Manger, faire l'amour, dormir : les hommes sont-ils des animaux comme les autres ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nos instincts primaires sont beaucoup plus importants qu'on ne le croit.
Nos instincts primaires sont beaucoup plus importants qu'on ne le croit.
©DR

Instincts primaires

Des psychologues de l'université de l'Ohio ont mené une étude sur des jeunes de 18 à 25 ans pour mettre en lumière leurs pensées les plus courantes. Les résultats montrent que nous pensons essentiellement au sexe, à manger et à dormir. Pourquoi ? Eléments de réponse.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Selon une étude menée par des psychologues de l'Université de l'Ohio auprès de jeunes de 18 à 25 ans, les hommes pensent en moyenne au sexe environ 34,2 fois par jour (soit toutes les 28 minutes) et les femmes 18,6 fois par jour (soit toutes les 51 minutes). Que reflètent ces chiffres sur la sexualité des jeunes ?

Michelle Boiron :  Une explication de la différence entre les hommes et les femmes provient du phénomène de l’érection. Alors que les femmes sont beaucoup plus passives, au sens où elles n’ont pas besoin de prouver quelque chose, les hommes, de leur côté, ont toujours la trouille que cela ne fonctionne pas. Ils y pensent donc beaucoup plus.

Autre explication : la communication. Une jeune fille a tendance à parler de sa sexualité avec ses copines, à extérioriser la chose. Les hommes beaucoup moins. Il y a ceux qui se vantent, ceux qui font les beaux-parleurs. Mais, essentiellement, au moins au début, les hommes sont seuls face à leur sexualité, leur érection. S’il y a plus de communication chez les filles, il y a donc moins de pensées. L’homme a besoin de prouver sa virilité et cela peut le tracasser, donc il sera amené à y penser.

Cette même étude montre que le reste de la journée les jeunes pensent à manger (toutes les 38 minutes pour les hommes et toutes les 62 minutes pour les femmes) et à dormir (toutes les 33 minutes pour les hommes et 71 minutes pour les femmes). L'importance de ces instincts primaires ne fait-elle pas des hommes des animaux comme les autres ?

La grande différence réside dans le passage à l’acte. Les hommes pensent au sexe mais n’agissent pas nécessairement. Les animaux pratiquent le sexe essentiellement pour se reproduire. Les hommes réfrènent leurs besoins, leurs envies. Il y a le passage de la nature à la culture. Dès lors, la pensée, l’intellect entrent en jeu. On peut éventuellement parler de comportements humains assez bestiaux dans les cas d’addiction. En effet, dans ces cas-là, les hommes ne réfrènent rien : ils passent à l’acte. Mais en règle générale, l’homme se retient. Les animaux sont dans l’instinct pur. Ils ne pensent pas à des encas, ils vont se nourrir dès qu’ils en ont besoin.

On constate de plus en plus que les hommes perdent justement leurs instincts primaires. C’est pour cela par exemple que le phénomène de la pornographie se développe. C’est pour réveiller nos instincts. On ne fait pas l’amour pour se reproduire mais pour jouir. On ne mange pas pour se nourrir mais pour se faire plaisir. Dès lors, si les jeunes ont des pensées développées vers les instincts purs, on peut y voir une connotation positive.

Cette étude reflète-t-elle selon vous la vraie nature des hommes ?

Oui, cela reflète la nature de l’homme si on se base sur les instincts basiques, c’est-à-dire boire, manger, faire l’amour et se reposer. En effet, les instincts basiques se caractérisent par les besoins élémentaires. Toutefois, ce qui différencie l’homme des autres espèces c’est qu’il passe de la nature à la culture. Dès lors, il freine ces actes et peut laisser libre court à ses pensées.  Mais cette étude traduit bien un état de la société où le sexe et la nourriture sont omniprésents.

L’écart constaté dans l’étude entre les hommes et les femmes sur le nombre de fois où l’on pense au sexe est amené à se réduire.  En effet, la femme est désormais beaucoup plus libérée. Dès lors, elle pense beaucoup plus aux "choses" du sexe. Certaines femmes résistent encore au passage à l’acte, en revanche comme le sexe est maintenant omniprésent dans les magazines, la femme y pense nécessairement de plus en plus.

Il est important aussi de noter que l’étude vient des États-Unis et qu’elle n’est pas forcément relative à ce qu’il se passe dans d’autres pays. Il y a par exemple plus d’obèses qui ont tendance à penser à ce qu’ils vont manger chez les jeunes outre-Atlantique qu’en France. Le rapport à la nourriture est différent en France par rapport aux Etats-Unis.

Pourquoi ne pense-t-on pas plus au travail ?

L’étude porte sur les jeunes de 18 à 25 ans. Il s’agit de la dernière période d’insouciance avant qu’ils n’entrent dans la vie active. Ce sont les derniers moments de la vie où l’on peut encore laisser ses pensées vagabonder. Dans la société actuelle où le chômage est important et où les jeunes entrent dans la vie active beaucoup plus tardivement, il est normal que ceux-ci y pensent moins qu’au sexe par exemple. Cela ne veut pas dire que c’est généralisé. Mais les jeunes ont plus tendance à se laisser aller à des rêveries et à leurs instincts. Forcément, si on pense moins au travail, on pense plus au sexe, à manger et à dormir. Quand on pense à faire la sieste, c’est que l’on s’ennuie et je pense que beaucoup de jeunes aujourd’hui s’ennuient. Cela leur permet de différer leur entrée dans l’âge adulte.

Est-ce que l'ordre de ces priorités évolue avec le temps ? Une personne plus âgée pense-t-elle par exemple aussi souvent au sexe ?

On peut penser effectivement que les personnes âgées pensent moins au sexe. En vieillissant, une certaine baisse de la libido est constatée. Elle se répercute nécessairement dans d’autres domaines. Ainsi, le travail prend plus d’importance. En revanche pour la nourriture, le fonctionnement est inverse. Plus on vieillit, plus on a tendance à parler bouffe. Surtout les Français ! On sort à peine de table que l'on pense déjà à ce que l'on va manger plus tard. Même chose pour le sommeil. Les jeunes d’aujourd’hui, s’ils ne sont pas fainéants, ont tendance à se laisser un peu aller.

Ajouter à cela le fait qu’à l’âge adulte les préoccupations portent davantage sur les enfants, les petits-enfants, les vacances… Les responsabilités font que les priorités évoluent.

Mais sur la question du sexe, une évolution est toutefois à noter. Le phénomène des couguars montre que les personnes âgées pensent toujours au sexe. Certes moins qu’un jeune mais ce n’est pas le néant.

De toute manière, il y a toujours cette différence entre ceux qui passent à l’acte et ceux qui ne font que penser.  Mais, il est intéressant de voir que dans ce monde où on est pris de tous les côtés on ait encore le temps de pouvoir penser. Il faut absolument arriver à le conserver au maximum. Si on prend le temps de penser, peu importe à quoi on pense, c’est précieux. Gardons donc ce temps.

Propos recueillis par Maxime Ricard

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