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Marcel Proust faisait beaucoup mieux...
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Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Laroque Latour est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.

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LIVRE

LES NOUVELLES ENQUETES DE MONSIEUR PROUST

de Pierre-Yves Leprince

Ed. Gallimard

410 pages

21.90 €

L’AUTEUR

Né en 1940 à Orléans,  Pierre-Yves Leprince a fait une carrière de   scénographe (décors et costumes de théâtre) après des études de lettres classiques au cours desquelles il découvre Proust. Véritablement « habité »  par l’écrivain, il produit sur France Culture les émissions consacrées au centième anniversaire de sa naissance avant d’écrire «Les enquêtes de Monsieur Proust", un premier volume en 2014 (432 pages), puis ce second volume, aussi long que le premier.

THEME

Noël Monclair, presque centenaire, se penche sur son passé : en 1907,  jeune coursier de 18 ans devenu ensuite enquêteur chevronné, il se lie d’amitié avec Marcel Proust, alors âgé de 35 ans, quand celui-ci, réfugié dans sa chambre, commence à rédiger « A la recherche du temps perdu ». Chargé par le Maître de recueillir des informations sur différents personnages, il lui rapporte les observations qui permettront au reclus de tirer les enseignements nécessaires à sa vision de la société.

POINTS FORTS

1 – La connaissance exhaustive de l’œuvre et  l’admiration sans bornes  que  Leprince porte à Proust. 

2 – De très belles pages sur les rapports entre musique et écriture : « sa passion mystérieuse du dilatoire et du biais »  fait de sa façon d’écrire une partition : « il ne compose pas des pièces pour instrument seul (…) mais des sonates à deux voix, des quatuors, des septuors, des opéras, des musiques d’ensemble. »

3 – La révélation de côtés méconnus de Proust, souvent perçu seulement comme maladif et atrabilaire : son rire, parfois si violent qu’il peut déclencher une crise d’asthme, sa courtoisie envers ses inférieurs et ses domestiques,  son  fabuleux pouvoir déductif  de maître en observation proche de celui de Sherlock Holmes, son ouverture d’esprit, enfin,  qui lui interdit d’établir une hiérarchie morale: Proust décrit et ne juge jamais.

4 - La conception de l’amour chez Proust qui ne peut  exister qu’à travers la jalousie (comme,  d’ailleurs, sa conception de l’amitié).

5 - La découverte (pour moi, en tous cas qui suis une « petite proustienne ») des débuts difficiles : les traductions de Ruskin sont un  échec éditorial et «Du côté de chez Swann »,  refusé par Gallimard  en 1913,  est publié à compte d’auteur ;  la première reconnaissance ne viendra qu’avec le Goncourt de 1919 pour  « A L’ombre des jeunes filles en fleurs »,  et Proust, mort en 1922, ne verra pas la parution des derniers tomes de La Recherche.

POINTS FAIBLES

1 – Le style –une langue pourtant parfaite-   paraphrase celui de Marcel Proust avec ses longueurs mais sans ses fulgurances : le  va et vient entre  présent, passé et  futur, supposé, comme chez Proust,  exprimer la permanence du temps fondée sur la mémoire, laisse une impression un peu brouillonne.

2 – Les « nouvelles enquêtes » portent en priorité sur des personnages équivoques, censés correspondre à l’ambivalence sexuelle de Proust, nettement privilégiée par le narrateur (Noël, pas Proust) : Adèle Renonville,  la dame couchée,  ou le « bonheur dans le crime » version Proust ;  le Janus vénitien, Loredana/Lorenzo, ou l’impossible choix ; le secrétaire fugitif et le grand valet suédois, porteurs de regrets ambigus…

3 – Le mode didactique qu’emploie Noël pour décrire les mentalités du début du XXe siècle, éminemment différentes selon la classe sociale. Celles de la basse caste sont  longuement explicitées et illustrées par des fautes grammaticales (toujours corrigées par Proust), des tics de langage  et des accents divers qui passent mal à l’écrit.

4 – Beaucoup de longueurs et  une fin bavarde qui n’en finit pas de finir.

EN DEUX MOTS

 L’intérêt de ces « enquêtes » est de faire découvrir ou redécouvrir Proust à travers l’hommage d’un passionné. Mais, puisque l’on parle de temps perdu, ce temps ne serait-il pas mieux employé à lire  l’original et  -longueur pour longueur- à découvrir ou redécouvrir ce chef d’œuvre qu’est  « le côté de Guermantes » ? 

UNE PHRASE

Ou plutôt un extrait, le paragraphe qui clôt le fameux épisode de la madeleine, dans le texte du maître lui-même :

 « Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »

Marcel Proust , À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, 1913.

RECOMMANDATION

A LA RIGUEUR

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