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Merci pour ces moments, Monsieur le président…
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Ne nous quittez pas

C'est oui, on vous regrettera ! Car grâce à vous, les années qui viennent de s'écouler n'ont pas été ennuyeuses.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Vous nous quittez donc, Monsieur le président. Et vous avez pris soin d'atténuer le choc de votre départ en ne nous abandonnant pas immédiatement. Dans cinq mois seulement. Le temps pour nous, misérables délaissés, orphelins pathétiques, de nous habituer à celui qui va sans doute vous remplacer. Un personnage sévère, rigide, un peu coincé avec qui, c'est à craindre, nous n'allons pas rigoler. Merci donc, Monsieur le président, de nous avoir ménagé, d'avoir pris en compte notre douleur. Et de ne pas nous avoir traités comme de vulgaires Ségolène Royal ou Valérie Trierweiler.

Nous savons que vous ne nous quittez pas de gaieté de cœur. Les commentateurs, méchants et agressifs, évoquent, pour analyser votre décision, votre bilan, catastrophique selon eux, et votre impopularité record. Ils se trompent. Car votre émotion était hier palpable. Celle d'un homme qu'on contraint de quitter sa bien-aimée. D'un homme qui a été agressé et menacé par ses barons, Valls en tête. Sur votre tempe, ils ont mis le canon d'un revolver : "Casse-toi, pauv' Hollande ! Avec toi, nous courons au désastre". Et alors, digne et noble, vous nous avez quittés pour vous sacrifier et faire don de votre personne à ce qu'il reste de la gauche. Merci pour ce moment, Monsieur le président.

Nous n'oublierons jamais, Monsieur le président, les cinq années où nous avons été en couple. Cinq ans, c'est assez pour apprendre à se connaître et à s'aimer. Et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait vivre de grands moments passionnels et fusionnels. Chaque fois que vous avez pu, vous nous avez rappelé que vous étiez de gauche. Oui, vous étiez de gauche quand vous avez dialogué, quasiment en direct, avec la belle Leonarda, une attachante petite Rom. Du Kosovo où elle résidait avec ses parents et ses sœurs, elle vous interpelait avec une fougue adolescente. Vous lui répondiez avec tendresse, car elle était Rom, et vous étiez de gauche. Et vous lui promettiez qu'elle pourrait revenir en France. Oui, merci pour ce moment, Monsieur le président.

Et vous avez été de gauche, superbement de gauche, quand vous vous rendiez rue du Cirque. Une adresse qui pourrait paraître être une faute de goût dans votre parcours politique. En effet, le boulevard Barbès où le métro Stalingrad eussent été plus conformes à vos attaches de gauche. Mais ce n'était quand même pas de votre faute si l'élue de votre cœur habitait les beaux quartiers. N'importe qui à votre place, n'importe quel chef d'État de droite, aurait pour aller voir sa bien-aimée, emprunté un véhicule officiel précédé par des motards de la police.

Pas vous. Pour vous rendre chez elle, vous avez utilisé un scooter. Un moyen de locomotion qui vous a rapproché des couches populaires. Dans les quartiers, là où vibre une belle et dynamique jeunesse, les scooters, parfois volés, servent des compétitions appelées rodéos et aussi à fuir la police. En apprenant vos expéditions nocturnes sur un deux-roues, ils ont été des milliers de jeunes de là-bas à se dire : "Il est des nôtres, le keum !". Oui, merci pour ce moment, Monsieur le président.

Hier soir, aussi, vous avez été de gauche. De gauche quand vous avez dit que votre seul regret, c'était d'avoir initié (sans succès) une loi sur la déchéance de la nationalité pour les djihadistes binationaux. Une loi que tous les réacs comme moi auraient approuvée. Vous avez ajouté également à propos du terrorisme que vous aviez tout fait pour éviter à la France la tragédie de la "stigmatisation" et de l'"amalgame". Ces mots-là constituent à eux-seuls un brevet de gauche. Oui, merci pour ce moment, Monsieur le président.

Maintenant, vous allez pouvoir savourer votre bonheur. Vous êtes enfin un homme libre. Vous n'êtes plus obligé de penser à votre réélection. Plus obligé de penser aux primaires que vous auriez dû vous coltiner. Plus obligé de penser à la campagne électorale angoissante qui vous aurait attendu. Libre de dire à la gauche (et vous avez commencé dès hier) : "Après moi, le déluge". Libre de prendre enfin du bon temps et de faire ce qui vous passe par la tête jusqu'à mai prochain.

Vous êtes, Monsieur le président, un cynique qui s'assume. C'est pourquoi on vous imagine sans mal plié en deux devant le spectacle de Christiane Taubira cherchant à étriper Manuel Valls. Nous vous voyons déjà en train de ricaner doucement en regardant Arnaud Montebourg qui va s'acharner férocement sur Benoît Hamon. Oui, Monsieur le président, vous allez encore nous amuser. Merci pour ces moments à venir.

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