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Luxe : le Fort Alamo 
de l'industrie française
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... connait pas la crise

Malgré la crise, sur les Champs-Elysées des dizaines de personnes font la queue devant la boutique Vuitton. En bourse, l’action LVMH a gagné plus de 80% et celle de PPR près de 20% alors que le CAC 40 abandonnait 20%. Et si le luxe incarnait un modèle de renaissance pour l'industrie française ?

Frédéric Godart

Frédéric Godart

Fréderic Godart est professeur à l'Insead où il enseigne la théorie des réseaux sociaux et la psychosociologie des organisations. Ses recherches se concentrent sur la mode et le luxe. Il est l’auteur de Sociologie de la mode (La Découverte 2010) et de Penser la mode (IFM/Regard 2011). 

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Le constat est frappant : en ces temps de crise, toutes les industries ne sont pas égales. Il suffit de considérer les files d’attente devant la boutique Louis Vuitton des Champs-Élysées pour s’en convaincre : les bourses s’effondrent mais les clients de la célèbre marque monogrammée n’ont pas l’air de trop s’en soucier… ou peut-être préfèrent-ils simplement oublier les aléas de la finance ? 

Quoiqu’il en soit, l’industrie du luxe continue à se développer et à croître rapidement au niveau mondial, et la France occupe une place enviée à son sommet. Dans ce secteur, elle parvient même à s’imposer très clairement en Chine et ailleurs alors qu’elle peine dans d’autres industries (combien de voitures françaises sont-elles vendues aux États-Unis et en Chine chaque année par rapport, par exemple, aux voitures allemandes ?).

LVMH a grimpé de 80% en 3 ans

Les succès de l’industrie française du luxe se retrouvent par exemple dans l’évolution des deux groupes LVMH et PPR. Cette réussite s’exprime dans des ventes en hausse constante et une présence boursière particulièrement solide comparée aux autres entreprises françaises : depuis octobre 2008, l’action de LVMH a gagné plus de 80% et celle de PPR près de 20% alors que le CAC 40 abandonnait 20%. Et il convient aussi de considérer les nombreuses créations d’emplois en France et partout dans le monde…Bien-sûr, il ne faut pas oublier l’ensemble des autres acteurs de l’industrie, trop nombreux pour être tous cités ici, qui contribuent aussi de façon significative à la croissance de l’industrie : firmes familiales comme Hermès, organisations professionnelles (Comité Colbert…), écoles (Institut Français de la Mode…).

Alors, faut-il se réjouir de cette réussite du luxe à la française ? La question est épineuse et avant d’y répondre il faut se pencher sur les clés de cette prospérité. Construire une authentique marque de luxe prend du temps et requiert un savoir-faire unique. La France est particulièrement bien placée de ce point de vue : elle dispose d’un réservoir de marques important hérité de l’Histoire et de compétences exceptionnelles des artisans du secteur.

À partir de là, on peut voir dans le luxe le dernier bastion d’une économie mourante, le « fort Alamo » d’une ancienne gloire industrielle. La réussite française dans ce secteur serait uniquement due à une avance historique que le temps effacera. Le déclin du luxe français serait inévitable, et son succès actuel serait comme un chant du cygne de l’industrie française, l’expression d’une dernière résistance admirable mais vouée à l’échec. Il y a déjà des marques de luxe américaines, chinoises et demain indiennes ou brésiliennes et avec le temps elles prendront l’avantage du fait par exemple de la taille des pays concernés.

Et si Renault ou Peugeot devenaient luxe et mode ?

Une autre perspective plus optimiste peut voir dans le luxe l’expression d’un certain « génie français », un avantage compétitif du pays qu’il faudrait exploiter plus avant pour vivifier d’autres secteurs de l’économie. Jean-Baptiste Colbert l’avait déjà dit dans ce qui constitue peut-être une citation apocryphe : « la mode est pour la France ce que les mines d’or du Pérou sont pour l’Espagne »…

L’identité industrielle et économique de la France ce serait alors le luxe et la mode et il serait bon que toutes les entreprises nationales s’en inspirent pour survivre. Prenons par exemple, le cas de l’industrie automobile. Pourquoi se cantonner au moyen de gamme passe-partout ? Citroën, Peugeot ou Renault peuvent avoir tout intérêt à méditer les récents succès de Fiat et d’Alfa Romeo qui ont su restituer à merveille l’identité italienne dans des voitures destinées à un public pourtant mondial… et tout à fait abordables.

L’économie française a donc une sérieuse carte à jouer. Il faut se pencher sur le succès du luxe et en tirer les conséquences stratégiques qui s’imposent.

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