Mécénat macabre : quand le Qatar et l'Arabie Saoudite sont soupçonnés de financer les djihadistes les plus radicaux<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Mécénat macabre : quand le Qatar et l'Arabie Saoudite sont soupçonnés de financer les djihadistes les plus radicaux
©Reuters

Bonnes feuilles

Entre haine et paranoïa, la société française se fait de sa minorité musulmane et de l’islam français une représentation collective délirante, c’est-à-dire déconnectée de la réalité. C’est ce que Thomas Guénolé appelle l’islamopsychose. Il s’attelle, dans ce livre, à pointer les erreurs et à déconstruire les préjugés assénés sur ces sujets par Manuel Valls, Gilles Kepel, Éric Zemmour et bien d’autres. Extrait d'"Islamo-psychose" de Thomas Guénolé, publié chez Fayard (1/2).

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

Voir la bio »

Ainsi, le 8 octobre 2012, dans l’émission « C dans l’air », sur France 5, Louis Caprioli, ancien sous-directeur de la lutte contre le terrorisme à la DST (Direction de la surveillance du territoire, aujourd’hui Direction générale de la sécurité intérieure – DGSI), déclarait : « Des Français vont en Tunisie s’entraîner dans des camps jihadistes tunisiens financés par le Qatar, ou en Libye, notamment dans la région de Derna, où des gens s’entraînent avant d’aller faire le jihad en Syrie. » Le même jour, dans un entretien à La Dépêche du Midi, Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, évoquait « le problème de l’argent qui est alloué par des pays salafistes ». Puis, se faisant plus précis : « On n’ose pas parler de l’Arabie saoudite et du Qatar, mais il faudrait peut-être aussi que ces braves gens cessent d’alimenter de leurs fonds un certain nombre d’actions préoccupantes. »

Le 4 mars 2014, David Cohen, sous-ministre étatsunien des Finances pour le terrorisme et le renseignement financier, affirmait publiquement que le Qatar et le Koweït laissent opérer sur leur territoire les collecteurs de fonds du terrorisme. Le 30 septembre 2014, la revue de référence Foreign Policy révélait que, en Syrie, le Qatar a directement financé les combattants jihadistes parmi les plus radicaux jusqu’en 2013 – un financement qu’il sous-traite depuis, mais qui se poursuit151. De surcroît, sur les 35 millions d’euros de financement du terrorisme interceptés de 2010 à 2015 par la Cellule belge de traitement des informations financières, l’émirat du Qatar arrive en tête des pays d’origine152. À ce mécénat macabre s’ajoute l’attitude du régime autoritaire du président turc Recep Tayyip Erdoğan, qui s’est souvent comporté en allié objectif de l’organisation État islamique, notamment en faisant de la Turquie un débouché privilégié pour son pétrole153.

En somme, on peut imaginer que les cadres dirigeants de l’organisation État islamique ont choisi l’islamisme et l’intégrisme entre autres motifs pour bénéficier de ces mécénats, comme jadis diverses organisations armées avaient choisi le marxisme-léninisme pour obtenir le soutien financier de feue l’Union soviétique.

Dans cette hypothèse, résumer les attentats de l’organisation État islamique à l’expression d’une sauvagerie barbare et primitive, c’est commettre la même erreur que lorsqu’on prenait Adolf Hitler et ses lieutenants pour de simples fous furieux aux actes erratiques. Il faut au contraire prendre très au sérieux l’intelligence cynique que déploient ses leaders. Ainsi, les attaques qui ont frappé plusieurs pays, dont la France, au cours des deux dernières années relèvent d’une doctrine classique de stratégie militaire appelée guerre asymétrique. Le concept est simple : lorsqu’il existe un écart immense entre les ressources des belligérants, qu’elles soient matérielles ou humaines, le plus faible peut opter pour des actions peu consommatrices de ressources, mais à très fort impact sur le moral de l’adversaire. En l’occurrence, l’objectif des attentats sanglants ou encore des vidéos d’exécutions sommaires par décapitation ou par immolation que propage l’organisation État islamique est double : d’une part, faire oublier sa faiblesse dans le rapport de force strictement militaire, chaque attaque abominablement spectaculaire pouvant être présentée comme une grande victoire ; d’autre part, tenter de susciter dans les pays visés une psychose collective hostile aux minorités musulmanes pour, en retour, faire grossir le flux de recrues étrangères de confession musulmane dont l’organisation a désespérément besoin.

Extrait d'"Islamo-psychose", de Thomas Guénolé, aux Editions Fayard.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !