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Meurtre d’un policier à Toulouse : les raisons qui expliquent cette explosion des violences gratuites (et les moyens de l’endiguer)
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Faits Divers ?

Pas une semaine ne passe sans que le récit d'une agression, généralement provoquée par un simple regard ou un mot, fasse les titres des journaux. Dernièrement, un policier en civil a été tabassé à mort à Toulouse pour une remarque dans une file d'attente.

Guillaume Jeanson

Guillaume Jeanson

Maître Guillaume Jeanson est avocat au Barreau de Paris. 

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Atlantico: Comment expliquer et comprendre l'explosion des violences gratuites en France ?

Guillaume Jeanson : Affaissement des contrôles sociaux ? Recul de l’autorité ? Désagrégation du lien social ? Les pistes et les analyses ne manquent pas pour tenter d’expliquer ce phénomène tout aussi inquiétant que délicat à appréhender avec justesse. 

La notion même de « violences gratuites » est d’ailleurs aujourd’hui contestée par certains qui n’y voient qu’un élément de rhétorique politicienne servant des fins sécuritaires et démagogiques. Alors que d’autres, loin des arcanes de la sociologie, loin des stratégies de communication des politiques, poussent des cris de détresse et d’incompréhension devant des déchaînements de violence dont ils peinent, à raison, à comprendre le sens et devant la résignation coupable des autorités. Ainsi de Laura Calu, une jeune célébrité des réseaux sociaux dont le compagnon a été quasiment lynché sous ses yeux le 23 mars dernier en plein Paris par trois puis quatre hommes, sans raison apparente. Ainsi de Bastien Payet à Rheims, quelques jours auparavant, cette jeune figure montante du slam local qui, lui, y a laissé tragiquement la vie. 

Lorsque l’on sait que les violences (tant physiques que sexuelles) sont rapportées à la police dans moins d’un cas sur quatre, il est assez aisé d’y deviner le sentiment d’inutilité qui doit ronger les victimes et le sentiment d’impunité qui doit galvaniser leurs agresseurs. Est-ce que ce simple fait participe en lui-même à l’aggravation de ce phénomène ? Très probablement. 

Les agressions physiques sont-elles plus nombreuses aujourd'hui que par le passé ou sont-elles simplement plus médiatisées ? Quelles sont les caractéristiques des violences actuelles ?

C’est en effet ce que disent certains sociologues. Interrogé récemment par une de vos confrères du Monde, le sociologue Laurent Mucchielli a ainsi pu commenter, au sujet de la jeune femme de 21 ans mortellement poignardée dans une rue de Marseille (probablement pour lui voler son téléphone portable) et au sujet de cet adolescent de 17 ans qui s’était fait poignarder à mort à Paris quelques mois plus tôt pour lui dérober sa trottinette, que « Contrairement au ressenti, ces faits sont des exceptions, Il n’y a aucune aggravation. ». 

Il est pourtant frappant de constater que même si le « Bilan statistique de l’année 2018 » du ministère de l’intérieur fait état, comme le précise justement cet article, d’un recul des vols avec violence enregistrés par la police et la gendarmerie depuis 2014, que d’autres chiffres de ce document pourraient à l’inverse légitimement inquiéter. Ainsi en est-il par exemple de la hausse de 8 % en 2018 du nombre de coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus, (après des progressions plus modérées les années précédentes (mais tout de même de 4 % en 2017) enregistrés par les forces de police et de gendarmerie ; Celle de 2 % des homicides et celle de 19 % des violences sexuelles enregistrées... A noter que s’il faut bien sûr appréhender ce dernier chiffre au travers du prisme de l’affaire Weinstein qui s’est déroulée en octobre 2017 et qui a libéré la parole entrainant mécaniquement une hausse de dénonciations (mais pas nécessairement des agressions), des hausses sensibles avaient également été enregistrées les années précédentes.

Les violences actuelles sont assez protéiformes. Elles semblent toucher toutes les strates de la société et apparaissent là où on les attendrait parfois le moins. Outre la problématique délicate des violences dans le cadre scolaire, ce sont désormais Les professions de « secours » qui tirent elles-mêmes la sonnette d’alarme : En 10 ans, les agressions contre les pompiers ont ainsi triplé. En 2017, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a dénombré une moyenne de 74 agressions de pompiers par mois, et 2813 faits signalés sur toute l’année, soit une augmentation de 23% par rapport à 2016. L’Observatoire pour la sécurité des médecins a quant à lui répertorié 1126 déclarations d’incidents en 2018, soit une hausse d’environ 9% par rapport à 2017… 

Bien sûr, les forces de l’ordre et les métiers de la justice ne sont pas non plus en reste. Le retentissement de l’attentat de Magnanville qui avait vu, pour mémoire, un sinistre individu assassiner un couple de policiers à leur domicile en présence de leur enfant de trois ans, reste encore vivace dans les rangs des forces de l’ordre. La presse s’est aussi faite très largement l’écho le mois dernier de l’agression d’une magistrate de la cour d’appel de Versailles à son domicile par deux individus qui ont ensuite pris la fuite…

Que fait la justice devant cette multiplication des cas de violences gratuites ? D'un point de vue pénal, comment endiguer la montée des violences ?

A l’occasion de son discours de politique générale prononcé à l’Assemblée nationale le 12 juin, le premier ministre Edouard Philippe a réaffirmé la volonté du gouvernement de mettre en œuvre un « plan pour lutter contre les violences gratuites ». On ne saurait en effet que trop encourager le gouvernement sur cette voie. Le Premier ministre a raison lorsqu’il affirme que « Les Français n’en peuvent plus des coups de couteau donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales. Nous ne devons plus rien laisser passer ».

D’un point de vue pénal, il faut, pour endiguer les violences que la réponse des juridictions soit crédible. Pour ce faire la solution est moins à rechercher du côté de la disproportion des peines à prononcer que du côté de leur certitude et de leur rapidité d’exécution. C’est à ce prix que le message adressé pourra gagner en clarté et en dissuasion. 

Certains exemples étrangers devraient à cet égard sans doute pouvoir nous inspirer. L’institut pour la Justice était justement, pour en parler, convié à intervenir au début du mois à un colloque organisé par le Sénat sur la violence. Une occasion de plus pour critiquer l’accumulation des peines symboliques et le délai effarant qui existe en France entre une peine prononcée et une peine exécutée. Un délai qui, parce qu’il joue comme une véritable incitation à la récidive sur certains délinquants, doit impérativement être réduit. 

Ce qui repose alors aussi la question des moyens. Celle des efforts structurels et des dépenses d’investissement que doit consentir le pouvoir. Notamment pour tenir son engagement de construire des places de prison en nombre suffisant. Un engagement pourtant encore renié une fois ces derniers jours…

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