Montebourg, hors-sujet ou pas : et si le Made in France n'intéressait personne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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81% des entreprises françaises n'achètent pas de produits Made in France.
81% des entreprises françaises n'achètent pas de produits Made in France.
©Reuters

Redressement de diagnostic

Selon une étude publiée par le cabinet Agile Buyer, 81% des entreprises françaises n'achètent pas les fameux produits Made in France. Le résultat logique d'une politique de re-localisation mal pensée.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Atlantico : Selon une étude réalisée par le cabinet Agile Buyer, 81% des entreprises françaises n’achètent pas de produits Made in France. Comment expliquer que malgré une forte popularité dans l’opinion, le concept de relocalisation de la production échoue toujours à séduire les acteurs économiques de l’Hexagone ?

Robin Rivaton : Avant toute chose, il convient de préciser le champ de l'étude. Une grande partie des personnes interrogées travaille dans des entreprises de taille mondiale dont la production et les ventes ne se réalisent que partiellement en France et qui donc réalisent leurs achats dans les pays où ils produisent. Ensuite il ne s'agit pas d'un indicateur de mesure du volume d'achat mais de savoir si la politique d'achat inclut des objectifs spécifiques au Made in France. Et là effectivement seule 1 entreprise sur 5 a inscrit de tels principes dans son programme d'approvisionnement.

En outre, le rapport de l'Observatoire du fabriqué en France d’avril 2012, nous apprenait que les produits fabriqués en France étaient à 67% constitués de composants français. Le vrai problème que soulève ce rapport est que les fournisseurs français, et plus particulièrement ceux de petite taille, sont jugés de manière négative par les donneurs d'ordre en terme de solidité financière, du fait d'une faiblesse continue de leurs marges ces 10 dernières années, et de réactivité, conséquence d'un droit du travail trop lourd et d'un appareil productif obsolète.

Au-delà de leur souhait de voir plus de produits Made In France, les consommateurs français sont-ils vraiment prêts à acheter ces produits ?

Au niveau du consommateur, un changement culturel est apparu et les enquêtes du CREDOC montrent année après année que les consommateurs français se disent sensibles à la question du pays d'origine, au départ plutôt pour des considérations écologiques ou relative à la qualité des produits, et la crise aidant, les motivations économique et sociales prennent de l'ampleur.

La barrière du coût est évidemment la question essentielle qui fait qu'un grand nombre de ces intentions d'achat ne se traduit pas en ventes réelles. Je pense que le taux de conversion entre intentions et achat va augmenter poussé par l'émergence d'un label sérieux d'identification du Made in France, chose qui manquait cruellement jusqu'alors, mais restera cantonné à certains secteurs de niche où le fait d'avoir acheté français permet de s'en prévaloir auprès de son cercle de relations (habillement, ameublement...).

La logique « Made in France » semble se heurter aux principes de libre-échange qui structurent le commerce international. Ces deux concepts sont-ils réellement incompatibles pour autant ?

Non ces deux concepts ne sont effectivement pas incompatibles, comme le montre l'éclatante santé des exportations allemandes dans un contexte de libre échange. La compétition internationale nous offre un miroir des faiblesses de notre système de production industrielle national, il n'est désormais plus possible d'aller se réfugier derrière des dévaluations monétaires, nous devons comprendre pourquoi le Made in France souffre et comment le corriger.

Imaginer de fermer les frontières est une idée impossible, néanmoins il est nécessaire d'appliquer une stricte réciprocité dans la nature des traités de libre échange qui nous lient, les entorses au droit commercial international (les subventions publiques a des fabricants asiatiques de panneau solaires par exemple) ne doivent pas restées impunies.  

Existe-t-il en conséquence un besoin de repenser notre vision de la ré-industrialisation ? Quelles pistes pourraient nous y aider ?

Je ne pense pas, par exemple, que le système allemand de production avec une délocalisation des tâches les moins sensibles en direction des pays d'Europe centrale ne puisse être applicable en France d'autant qu'il fonctionne dans un contexte culturel spécifique. Outre le sujet de la flexibilité du droit du travail, je crois que la France souffre avant tout d'un appareil de production obsolète, incapable de répondre aux exigences de flexibilité et de qualité qu'impose les relations économiques actuelles. Je viens de publier un rapport sur la déshérence de la robotique industrielle dans notre pays. Cette capacité d’innovation représente pourtant à mon avis la clé du succès du Made in France.

Proposer de fabriquer à coût quasi similaire mais avec des délais plus courts et une meilleure qualité et nos produits n'en seront que plus compétitifs. À nous de réaliser  cette mise à niveau de nos outils de production. Pour cela, il faut aider les PME françaises à financer cet effort qu'elles ne pourront mener seules leur marge bénéficiaire s'étant considérablement effritée ces dernières années.

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