Le metal, ce genre musical honni par les médias mais qui séduit pourtant un large public<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le metal est une musique qui déplait aux "esthètes", car elle est considérée comme une musique grand-guignol."
"Le metal est une musique qui déplait aux "esthètes", car elle est considérée comme une musique grand-guignol."
©Reuters

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Après le Hellfest en juin, un autre festival metal a lieu ce weekend dans le Morbihan : le Motocultor festival. Ce genre musical arrive, dans l'ombre, à attirer des foules dans les salles de concert. Sans l'aide des médias...

Yves Bigot

Yves Bigot

Yves Bigot est directeur des programmes de la radio RTL.

Ce passionné de musique a notamment été journaliste et animateur sur Europe 1, rédacteur-en-chef de Rapido, et directeur des Victoires de la musique.

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Atlantico : Après le Hellfest en juin et ses 112 000 spectateurs, un autre festival de musique metal a lieu ce week-end : le Motocultor festival, près de Vannes. Les artistes de ce genre particulier arrivent toujours à vendre des albums et se paient même parfois le luxe de remplir le Stade de France (Metallica, AC/DC), performance que n'arrivent plus à accomplir Johnny Hallyday ou Madonna, ou Bercy. Ils sont pourtant quasiment absents des médias. Comment expliquer ce manque d’intérêt de la part des journalistes ?

Yves Bigot : Tout simplement parce que c’est un genre honteux. Le metal, ce n’est pas chic. C’est une musique qui déplait aux "esthètes", car elle est considérée comme une musique grand-guignol. C’est un peu la même chose que pour les films d’épouvante : le cinéma d’horreur n’est pas non plus considéré par les journalistes de cinéma.

Certains ont joué sur ce côté horrifique, comme Alice Cooper, Rob Zombie ou Cradle of Filth, mais le genre n’est-il pas plus large que cela ?

C’est plus large, mais en même temps, le metal reste une musique qui est liée à une imagerie moyenâgeuse et qui a souvent une composante sataniste ou luciférienne, même si ce n’est pas systématique. Cela fait un peu rire, mais les paroles sont aussi souvent exagérées voire sexuellement vulgaires.

Ce n’est pas un genre qui est en vogue auprès des puristes ou des intellectuels, car il est finalement très populaire. Il plait à un public qui, d’une certaine façon, est méprisé par les autres gens du rock, tout comme les fans de variétés sont méprisés par les fans de chanson française. Le metal est considéré comme étant extrêmement vulgaire, mais aussi immature, dans les paroles ou l’imagerie. C’est considéré comme un genre très adolescent, pas adulte.

Il y a pourtant beaucoup de vieilles légendes, comme AC/DC, Metallica…

Bien sûr, ou Black Sabbath ! Les fondateurs !

Leur public n’est pas un public adolescent...

C’est vrai, mais il est considéré par les élites, les journalistes, ou même certains artistes, comme un genre bloqué à l’adolescence, même s’il y a aujourd’hui des quinqua ou des sexagénaires qui peuvent aller à ces concerts, car ils ont grandi avec.

Comment expliquer que d’autres genres musicaux, comme le rap ou le hip-hop - qui ne sont pas spécialement plus raffinés dans leur apparence ou leurs paroles - aient plus les faveurs des médias ?

Parce qu’ils sont plus modernes, d’une part, et aussi parce qu’ils ont une composante sociale qui est souvent absente dans le metal. Certes, il y a des groupes, comme Motörhead, qui ont une réelle préoccupation sociale, mais c’est extrêmement résiduel dans le monde du metal, alors que le rap et le hip-hop sont la musique de la critique sociale. Le metal reste, lui, dans l’imaginaire, dans l’heroic-fantasy, les mythes ou la sorcellerie.

Mais pourquoi le metal reste-t-il beaucoup absent de la radio et de la TV ? Tout simplement parce qu’il fait beaucoup de bruit. Ce n’est pas agréable à toutes les oreilles.

Les "metalleux" recherchent-ils cette médiatisation ?

Fondamentalement, je pense qu’ils aimeraient que leur musique soit plus populaire, mais qu’ils se sont fait à l’idée de sa marginalisation et donc de sa marginalité. On peut d’ailleurs remarquer que lors des deux cérémonies d’ouverture et de clôture des JO de Londres, c’est le seul genre qui a été absent et ostracisé de la représentation de l’histoire du rock anglais. Ils auraient pu au moins intégrer Black Sabbath ou Iron Maiden. Black Sabbath car ils font les fondateurs du genre, et Iron Maiden car ils ont connu un succès pharamineux tout au long des années 80 et font une sorte de retour médiatique.

Justement, en parlant de succès, on voit parfois des albums de métal se positionner en tête des tops de ventes. C’est le cas de Rammstein, par exemple, dont le dernier album a été disque d'or en France. Alors que les médias sont censés être les outils promo des artistes, comment expliquer ce succès ?

C’est justement parce que cette marginalisation fait que le public est extrêmement fidèle et mobilisé. Ce sont des groupes qui effectivement vendent beaucoup, attirent énormément de monde en concert. Comme en général ils ont une imagerie très puissante développée autour d’eux, ils ont en plus un merchandising très efficace, qui va des t-shirts aux figurines, en passant par les patchs. Il y a aussi un côté très fétichiste qui se développe entre les fans et leurs idoles.

Les fans prennent donc la place des médias en devenant des relais des groupes, par le biais du bouche à oreilles, par exemple ?

Oui, mais il y a aussi beaucoup de magazines spécialisés et des émissions dédiées. Comme ce sont des fans dédiés et militants, ils savent où aller trouver l’information.

Je tiens à souligner que, contrairement à l'image qu'on peut avoir, les fans de metal ne sont absolument pas violents. La musique est violente, mais les fans sont plutôt bon-vivants. Lorsqu'ils vont en festival, ils ne sont pas là pour se bagarrer, mais pour écouter la musique qui leur plait, pour s’amuser ensemble – il y a un côté communautaire très fort. Ils sont très respectueux et veulent que tout se passe bien.

Ont-ils tendance à être plus ouverts aux autres styles de musique que ne l’est le grand public vis-à-vis du metal ?

Ils ne sont pas sectaires. Il y a ainsi beaucoup de groupes de metal qui sont absolument fans des Beatles. L’exemple le plus militant à ce titre est Ozzy Osbourne, qui a dit qu’il a fait du metal car il ne pouvait pas être Paul McCartney. Ce sont des gens très respectables, et le lien qui unit les fans et ces groupes est même très émouvant.

Bien loin donc de l’image de sauvages immatures…

Complètement. Il existe bien des groupes vraiment satanistes, mais ce sont des groupuscules très marginaux, limités à un coin de la Floride ou de la Scandinavie.

La scène française a connu de beaux succès ces dernières années, avec des groupes comme Gojira, Anorexia Nervosa ou Pleymo. Aujourd'hui, elle est toujours présente, avec des groupes comme Peste Noire, mais se porte-t-elle bien ?

J’ai très peu d’infos sur ce qui se passe en ce moment. Il y a eu une scène assez développée à la fin des années 70, après le succès du groupe de hard-rock Trust. Dans leur foulée, on a eu des groupes comme Vulcain, qui m’avait dédié leur titre Le Fils de Lucifer. Je ne sais absolument pas pourquoi, peut-être parce que j’étais la seule personne dans une radio nationale à m’intéresser à eux à l’époque !

Propos recueillis par Morgan Bourven

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