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Des migrants à bord de l'Ocean Viking avant leur arrivée à Toulon.
Des migrants à bord de l'Ocean Viking avant leur arrivée à Toulon.
©VINCENZO CIRCOSTA / AFP

Solidarité européenne

Une rencontre exceptionnelle des ministres de l’Intérieur de l’Union européenne a été convoquée vendredi prochain suite à la querelle franco-italienne déclenchée par l’Ocean Viking.

Patrick Stefanini

Patrick Stefanini

Patrick Stefanini est un haut fonctionnaire français, membre du Conseil d'État et ancien directeur général des services de la région Île-de-France. Sa carrière se situe entre l'administration et la politique. Diplômé de l'ENA en 1979, il soutient Chirac avant de devenir un proche conseiller d'Alain Juppé lorsque ce dernier est entré à Matignon en 1995. Il s'est démarqué notamment lors de batailles électorales réputées difficiles ; il fut ainsi l'artisan de la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle en 1995, de celle de Valérie Pécresse aux élections régionales de 2015, avant donc de conduire François Fillon à la victoire de la primaire, fin 2016. En mars 2017, il renonce à ses fonctions de directeur de campagne de François Fillon. Patrick Stefanini est directeur de campagne de Valérie Pécresse dans le cadre de l'élection présidentielle de 2022.

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Atlantico : Une rencontre exceptionnelle des ministres de l’intérieur de l’Union européenne a été convoquée vendredi prochain suite à la querelle franco-italienne déclenchée par l’Ocean Viking. Pensez-vous que c'est une une réunion importante ?

Patrick Stefanini : Elle est importante et n'a pas que l’Ocean Viking pour origine, bien qu’elle illustre malheureusement les difficultés de maîtrise des flux migratoires sur la route de la méditerranée centrale. Cette réunion vient de plus loin et est notamment provoquée par les rapports rendus à la fois par l’Union Européenne et par Frontex le 6 octobre sur les entrées irrégulières constatées sur les différentes routes migratoires à destination de l’Europe. Les statistiques qui en ressortent sont inquiétantes car elles font apparaître une forte progression des entrées irrégulières sur toutes les routes migratoires à destination de l’Europe mais en particulier sur la route des Balkans et celle de la Méditerranée centrale. Sur les 9 premiers mois de 2022 on enregistrait 100.000 entrées irrégulières sur la route des Balkans là ou pour toute l’année 2021 on était à 65.000. Pour la route de la Méditerranée centrale on était à 60 - 65.000, comme c’était le cas pour toute l’année 2021. Il y a une aggravation de la pression migratoire qui s’explique par le fait que la crise de la covid a profondément déstabilisé les systèmes économiques et sociaux du pays du Maghreb et du Moyen-Orient notamment et que la levée des restrictions à la circulation qui y était imposée facilite les tentatives de franchissement irrégulier des frontières. C’est dans ce contexte que la décision avait dû être prise. Mais cela prend une tournure particulière avec l’Ocean Viking évidemment.

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Je pense que le ministre de l’Intérieur français en attend beaucoup. Après le fiasco judiciaire de la fin de la semaine dernière et la libération scandaleuse des personnes retenues en zone d’attente pour laquelle les magistrats ont invoqué le manque de temps. Cela a ruiné tous les efforts de Gérald Darmanin pour maintenir ces migrants en zone d’attente et traiter leurs demandes d’asiles pendant qu’ils y étaient. Le gouvernement a besoin de retrouver de la crédibilité sur ce dossier.

Qu’est-ce que la France aurait intérêt à demander à l’Europe lors de cette réunion ?

La France n’avait pas d’autre choix que d’accueillir l’Ocean Viking en raison du droit international de la mer car le bateau se situait dans la zone de recherche et de secours de la France mais elle devrait demander que le mécanisme de relocalisation s’applique vraiment. Lorsque le gouvernement a annoncé la décision d’accueillir le bateau à Toulon, Gérald Darmanin a annoncé que les migrants seraient répartis dans une dizaine de pays européens et on a besoin que cela se concrétise. Les relocalisations des migrants dans d’autres pays européens annoncées n’ont pas été réalisées pour l’instant.

Y a-t-il des demandes structurelles à exiger à l’Europe ? La remise à plat de Frontex doit-elle être envisagée ?

Une remise à plat ne me semble pas la bonne expression. La commission européenne a poussé le premier directeur général de Frontex vers la sortie alors qu’il essayait de coopérer avec le gouvernement grec pour stopper les flux migratoires de la Turquie. Ce qu’il faut au contraire c’est conforter Frontex. La commission a d’ailleurs annoncé une série de 20 actions pour comprendre ce qu’il s’est passé sur la route de la Méditerranée centrale. Ces actions ont une dimension purement technocratique -même si elles sont utiles- mais une partie de ces 20 actions ont trait à Frontex. Frontex doit être davantage présent et actif en cas de secours en mer.

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D’autre part, l’accord de Dublin qui régit le partage de responsabilité entre les États membres en termes d’asile ne fonctionne plus bien. Il est contesté dans son principe par des pays comme l’Italie, la Grèce ou Chypre qui estiment que la priorité donnée à la règle de première entrée les défavorise de manière structurelle. Le problème étant que nous n’avons pas de système alternatif. Et s’il n’y a pas de règle, nous retournons à l’« asylum shopping » qui permettait -avant les accords de Dublin- aux migrants de faire plusieurs demandes d’asiles dans plusieurs pays différents. Il faut remplacer le système actuel mais il n’y a pas de consensus entre les pays membres. Par ailleurs, il faut mettre en place entre les États volontaires une relocalisation des migrants arrivés par voie maritime. Chose qui avait été décidée à la fin de la présidence française. Si l’Italie a refusé d’accueillir le bateau c’est parce qu’elle estime que la relocalisation ne fonctionne pas. Donc l’objectif de la réunion de vendredi doit être de montrer que les États membres sont suffisamment solidaires pour ce système.

La France a-t-elle des intérêts personnels à faire valoir en Europe ?

Il y a deux sujets. L’Italie se pense comme un pays de transit donc nous avons besoin que l’Italie renforce ses contrôles aux frontières extérieures. Mais surtout il ne faut pas donner de leçon à l’Italie. Or l’Italie pour le moment se sent comme un pays de transit et laisse entrer des migrants avec le ferme espoir qu’ils ne restent pas. Il faudrait proposer à l'Italie une coopération qui peut prendre la forme d'un soutien renforcé de Frontex, soit d'une relocalisation des migrants. 

Par ailleurs, ce qui se passe sur la route des Balkans devrait nous interpeller. Le nombre de tentatives d’entrées irrégulières a été multiplié par 10 par rapport à 2019, dont un doublement entre 2021 et 2022. Ce flux qui traverse des pays qui ne sont pas membres de l’UE devient le maillon faible au même titre que la route de la Méditerranée centrale.

Est-ce que la France peut réalistement obtenir ce qu’elle demande ?

Gérald Darmanin avait dit qu’il disposait d’un accord d’une dizaine de pays pour la relocalisation donc j’espère pour la France qu’il ne sera pas démenti ce vendredi.

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