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Que faire des mendiants ?
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Drame urbain

Brigitte Kuster, maire du 17e arrondissement de Paris, a saisi le Préfet de police cette semaine pour l’extension de l’arrêté anti-mendicité en vigueur sur les Champs-Elysées aux avenues de Wagram et des Ternes. Elle déplore une "multiplication des actes de mendicité agressive". Sans verser dans des clichés, comment traiter les mendiants ?

Julien Damon

Julien Damon

Julien Damon est professeur associé à Sciences Po, enseignant à HEC et chroniqueur au Échos

Fondateur de la société de conseil Eclairs, il a publié, récemment, Les familles recomposées (PUF, 2012), Intérêt Général : que peut l’entreprise ? (Les Belles Lettres),  Les classes moyennes (PUF, 2013)

Il a aussi publié en 2010 Eliminer la pauvreté (PUF).

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Atlantico : Brigitte Kuster, maire du 17e arrondissement de Paris, a saisi le Préfet de police pour l’extension de l’arrêté anti-mendicité en vigueur sur les Champs-Élysées aux avenues de Wagram et des Ternes. Elle déplore une "multiplication des actes de mendicité agressive", et souligne que "ces axes à très forte densité commerciale et touristique méritent sans conteste un traitement équivalent à celui des Champs-Élysées". Comment évaluez-vous les impacts de telles mesures ?

Julien Damon : Ces arrêtés, qui font systématiquement polémique depuis une vingtaine d’années, doivent d’abord se comprendre comme des réactions des élus aux demandes souvent justifiées des commerçants et des habitants. De manière caricaturale, il y aurait, d’un côté, les élus (de droite ou de gauche) méchants qui prennent des dispositions pour tenter de limiter les débordements liés à des sollicitations intempestives voire violentes, et, de l’autre côté, des responsables associatifs gentils qui nous expliqueraient combien nous sommes égoïstes et intolérants.

Ces mesures ne sont pas des réponses au problème. Ce sont des alarmes des élus face à un dossier qui n’est pas géré en France. Leur efficacité immédiate consiste à repousser le problème ailleurs. Collectivement, ils ne correspondent en rien à une politique efficace. Localement, ils se comprennent.


Si ces arrêtés ne fonctionnent pas, pourquoi s'entêter ?

Mais ils fonctionnent. En tout cas au niveau local. Leur répétition - je le répète, depuis une vingtaine d’années - signale juste que l’Etat (pour ne pas dire la France) n’a ni véritable politique ni pratique sur ce dossier.

Soyons clairs. La France est, dans l’Union européenne, le pays qui fait le plus en faveur des sans-abri. C’est aussi un des pays les plus tolérants à l’égard de la mendicité.
Pourquoi pas d’ailleurs ? Le point crucial est que nous sommes aujourd’hui dans un espace européen ouvert. La mendicité est un problème à la fois local et européen. Elle s’approche et se devrait se traiter à ces deux échelles.

Le Maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, s'était indigné de ces arrêtés courant décembre : "vouloir combattre la pauvreté par l'amende et la répression est choquant, au moment même où l’État ne remplit pas ses obligations ni en termes de mises à l'abri des mineurs isolés, ni en matière d'hébergements d'urgence". Selon vous, les arrêtés contre la mendicité sont-ils moraux ?

Ils relèvent du droit administratif. Je ne saurais dire s’ils relèvent de la morale. Chacun son opinion en la matière peut-être. D’un côté un peu de commisération hypocrite, de l’autre de l’intolérance déguisée.

Je crois, toutefois que sur ce sujet de la grande pauvreté et de l’errance, nous versons trop rapidement dans l’appel systématique à la compassion.
Il y a du dénuement, de la douleur. Mais concrètement aussi il y a de l’exploitation d’enfants, de l’esclavage. Sous couvert de bons sentiments on ne fait pas une politique efficace.


Dans ces conditions, que faire des mendiants ?   

La question traverse les siècles. Je répète qu’aujourd’hui elle traverse les frontières européennes. Mais soyons pragmatiques. Je pense qu’il faut appliquer les textes. Je pense aux articles du Code pénal qui interdisent la mendicité agressive et surtout l’exploitation des enfants en les incitant à mendier.

Je ne comprends pas pourquoi chaque jour on trouve dans les rues des grandes villes en France des enfants qui mendient seuls ou des adultes qui mendient accompagnés d'enfants. Parfois on arrache douloureusement des enfants à leurs parents alors qu’ils sont logés, salariés, intégrés. Dans le cas d’enfants exploités à la rue, on n’agit pas ou peu. Ou alors lorsqu’on agit on est critiqué. Plus généralement, je pense que chacun comprend qu’il s’agit d’un problème de degré et de proportion. L’intolérable, c’est la violence de la sollicitation (qu’il s’agisse d’insultes, d’intimidation ou d’exposition d’enfants).

Selon une note de la Préfecture de Police, les contrevenants aux arrêtés préfectoraux sont "pour la quasi totalité de nationalité roumaine" et que "la majorité des personnes présentes sur le site appartient à des réseaux crapuleux organisés". Comment lutter contre l'exploitation mafieuse de la mendicité ?

En appliquant les textes, que je viens d’évoquer, relatifs à la mendicité agressive et à l’exploitation des enfants. Et en comprenant qu’il faut les appliquer sans en faire un enjeu politicien avec "dégoulinage" d’apitoiement mal placé.

Propos recueillis par Franck Michel

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