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Un mormon peut-il vraiment 
être élu Président des États-Unis ?
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Trans Amérique Express

Et si le vrai problème de Mitt Romney avec certains électeurs républicains était sa religion ? A mi-parcours de la campagne des primaires républicaines, la géographie des résultats révèle que c’est dans la « Bible Belt » qu’il est le plus contesté au sein de son parti.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Avec le temps on l’avait presque oublié. A force de penser chômage, crise financière, dette, assurance santé ou mariage gay, le sujet semblait enterré. Pas pour les électeurs républicains : Mitt Romney est un Mormon. Il appartient à une « Eglise » que d’aucuns qualifient de « secte ». C’est un problème. Certains républicains n’arrivent pas à s’y faire…

Le résultat des deux dernières primaires en est l’illustration. L’Illinois a voté le 20 mars et la Louisiane, le 24. Dans l’Illinois, État industriel du nord dont 80% de la population vit dans l’agglomération de Chicago, Romney l’a emporté avec 47% des voix devant Santorum 35%. En Louisiane, État pauvre du sud où les chrétiens évangéliques sont nombreux, Santorum a écrasé la concurrence avec 47% des voix. Autant que ses trois adversaires réunis. Reléguant Romney à vingt-deux points avec 25% des suffrages seulement !

Cette nette victoire était la sixième du candidat conservateur dans ce qu’on appelle la « Bible Belt », région où les chrétiens évangéliques dominent. Au plan national, ils représentent 15% de l’électorat, mais ils sont concentrés dans le Sud et le Midwest, et votent presque exclusivement républicain. Ainsi au Mississippi, les chrétiens évangéliques représentent 83% de l’électorat républicain. En Alabama 80%. Au Tennessee et en Oklahoma 76% et 74%. En Louisiane 57%. Ces cinq États ont été remportés par Santorum. De même que le Kansas.

Par contre en Floride, au Michigan, dans l’Illinois, l’Ohio, et l’Arizona, les évangéliques représentent moins de la moitié de l’électorat républicain. Entre 40% et 49% précisément. Romney a remporté tous ces États.

De sorte que, de tous les éléments déterminant le choix des électeurs, c’est le marqueur religieux qui engendre le clivage le plus clair. Le 13 mars, jour de scrutin en Alabama, le gouverneur de l’Etat,  Robert Bentley, reconnaissait d’ailleurs que « la foi mormone de Romney est un problème dans le cadre du processus de nomination républicain. »

La religion et la religiosité tiennent une part importante dans l’histoire et dans la société américaines. Tocqueville avait souligné le lien entre le protestantisme et les fondements de la démocratie américaine. Tout en reconnaissant que le système politique est laïc. Il parlait d’un « christianisme démocratique et républicain ». Les premiers colons furent des puritains fuyant les persécutions religieuses en Europe, les Pères Fondateurs étaient des grands propriétaires et des marchands. Et la seule religion qui compte en politique, a-t-on coutume de lire, tient aux principes énoncés dans la Constitution et ses amendements.

Tocqueville écrivit son grand ouvrage De la Démocratie en Amérique, dans les années 1830. Ce n’est qu’à partir de 1850 que d’autres minorités religieuses ont commencé d’apparaître : catholique d’abord avec l’immigration irlandaise et italienne, juive avec l’immigration russe et d’Europe de l’Est, orthodoxe avec les grecs et slaves (l’immigration musulmane fut insignifiante jusque dans les années 1980, les populations en provenance du Moyen Orient étant alors laïcisées). 

Ces minorités étaient protégées dans l’exercice de leur foi par le Premier Amendement, mais il fallut un certain temps pour qu’elles s’intègrent au processus politique. Ainsi il fallut attendre 1928 et le démocrate Al Smith pour qu’un catholique se présente à la présidence ; 1960 pour qu’un catholique l’emporte en la personne de John Kennedy, non sans avoir donné des assurances qu’une fois à la Maison Blanche il n’irait pas prendre ses ordres au Vatican… ; et 2004 pour qu’un candidat de confession juive brigue la présidence, à savoir Joe Lieberman, qui se retrouvera sur le ticket d’Al Gore comme vice-président.

La question religieuse semblait donc réglée. C’était sans compter sur le facteur Mormon.

A l’automne 2011, le Pew Research Center, un think-tank, a conduit une étude sur l’attitude des électeurs vis-à-vis de la religion des candidats. 56% des électeurs républicains, savaient que Romney était Mormon. Mais moins de 25% connaissaient la religion d’Herman Cain, et seulement 17% celle de Rick Perry, deux autres candidats alors en tête des sondages. Romney bénéficiait donc d’une « identification religieuse » beaucoup plus forte que ses concurrents. Pourquoi ? Parce que la religion Mormon est mal connue ! Elle est entourée de mystères. Elle fascine et effraie en même temps.

Un Américain sur deux avoue « ne pas savoir grand-chose » de cette religion. Un sur trois pense que les Mormons ne sont pas des chrétiens. Un sur quatre a de cette foi une image négative l’associant à des termes tels que « étrange », « contraignante », « erronée ».

Le nom véritable de l’Église Mormon est « Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours ». Parfois abrégé en « LDS » pour « Latter Day Saints ». Elle fut fondée dans l’État de New York en 1830 par un prédicateur nommé Joseph Smith, après qu’il eut connu des révélations et des « manifestations spirituelles ». Ses textes sacrés sont l’Ancien et le Nouveau Testament ainsi que le Livre de Mormon (nom d’un prophète du IV siècle) et d’autres. Ses disciples, qui s’appellent « saints », croient en un « plan du salut », en la résurrection et la vie éternelle…

On dénombre 14 millions de Mormons dans le monde, dont six millions aux Etats-Unis et cinquante mille en France. La pratique de la polygamie, fut abandonnée en 1889. L’abstinence de toute substance addictive, tel que l’alcool, le tabac ou le café est de rigueur.

Dès 2007 et sa première candidature à la Maison Blanche, Mitt Romney avait tenté de se débarrasser de la question religieuse en reprenant la formule employée par John Kennedy à son heure : « Je ne suis pas un Mormon qui veut devenir Président des États-Unis, je suis un Américain qui veut devenir Président. Je ne me définis pas par ma religion… Mais je crois en ma foi de Mormon et je m’efforce de vivre selon les préceptes de ma religion. »

Apparemment cela n’a pas suffi…

Deux éléments devraient cependant rassurer Mitt Romney. Un, parmi tous les États qui n’ont pas encore voté aux primaires républicaines, deux seulement, disposent d’une majorité d’évangéliques chez les électeurs républicains, l’Arkansas et le Texas. Deux, en novembre les chrétiens évangéliques voteront massivement contre Barack Obama. Quel que soit le candidat républicain. Mieux vaut un Mormon qu’un ancien fidèle de la Trinity United Church du révérend Jeremiah Wright.

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