de certains membres de forces de l’ordre. Ce qui déconcerte la population qui peut être conduite à vouloir se faire justice elle-même. L’engagement de la hiérarchie dans l’action de vive force, y compris des officiers, est fondamental. Outre qu’il permet de bien cadrer les interventions, il a valeur d’exemple, il redonne une cohérence d’ensemble, sans évoquer la cohésion induite par les risques partagés ;
  • soutenu par une manœuvre de renseignement ainsi que par une disponibilité des personnels qui déroge au carcan réglementaire, un contrôle très étroit du terrain, avec une montée en puissance dans le créneau 18H00-04H00, et la disposition continue de réserves d’intervention rapidement profitables, composées principalement de gendarmes des PSIG (pelotons de surveillance et d’intervention) et de gendarmes mobiles des DSI (détachements de surveillance et d’intervention) ;
  • la judiciarisation immédiate des faits les plus importants pour garantir une réponse pénale rapide et effective.

Illustration de cette situation que rencontrent tant de gendarmes et policiers, alors que je m’investissais dans cette démarche de dialogue au contact de certains de ces jeunes, nous engageons la conversation. L’un deux me dit tout de go en me toisant : « nous, dans nos quartiers, les keufs, on leur crache à la gueule ». Je lui rétorque qu’ici, cela ne se fait pas. Que s’il se tient tranquille, tout se passera bien et que sinon, nous interviendrons immédiatement ». Un autre très véhément, met en avant son origine ethnique pour évoquer un racisme latent, et ainsi légitimer son agressivité. Je l’assure que nous ne tolérerons aucune posture, aucun acte de discrimination. Mais j’ai bien saisi l’instrumentalisation par cette personne de cette question. Là où le dialogue trouve ses limites…

Pour moi, il était primordial d’entrée de ne pas les laisser s’approprier un territoire, de ne pas les laisser faire régner leur loi, soit la loi du plus fort. Ou plus exactement, de faire en sorte que ce soit la Force de la Loi Républicaine qui s’imposât. Effectivement. En étant certes dialoguants mais dominants, au prix de certaines interventions par nature délicates. D’aucuns dont le directeur de cabinet du préfet, venu sur le terrain ce soir-là, en compagnie d’amis, anciens de sa promotion de l’ENA, se souviendront d’une action bien maîtrisée du PSIG de la compagnie de Céret, visant à extraire un jeune isolé qui se faisait lyncher par tout un groupe, sur la plage.

Loin de ces réunions sans fin, ayant muté aujourd’hui en visio-conférences dont sont adeptes les technocrates, multipliant les injonctions, souvent paradoxales, et qui donnent l’illusion de l’action. Loin des élucubrations « des tâcherons de la sociologie »[6] qui répandent leurs théories fumeuses entre plateaux et conférences.

Bien évidemment, et quoique disposant d’une expérience opérationnelle prolongée au travers du commandement d’une région de gendarmerie à la fin des années 2000, je suis conscient que depuis dix ans les choses se sont encore complexifiées. Qu’il faut notamment prendre en considération la diffusion des théories indigénistes et autres concepts néo-raciaux qui atomisent la société, comme les dérives confessionnelles qui, soyons clairs, sont des déterminants de comportements violents, notamment chez des adolescents et jeunes adultes masculins. Qu’il faut bien identifier l’impact de l’individualisme, ce syndrome sociétal de l’individu roi, humanoïde libéral-libertaire - pour reprendre la célèbre formule du philosophe et sociologue marxiste Michel Clouscard. Qu’il faut tenir compte de la diminution de la disponibilité des personnels des forces de l’ordre, de la saturation des juridictions pénales…

La méthode actuellement appliquée par le gouvernement est-elle la bonne ? 

Comme je l’indiquai récemment sur le plateau de la chaîne Cnews, observer l’évolution des choses, donner son avis, ne saurait être interprété comme la manifestation d’un esprit partisan.

Je constate enfin que nous parvenons à la fin d’un cycle idéologique qui libère la pensée, et semble restaurer ce bon sens qu’invoque notamment Michel Onfray. Il faut dire que la situation est devenue périlleuse et que notre pays est à la croisée des chemins sur de nombreux plans. Mais je me concentre sur celui sécuritaire, puisqu’il est central, car conditionnant l’exercice des libertés fondamentales, le droit premier à la tranquillité, à son intégrité, et au-delà et de façon liée, la cohésion du corps social, l’effectivité de la Nation.

S’agissant de la méthode, il me semble essentiel de bien comprendre qu’elle doit être globale, et porter sur l’intégration sociale, laquelle précède la régulation sociale qui la complète. Je m’appuie en cela sur les travaux du sociologue français Besnard portant sur les concepts durkheimiens, analysés par Philippe Steiner dans un article remarquable[7] pour comprendre la problématique actuelle et relever les vrais défis. Philippe Besnard « élabore une définition générale de l’intégration sociale à partir de l’étude que Durkheim a produite du suicide égoïste, c’est-à-dire en étudiant certaines dimensions de la société religieuse, domestique et politique : un groupe social sera dit intégré dans la mesure où ses membres 1/ possèdent une conscience commune, partageant les mêmes sentiments, croyances et pratiques (société religieuse, [Durkheim 1897], p. 158-159, 173) ; 2/ sont en interaction les uns avec les autres (société domestique [Durkheim 1897], p. 214) ; 3/ se sentent voués à des buts communs (société politique, [Durkheim 1897], p. 222) (Besnard 1987: 99) ».

Philippe Steiner ajoute : « Le résumé est brillant et, pensons-nous, définitif en matière de la théorie durkheimienne de l’intégration sociale qui ressort ainsi en pleine lumière, surtout après que Besnard ait lumineusement montré la différence entre intégration et régulation. Bersnard ne manque pas de citer le passage de Durkheim selon lequel la socialisation ne signifie pas seulement que la société définit les manières de faire, de sentir et de penser des individus, mais aussi qu’elle les règle[8] ».

Mais cette régulation ne saurait être rigide, car Durkheim introduit également le concept d’effervescence, qui repose sur celui central, selon lui, de l’idéal. Philippe Steiner rappelle ainsi que « Durkheim n’est ni seulement, ni principalement, le théoricien de l’intégration sociale, car il est tout autant le théoricien de la régulation sociale par l’intermédiaire, non de l’anomie, mais de l’idéal, c’est-à-dire du monde des valeurs et de la création de ces dernières ». Il ajoute, ce qui oblige à un autre regard sur notre société et participer du postulat d’Annah Harendt sur le pluralisme : « En réactivant l’importance du but commun politique, en accroissant le niveau passionnel de la vie politique et la fréquence des interactions, l’effervescence élève le degré d’intégration du groupe et, par-là, joue un rôle préservatif du suicide ».

Je ne puis qu‘approuver de grands chantiers qui sont aujourd’hui lancés et qui conditionnent globalement ou plus directement la restauration de la cohésion du corps social et le retour effectif et enfin ressenti de la sécurité. Ils ont pour préalable la restauration de l’autorité.

Parmi ces chantiers, me paraissent très importants celui de la laïcité développée en « laïcité d’action » mais qui dans un rapport de confrontation inévitable avec le sacré importé, doit être sacralisée par son ancrage assumé dans ses fondements judéo-chrétiens et l’apologie de son creuset historique, sachant que le premier terrain de cette action doit être celui l’Éducation nationale et des universités, sans aucune concession ;

Celui de la lutte pour les droits des femmes, qui sont les premières victimes de cette insécurité globale ;

Le renforcement de la justice, visant notamment à mieux protéger les victimes, renforcer la proximité… comprenant une augmentation significative d’emplois, et le lancement d’un vaste plan immobilier pénitentiaire (15000 places supplémentaires) ;

La mobilisation des préfets sur l’expulsion des étrangers auteurs d’infractions graves, qui participe des évidences, sachant que c’est toute la politique d’immigration qui doit être construite, car ne saurait être considérée comme une politique la permissivité structurelle et calamiteuse des pouvoirs publics en la matière depuis des décennies ;

Les travaux conduits dans le cadre du Beauvau de la sécurité, qui, à partir de constats sur le fonctionnement des forces de sécurité, doivent aboutir à des réformes concrètes portant notamment sur la formation des personnels, gage notamment d’un meilleur comportement et d’un usage plus approprié de la force, l’engagement de la hiérarchie, le renouvellement des moyens… Cependant, du fait notamment du poids de certains corporatismes, la question centrale de la disponibilité des membres des forces de l’ordre, de leur durée effective de travail et des règles d’organisation du service, dont la clarification est demandée par la Cour des comptes, n’est pas abordée. Or elle conditionne l’effectivité de la présence des forces étatiques sur le terrain, et le fait de pallier leur insuffisance opérationnelle par la création ou l’augmentation de polices municipales ne saurait être satisfaisant, ne serait-ce que s’agissant de l’augmentation induite des budgets des collectivités territoriales. De surcroît, cette question vient se télescoper avec l’arrêt surréaliste à plusieurs titres de la Cour de Justice de l’UE sur le temps de travail des militaires. D’un mal qui peut faire un bien, elle peut être l’occasion pour la gendarmerie, qui depuis quelque temps entend mieux assumer son identité militaire et les valeurs qui lui sont consubstantielles, de se positionner clairement au sein de la communauté militaire, ceci au plus grand profit de la protection de la Nation et de sa population, n’en déplaise à certains personnels égarés auxquels les grandes portes de la vie civile sont ouvertes. Si tant est que leur condition dans la société civile, la vraie, celle de ceux qui entreprennent, innovent, construisent… celle qui produit la richesse du pays, leur soit plus aisée, j’en doute.

Là aussi, un enjeu de valeurs, d’idéal que doivent d’abord assumer et incarner les nouveaux chefs qui vont servir la France.


[1] https://pro-tourismeadt66.com/chiffres-cles

[2] Les violences se sont-elles aggravées cet été? Par Jean-Marc Leclerc Publié le 01/09/2020 à 17:30, mis à jour le 09/09/2020

[4] Xavier Bertrand : «Je refuse le naufrage et le sabordage de la société française» - Le candidat à la présidentielle dénonce «le laxisme migratoire», «l’offensive de l’islamo-gauchisme» et «les fantasmes du transhumanisme». Par Marion Mourgue et Vincent Trémolet de Villers Le Figaro 15/07/2021

[5] Jacques Julliard : «Fausse droitisation et vraies menaces»

[6] Jacques Julliard : «Fausse droitisation et vraies menaces»

[7] Le problème de la régulation chez Durkheim Philippe Steiner Revue Européenne des sciences sociales

p. 315-320 https://doi.org/10.4000/ress.3382

[8] La formulation de Durkheim est la suivante : « Mais la société n’est pas seulement un objet qui attire à soi, avec une intensité inégale, les sentiments et l’activité des individus. Elle est aussi un pouvoir qui les règle» (Durkheim 1897: 264)

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