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Mauvaise nouvelle pour les grandes enseignes : les Français ne s’intéressent plus à la magie de la mode
©Reuters

La mode, la mode, la mode

La mode démodée : la jeune génération se désintéresse de plus en plus de la mode et consacre son budget aux loisirs, restaurants et vacances. L'industrie de la mode a du souci à se faire sur le sujet et voila pourquoi.

Frédéric Godart

Frédéric Godart

Fréderic Godart est professeur à l'Insead où il enseigne la théorie des réseaux sociaux et la psychosociologie des organisations. Ses recherches se concentrent sur la mode et le luxe. Il est l’auteur de Sociologie de la mode (La Découverte 2010) et de Penser la mode (IFM/Regard 2011). 

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Atlantico : En Angleterre, les jeunes de moins de 25 ans, indépendants financièrement, dépensent de moins en moins pour s'habiller à la mode (lire ici), préférant investir dans les loisirs de la vie de tous les jours et les vacances. Constatez-vous un phénomène similaire en France ? Selon vous, pourquoi la mode ne fait-elle plus rêver ?

Frédéric Godart : En France, les dépenses de mode sont stables, avec selon la Fédération française du prêt-à-porter féminin un panier moyen de 385 euros en 2015, quasiment identique à 2014 (les attentats et un temps particulièrement chaud ayant probablement réduit une croissance potentiellement plus forte). Les 13-24 ont dépensé le plus avec 646 euros en moyenne. On ne peut donc décemment pas parler de crise comme le fait l'article du Financial Times, en tout cas pas pour la France. Cependant, ce qui est certain, c'est que l'importance relative des dépenses de mode diminue avec, selon l’Insee, une réduction significative de la part de l’habillement dans les revenus des ménages français : on est passé de près de 12% dans les années 1960 à moins de 5% aujourd'hui.

Si la part des dépenses de mode diminue, c'est pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les prix des vêtements baissent sans cesse et puisque la capacité d'absorption des consommateurs/trices n'est pas infinie, le marché sature. De même, les styles reviennent assez vite, ce qui fait que l'on peut conserver ses vêtements plus longtemps (d'autant plus que la qualité moyenne augmente aussi) ; si l'on associe cela à une plus grande conscience environnementale et un goût pour le vintage, on obtient une réduction de l'importance relative de la mode : les consommateurs achètent moins car ils conservent et réutilisent plus. Le budget libéré est alors investi dans d'autres industries comme la téléphonie.

Il faut aussi noter que les marques de mode ont tendance à solder de plus en plus, et les consommateurs le savent et en profitent : cela réduit encore plus leurs dépenses. En fin de compte, l'importance de la mode diminue non pas parce que les individus s'en détournent pour d'autres domaines de consommation (restaurants ou voyages), mais ces derniers croissent parce que les dépenses de mode diminuent structurellement (trop d'offre, garde-robe peu renouvelée, etc).

S'ils délaissent le monde de la mode, comment  les Français choisissent-ils de s'habiller aujourd'hui ?

On ne peut pas dire que les jeunes de la génération Y délaissent la mode compte tenu du fait que ce sont toujours ceux qui dépensent le plus. Sociologiquement, deux tendances de fonds assez nettes se sont cependant imposées : un rejet grandissant de la mode rapide pour des raisons idéologiques (environnementales) et un goût pour la nostalgie, donc en partie le vintage. Mais l'emprise grandissante des réseaux sociaux renforce sans cesse la représentation de soi, donc la mode a toujours un rôle-clé à jouer.

Cette baisse de l'investissement des Français dans la mode a-t-elle des conséquences économiques pour ce secteur ? Va-t-il évoluer pour reconquérir ce marché, selon vous ? Comment peut-il y arriver ?

La perte de vitesse relative de la mode est un phénomène sans doute irréversible sauf à envisager un effondrement de la mode rapide et une augmentation des prix.

Cependant, l'esprit de la mode s'est propagé dans d'autres secteurs comme la gastronomie, l'électronique, les voitures... et, d'une façon générale, la consommation culturelle dans son ensemble. De ce point de vue, on peut dire que la mode est plus puissante que jamais et les difficultés du vêtement n'entament pas son emprise grandissante.

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