Même le PS parle de concours Lépine de la fiscalité : mais quels seraient les impôts vraiment utiles ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le système d'imposition français est régulièrement la cible de critiques.
Le système d'imposition français est régulièrement la cible de critiques.
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Vous reprenez un peu de taxe ?

Le sénateur-maire PS de Dijon, François Rebsamen, a appelé le gouvernement à "arrêter le concours Lépine de propositions fiscales". Un nouveau signe de l'absurdité du système d'imposition français ?

François Tripet

François Tripet

François Tripet est avocat fiscaliste.

Avocat au Barreau de Paris depuis 1978, il est essentiellement un " patrimonialiste international " qui, avec son équipe, apporte son concours et son assistance à plus d'un millier de familles réparties sur les cinq continents.

François Tripet est l'auteur de l'ouvrage de réference "Droit Fiscal Francais et Trusts patrimoniaux Anglo-saxons " ( LITEC, 1989 )

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Atlantico.fr : Depuis son arrivée au pouvoir, François Hollande et son gouvernement ont décidé de nouvelles dispositions fiscales, augmentant un peu plus la pression sur les ménages français. Le système fiscal français n'était donc pas suffisamment développé ? Ne pouvait-on pas plus facilement trouver de nouvelles ressources avec l'arsenal déjà existant plutôt que de créer de nouveaux types d'impôts ?

François Tripet : Notre système fiscal est composé d'impôts directs, d'impôts indirects et de droits d'enregistrement. Le problème des impôts directs, c'est qu'ils plafonnent en période de crise puisque les revenus stagnent. Par conséquent presser jusqu'au bout les taux des impôts directs fait prendre le risque d'un mécontentement généralisé. La solution classique est alors de commencer par insister sur les contribuables les plus aisés arguant de l'idée classique qu'on ne leur enlèvera que le superflu, et qu'on leur laissera l'essentiel. Au passage, notons que cette conception n'est pas propre à la droite ou à la gauche, c'est juste un réflexe de gouvernants. 

Les impôts indirects, c'est-à-dire en France très majoritairement la TVA (qui doit représenter 60% ou 70% des recettes de l'État) sont très intéressants. Mais ils ont les conséquences inverses de la fiscalité directe, puisqu'ils renchérissent le nécessaire. Et vu qu'en plus, ces impôts touchent absolument tout le monde, c'est assez risqué politiquement. On voit bien d'ailleurs que les dirigeants n'y touchent qu'en dernière nécessité.

Les droits d'enregistrement enfin ont une variabilité plus faible. En principe en période de crise, les transactions immobilières sont moins nombreuses, quant aux droits de succession, il n'y a guère a priori de grandes variations sur le nombre de décès par an en France. Quant à la possibilité d'augmenter les taux, la France est déjà le pays dans le monde où ils sont le plus élevés au monde, et atteignent presque le niveau qui peut être jugé confiscatoire par le Conseil constitutionnel.

On a donc atteint la limite avec les impôts existants. On est en plein dans ce que démontre la "courbe de Laffer", à savoir que trop d'impôts tue l'impôt, et que lorsque le seuil de tolérance est dépassé, la rentabilité de la fiscalité baisse.Vu qu'on ne peut plus augmenter les taux, il faut alors créer de nouveaux impôts.

Or, quand on crée des impôts nouveaux, c'est que l'on est souvent en situation de tension. Donc la rentabilité de ces nouveaux impôts sera faible. L'exemple typique, c'est l'ISF qui, lorsque l'on soustrait le montant encaissé au coût de sa collecte doit rapporter 3 milliards d'euros maximum. Le contre-exemple, c'est la CSG, qui lui est un impôt très rentable, car il cumule tous les inconvénients de la TVA. C'est un impôt mal compris par les Français, donc peu critiqué, qu'on a longtemps refusé de qualifier "d'impôt" d'ailleurs. Au passage, la CSG a été mise au point par la gauche, mais la droite ne l'a jamais vraiment critiquée.

Depuis son arrivée au pouvoir, François Hollande a proposé des évolutions fiscales aux buts parfois clairement punitifs (fiscalisation des allocations familiales chez certaines catégories de la population, tranche à 75%). Un impôt punitif peut-il être utile ?

Non, jamais. L'impôt punitif a pour effet de faire fuir un peu plus le contribuable. Tout impôt punitif n'est qu'une vision de court terme de ceux qui n'ont pas d'arguments. Je citerai d'ailleurs Maurice Leuré, l'inventeur français de la TVA en 1954, qui disait que "l'impôt punitif précède toujours la hausse de l'imposition sur les classes moyennes." Une manière de rappeler que l'impôt punitif n'est qu'un prélude à une hausse de l'imposition qui, elle, frappera tout le monde. 

Dans l'arsenal fiscal français, quels sont les impôts qui vous semblent les plus absurdes ?

Si on doit faire la liste de tous les impôts absurdes du système français, cela nous prendrait beaucoup de temps... Un impôt est absurde quand il pèse sur l'activité économique. A ce titre, l'ancienne taxe professionnelle était particulièrement stupide. Pour résumer, plus vous embauchiez, plus vous deviez payer, et plus vous dégraissiez vos effectifs, mois vous deviez débourser. Une véritable incitation à ne pas se développer économiquement...

L'autre impôt que je trouve particulièrement imbécile, c'est la taxe foncière. En effet, le principe est que si vous détenez un bien, cela va induire pour la collectivité des charges qui exigent donc de vous une participation. Or, la plupart de ces charges font déjà l'objet de prélèvements (comme typiquement l'enlèvement des ordures). Par conséquent, on ne voit plus vraiment pourquoi il faut payer cette taxe foncière, on ne sait plus à quelle raison cela correspond exactement. De plus, l'assiette de cet impôt étant la valeur cadastrale de 1970, on voit bien que cet impôt est totalement absurde.

Y a-t-il, à l'inverse, des domaines où une fiscalité bien conçue serait utile, mais reste aujourd'hui absente en France ? 

Je pense que la mise en place d'une imposition sur les activités financières serait une bonne chose. Il s’agirait d'une fiscalité indirecte qui serait en quelque sorte une TVA pour les échanges financiers, un peu comme le propose la taxe Tobin. En effet, dans une économie moderne, la vitesse de circulation de l'argent entraîne une création de valeur ajoutée, qui pourrait donc légitimement être imposée. De plus, cette solution permettrait d'avoir une assiette d'imposition quasiment universelle, ce qui pourrait donc autoriser un taux très bas, et donc une acceptation de cet impôt très élevée, gage de son efficacité.

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