Boson de Higgs : maintenant que la particule de Dieu a été trouvée, quel sera le nouveau Graal des scientifiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Il aura fallu plus de 30 ans aux scientifiques pour découvrir cette fameuse particule de Dieu, plus souvent appelée boson de Higgs. Quelle sera la prochaine étape ?
Il aura fallu plus de 30 ans aux scientifiques pour découvrir cette fameuse particule de Dieu, plus souvent appelée boson de Higgs. Quelle sera la prochaine étape ?
©DR

Mystères de l'univers

Les particules connues ne représenteraient que 4% de la composition de l'univers. Le champs de la recherche est encore vaste. Priorités : la matière noire et l'énergie sombre.

Enfin, ils y sont arrivés ! Il aura fallu plus de trente ans aux scientifiques pour découvrir cette fameuse particule de Dieu, plus souvent appelée boson de Higgs. Mais ça y est, les chercheurs du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN) ont réussi. L'organisation annonçait en effet le 4 juillet dernier avoir découvert à 99,9999% la nouvelle particule, le maillon manquant de la physique des particules. Mais maintenant que les chercheurs sont arrivés – probablement –  à la fin de cette quête, vers quoi se tourneront-t-ils ? La matière noire devrait probablement être leur prochaine croisade.

Mais pas d'inquiétudes, si le nom de "matière noire" à de quoi effrayer, nous n'avons rien à en craindre ! Bien au contraire. Selon Richard Taillé, enseignant-chercheur en physique, "la matière noire est en effet un concept très important en cosmologie et en astrophysique moderne".

Pour résumer simplement, il s'agit en fait d'une catégorie de matière hypothétique, souvent évoquée pour rendre compte d'observations, notamment les estimations de masse des galaxies, des amas de galaxies ou encore les propriétés des fluctuations du fond cosmologique. C'est justement là que réside toute son importance. En effet, la matière noire reste un ingrédient fondamental dans la recette permettant de faire naître les galaxies et les amas de galaxies que l'on observe aujourd'hui. Les scientifiques pensent que cette composante matérielle serait constituée de particules élémentaires, mais en aucun cas de matière normale, soit des protons, neutrons et électrons.

Imaginez-vous donc, on pense que cette matière noire, avec l'énergie sombre, ne constituerait pas moins de 80% de l'Univers !Le CERN explique en effet que les particules ordinaires "sont collectivement appelées matières. Elles forment 4% de l'Univers. On pense que le reste de l'Univers est constitué de matière noire et d'énergie sombre, mais celles-ci sont malheureusement difficiles à détecter et à étudier, si ce n'est à travers les forces gravitationnelles qu'elles exercent".

Mais comme pour le boson de Higgs, percer le mystère de la matière noire devrait prendre du temps. D'ailleurs, certains continuent même d'interroger l'existence même de la matière noire !

L'Observatoire austral européen annonçait d'ailleurs il y a seulement trois mois qu'il n'avait trouvé aucune preuve de la présence de matière noire dans une zone relativement grande autour du Soleil, alors que justement, on aurait dû y trouver beaucoup de cette mystérieuse composante matérielle.

Mais de récentes découvertes sont toutefois de bon augure, et laisse présager des avancées importantes pour plus tôt qu'on ne pourrait l'imaginer en ce qui concerne la matière noire.

En effet, un filament de matière noire connectant deux amas de galaxies, Abell 222 et Abell 223, a été observé pour la première fois en juillet. Si de tels filaments sont prédits depuis longtemps, ça n'en reste pas moins un triomphe pour le modèle cosmologique standard, comme le rappelle Futura Science.

La matière noire sera donc bien le nouveau Graal des physiciens. Et d'ailleurs, la particule de Dieu pourrait bien les aider à en apprendre plus dessus. Le physicien au CNRS Alexandre Zabi confirme en effet qu'"un modèle qui tenterait d'expliquer l'origine de la matière noir doit forcément prendre en compte l'existence d'un boson de Higgs".

L'avis de Luc Blanchet, directeur de recherche à l'Institut d'astrophysique de Paris.

Atlantico : La découverte du boson Brout-Englert-Higgs, annoncée par le Cern le 4 juillet, permet-elle d’apposer le mot « fin » aux recherches des physiciens de particules ?

Luc Blanchet : Il faut rester prudent : le Cern a découvert une particule à 125 GeV.c-2, dont tout le monde pense qu'il s'agit du boson BEH, mais il va faire des études précises pour vérifier qu'il a bien toutes les caractéristiques qu'on attend. Il reste à vérifier que la particule observée a exactement les caractéristiques du boson BEH.

Le LHC avait été construit avec comme motivation principale de découvrir ce boson, qui est extrêmement important car on pense que cette particule donne la masse à toutes les autres particules. En physique des particules, on invoque des symétries fondamentales qui, probablement, étaient présentes dans l'univers primordial, peu après le Big Bang. Ces symétries impliquent que les particules doivent avoir des masses nulles. C'est le boson de Higgs qui entraîne une brisure de symétrie et qui permet aux particules d'acquérir une masse. C'est donc très important, et ça a donc été vérifié par cette découverte.

Cette découverte est donc certainement une fin en soi, car elle permet de confirmer le modèle actuel de la physique des particules, qui marche extrêmement bien, et elle permet de penser que ce modèle restera valable avec des énergies assez élevées. Cela conforte donc les physiciens des particules et clôt tout ce qu'on attendait dans le cadre de la physique actuelle. Toutes les prédictions, toutes les particules prévues par ce modèle ont été vérifiées. De ce point de vue, ça clôt cette approche de la physique.

Pour autant, les physiciens des particules ne vont pas se retrouver au chômage, non ?

En effet. Il y avait une deuxième motivation lors de la construction du LHC (Large hadron collider, l'accélérateur de particule du Cern, ndlr) : tenter de découvrir s'il n'y aurait pas de nouvelles particules, au-delà du modèle standard qui vient d'être vérifié. Ces nouvelles particules, selon beaucoup de chercheurs en astrophysique, pourraient exister pour expliquer le problème de la matière noire.

La matière noire, c'est une matière invisible mais dont on connaît l'existence grâce à l'étude du mouvement de galaxies très lointaines. Elles ont des vitesses et des accélérations très importantes, ce qui ne s'explique que si, en plus de la matière visible, il y a d'énormes quantités de matière invisible. Cela est connu depuis les années 1930. L'astrophysicien Fritz Zwicky avait remarqué que dans les amas de galaxies très lointains, il semble y avoir plus de matière que dans celles que l'on voit.

Depuis, d'énormes progrès ont été faits, et on peut notamment mesurer le mouvement d'étoiles autour des galaxies. La vitesse de rotation de ces étoiles est inexplicable si l'on suppose que la galaxie n'est composée que des étoiles que l'on voit. D'où la matière noire, qui agit par la force gravitationnelle sur la matière visible. Elle serait de 5 à 10 fois plus importante que la matière ordinaire.

Quels sont les derniers développement dans la recherche sur la matière noire ?

Les observations du rayonnement cosmologique à 3°K, un rayonnement produit par le Big bang, nous confirment l'existence de la matière noire et nous disent que cette matière noire, si elle est faite de particules, n'est pas faite de particules ordinaires. Ce ne sont pas les même particules qui nous composent, les baryons. Nous sommes fait de baryons, des neutrons et des protons qui forment l'essentiel de la masse de la matière ordinaire, dans les noyaux d'atomes. La matière noire, on en a pratiquement la preuve en cosmologie, est faite d'une autre sorte de particules.

Le LHC va donc essayer de découvrir ces particules ?

Exactement. Le LHC va tenter de trouver des particules non-baryonniques, qui seraient des candidats pour la matière noire.

Plus précisément, il y a des théories qui permettent d'étendre le modèle de la physique des particules actuelle en l'englobant dans une théorie plus fondamentale et plus large. Il y a notamment la théorie supersymétrique, qui est motivée par des essais d'unification de toutes les forces, notamment de la force gravitationnelle avec toutes les autres forces connues. Cette théorie invoque la supersymétrie, une symétrie nouvelle dans la nature – une pure théorie, il n'y a aucune preuve expérimentale – qui suggère que chaque particule connue a un partenaire super-symétrique, qu'on n'aurait pas encore découvert.

 Les particules connues se classent en deux catégories : les bosons (les forces) et les fermions (la matière ordinaire). La supersymétrie associerait à tout fermion un boson, et vice-versa. Dans le modèle actuel de la physique, il y a des bosons très importants – notamment celui de Higgs – ; dans le cadre de cette théorie, le partenaire supersymétrique d'une combinaison entre le boson de Higgs et d'autres bosons (W et Z), qui serait un fermion, pourrait jouer le rôle de la matière noire. Le nom qui revient comme meilleur candidat pour cela est le neutralino.

La suite de l'aventure astrophysicienne consiste donc à découvrir ces neutralinos ?

Oui, mais il y a un point moins optimiste. Une petite classe d'astrophysiciens, dont je pense faire partie, met en doute le fait que la matière noire soit formée de particules. Si elle était formée de particules, on devrait observer certaines caractéristiques dans les halos de matière noire autour de galaxies ; la façon dont tournent les étoiles autour des galaxies ne devrait pas exactement être celle que l'on observe.

Le modèle de la matière noire faite de particule, qui marche extrêmement bien en cosmologie, à très grande échelle, a des problèmes pour expliquer la matière noire au niveau des galaxies. Donc, ce n'est pas évident que la matière noire soit entièrement faite de particules. Il pourrait y avoir d'autres phénomènes ; peut-être une modification des lois de la nature, de la loi de la gravitation, à un certain régime, ou peut-être aussi une nouvelle interaction entre la matière noire et les baryons, qui n'est pas encore connue et qui serait complètement en dehors du modèle actuel de la physique des particules.

Le problème de la matière noire est donc encore vraiment ouvert, on ne sait pas du tout ce que ça peut être. Il pourrait effectivement y avoir de nouvelles particules, mais il faudrait alors expliquer pourquoi la matière noire à ce comportement dans certains régimes.

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