Négociations
Mariage homosexuel : le gouvernement pris au piège de revendications idéologiques qui dépassent de très loin le projet de loi
Les revendications des partisans du mariage pour tous sont avant tout symboliques et idéologiques et risquent de créer une cassure dans la société française.
Roland Hureaux
Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.
Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.
Face à la montée des oppositions au projet de loi sur le « mariage pour tous », le gouvernement allégerait le projet d’un de ses aspects les plus controversés : le droit des couples homosexuels à « commander » des bébés par Procréation médicalement assistée (PMA).
Cet amendement ne saurait susciter que la méfiance des opposants au projet, non seulement parce qu’il est loin de satisfaire leur souhait, qui est, pour la plupart, son retrait pur et simple, mais aussi parce qu’il risque de n’être qu’une concession de façade : ne dit-on pas déjà au lobby « gay » que sa revendication, provisoirement dissociée, sera satisfaite dans une loi ultérieure sur la famille ou la bioéthique ? Et à supposer qu’elle ne soit pas satisfaite par la loi française, nous avons signé suffisamment de conventions internationales contre toutes les formes de discriminations pour être un jour obligés de le faire.
Mais ce n’est pas seulement sur ce sujet qu’aucun compromis n’est possible face au projet de loi.
Oublier les schémas classiques de négociation
Nous ne sommes pas en effet dans le schéma d’une négociation classique portant sur des intérêts objectifs. Un tel schéma est bien connu : je demande 100, vous m’offrez 20, nous transigeons à 60.
Pour raisonner de cette manière, il faudrait supposer que nous ayons en face de nous un véritable groupe de pression ressentant vraiment une discrimination, défendant vraiment des intérêts particuliers (fiscaux, sociaux ou autres). Auquel cas, un compromis serait en effet possible comme il l’est sur la revalorisation du SMIC ou les prix agricoles.
Or tel n’est pas le cas. Non seulement les homosexuels effectifs sont très minoritaires, mais seule une partie de ceux-ci sont partisans du mariage homosexuel, et une partie de ces partisans seulement a vraiment le désir de se marier. Et pas pour des avantages matériels, pour le symbole !
Nous ne sommes pas dans une négociation classique parce que la revendication est purement idéologique. Ce que cherchent avant tout les militants du lobby LGBT, c‘est de faire reconnaître par la loi la stricte équivalence d’une relation homosexuelle et d’une relation hétérosexuelle. L’équivalence biologique n’ étant pas possible, la loi doit passer outre et « faire comme si » les homosexuels pouvait être père et père en leur donnant des droits strictement égaux d’avoir recours à la PMA ou d’adopter. L’idéologie, ce n’est pas nouveau, exige que la loi corrige la nature, voire la nie.
Le gouvernement aurait pu se contenter de proposer un additif au Code civil étendant les droits des couples de droit commun aux couples formés par des homosexuels. Or, il est allé beaucoup plus loin : il a choisi de bouleverser le droit de la famille dans son ensemble et de changer la définition légale du mariage de tous, y compris de l’immense majorité hétérosexuelle, suscitant ainsi la révolte de beaucoup qui n'étaient pas au départ hostiles au projet. Un parti aussi radical ne serait pas compréhensible sans l’idéologie. Procéder autrement, c’eut été, du point de vue de l’idéologie, continuer à traiter le couple homosexuel comme un cas à part : précisément ce que l’on veut abolir.
La conséquence qu’on pourrait dire mathématique de cette démarche est l’abolition, dans la foulée, de la différence homme/femme (père/mère, grand-père/grand-mère, oncle/tante etc.) dans la loi :
Si h x f = h x h, ou si h x f = f x f, c’est que h = f ! Cqfd.
En finir avec le mariage
Pourquoi une telle exigence ? Au premier abord, il s’agit de l’application pure et simple de l’idéologie du genre qui nie la différence naturelle de l’homme et de la femme pour n’en faire qu’une réalité culturelle (que le législateur a dès lors le pouvoir et, au motif d’égalité, le devoir d’abroger).
Mais, par-delà, se trouve la volonté d’en finir avec l’institution matrimoniale elle-même, puisque les tenants du projet ne cachent pas que leur souhait est à terme de vider le mariage de son contenu en supprimant les obligations, tenues pour résiduelles, de fidélité, de co-résidence, voire de soutien mutuel.
Quelles motivations derrière ce projet fou ? On peut invoquer la haine de l’héritage judéo-chrétien, qui est aussi la haine de la nature et donc la haine de soi, fondement de toutes les idéologies. La volonté de certains homosexuels de se déculpabiliser en demandant à la loi civile d’abolir une loi morale millénaire et quasi-universelle qui proscrit leur état, est sans doute une autre motivation. Mais pour vouloir être déculpabilisé, il faut se sentir coupable. Cette loi millénaire aurait donc encore tant d’importance qu'on veuille que la loi civile vienne l’abroger ?
En considérant le caractère idéologique de la revendication dite « gay », on comprend pourquoi la suggestion de tels hommes politiques, voire de tels évêques, qui proposent comme « moyen terme » d’améliorer le pacs, est à côté du sujet. D’abord qu’elle est inutile, le pacs conférant déjà beaucoup d’avantages. Ensuite, parce que ceux qui, à l’époque, l’avaient combattu, ont mauvaise mine à proposer aujourd’hui de l’améliorer. S’ils acceptent aujourd’hui le Pacs, dira-t-on, ils accepteront demain le mariage : ils sont seulement en retard d’une bataille ! Enfin parce que cette coûteuse concession ne serait nullement à même de satisfaire une revendication qui porte d’abord sur les symboles.
Plus satisfaisante pour les idéologues serait l’idée, caressée par certains, d’une « alliance » homosexuelle qui se conclurait en mairie, ce que la pression des maires et de l’opinion avait évité s’agissant du Pacs.
Mais au point où en sont arrivés ces idéologues, il n’est pas sûr que même cela leur suffise. Ils attendaient depuis si longtemps un gouvernement qui soit entièrement acquis à leurs thèses ; compte tenu de l’ampleur de la protestation qui s’élève contre le projet, ils savent que c’est pour eux le moment ou jamais d’atteindre leur objectif ultime. François Hollande qui, dans une parfaite inconscience de l’immensité des problèmes anthropologiques sous-jacents , assez typique de la légèreté socialiste, le leur a promis, donnerait l’impression de « se dégonfler » s’il faisait aujourd’hui la moindre concession.
Le gouvernement est ainsi le dos au mur. Face à l’ampleur du mouvement que se prépare, seul un refus du projet par l’Assemblée nationale, par le Sénat ou, si le président le provoque, par référendum, pourrait lui offrir une issue où , sans donner l’impression de se renier, il éviterait une grave cassure de la société française.
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