Ludovine de La Rochère : "Si nous créons le Syndicat de la Famille, c’est parce que nous serons d’une détermination sans faille pour porter leurs voix"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mouvement de Ludovine de La Rochère, La Manif pour Tous, évolue pour devenir Le Syndicat de la Famille.
Le mouvement de Ludovine de La Rochère, La Manif pour Tous, évolue pour devenir Le Syndicat de la Famille.
©JOEL SAGET / AFP

Grand entretien

Pour ses 10 ans, La Manif pour tous évolue et devient officiellement Le Syndicat de la famille.

Ludovine de La Rochère

Ludovine de La Rochère

Ludovine de la Rochère est présidente du Syndicat de la famille (anciennement «la Manif pour tous»).

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Atlantico : Voilà 10 ans, La Manif pour tous, dont vous êtes la présidente et cofondatrice, manifestait contre la proposition du gouvernement d’autoriser les unions de personnes de même sexe et l’adoption d’enfants par ces couples. Désormais, vous faites muter votre mouvement en un "Syndicat de la famille". Pourquoi ? Qu’est-ce que cela va changer ?

Ludovine de La Rochère : Le mouvement évolue, en effet, mais poursuit sur son objectif, qui est de défendre la famille. Le nom de Syndicat de la famille est donc tout simplement beaucoup plus explicite que celui de « Manif Pour Tous ».

Il s’agit d’abord de défendre ce qui fonde la famille – la différence des sexes et la filiation père-mère-enfant – qui sont les conditions nécessaires pour qu’elle existe. Certains veulent l’oublier aujourd’hui, mais sans l’homme et la femme, il n’y a pas d’enfant ! Et cet homme et cette femme, l’enfant a besoin de les connaître et il a le droit, dans la mesure du possible, d’être élevé par eux, comme l’indique l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant. La famille repose ainsi sur la paternité et la maternité, sur lesquelles on est en pleine confusion aujourd’hui, par exemple quand on prétend qu’un homme pourrait être « enceint ».

Et bien sûr, au-delà de ces fondements anthropologiques, la famille, c’est aussi l’engagement, l’éducation, la transmission, la solidarité intergénérationnelle, etc.

C’est donc l’ensemble des enjeux qui concernent la famille qui mobilisent le Syndicat. En effet, alors que la famille structure la personne et la société, alors qu’elle est irremplaçable pour éduquer l’enfant, et donc pour « faire société », et pour construire l’avenir, elle n’est prise en compte qu’en négatif dans les mesures politiques qui la concernent : en bref, les partis de gauche veulent la déconstuire, et ceux de droite n’ont aucune idée ni ambition pour elle ! Quant aux centristes, ils se situent plus souvent du côté de la gauche en la matière.

Il est impératif, par conséquent, de défendre la famille, à la fois pour s’opposer à des projets délétères et pour proposer une culture de la famille, une vision globale et un ensemble de mesures en sa faveur. Celles-ci peuvent aussi bien concerner les allocations familiales et la fiscalité que la santé, l’éducation, l’instruction, la culture, le numérique, etc. Autrement dit, il faut une vision d’ensemble car la plupart des mesures politiques ont un impact positif ou négatif pour la famille, mais cela n’est ni pensé, ni pris en compte : il est temps que cela change !

La famille française, en effet, se défait. On le voit par la baisse continue du nombre de mariages et la chute de la natalité. On le voit aussi par la montée de la délinquance, qui touche même des enfants désormais, par l’augmentation des violences, des addictions ou encore de la solitude dont souffrent de plus en plus de nos concitoyens. Certes, les difficultés des familles n’en sont pas la seule cause, mais elles ont bien un impact considérable, ce qui est largement ignoré. Il est donc urgent de le faire entendre et d’agir.

Le choix des mots est loin d’être anodin. Pourquoi la famille a-t-elle besoin d’un "Syndicat" ? Dans un contexte social aussi marqué, est-ce un choix assumé ?

S’agissant de la famille, on ne parle pas, en l’occurrence, d’un syndicat professionnel. Ce type de syndicat défend les intérêts des travailleurs dans tel ou tel secteur d’activité économique ou étatique. Il s’agit, pour ce qui concerne la famille, d’un syndicat au sens plus large du terme : un organisme qui défend et ce, par des actions très diverses. Un syndicat veille, analyse, alerte, milite, fédère, forme, mobilise, manifeste parfois… C’est exactement ce que nous faisons !

Le terme de « syndicat » est également intéressant parce qu’il implique une défense déterminée, et c’est bien ce que nous souhaitons faire comprendre. C’est aussi la raison de ce choix, à propos duquel j’ajoute qu’il est parfaitement logique : au fil des années, La Manif Pour Tous était de facto devenue le Syndicat de la famille. Nous l’avons simplement officialisé.

Revenir sur le mariage homosexuel et l’adoption par les couples de même sexe fait-il encore partie de vos revendications ? Plus largement, quels vont être les combats de votre Syndicat de la famille ? Avec quelle hiérarchie dans l’ordre des priorités ?

Il est évident que la loi Taubira ne sera pas abrogée demain ou après-demain. Inutile de se faire des illusions là-dessus. Mais cela ne veut pas dire qu’elle ne pourra pas l’être un jour…

Et en tout cas, pour le moment, un travail fondamental et considérable est à mener, comme je l’ai expliqué plus haut. Aujourd’hui, nos priorités sont d’une part de nous opposer au militantisme du genre (origine de la loi Taubira d’ailleurs), qui prétend que l’homme et la femme ne sont que des constructions sociales et qui, notamment, incite les enfants et les adolescents à remettre en cause l’identité sexuelle qu’on leur aurait « assignée » à la naissance. C’est gravissime, et de nombreux jeunes en sont les victimes. Leur vie amoureuse et leur vie familiale à venir sont gravement compromises en raison des effets irréversibles des transitions hormonales et chirurgicales.

C’est d’autre part de développer une culture de la famille : la politique, en effet, est le prolongement de la culture et on ne peut espérer parvenir à des mesures politiques pertinentes qu’en passant d’abord par un travail d’analyse, de vision, de concepts, de langage et par une acculturation des politiques, en tout cas de ceux qui ne sont pas imprégnés de genre et de wokisme.

Toutes les familles pourront-elles demain se retrouver derrière votre syndicat ? Y compris celles qui se constituent par les procédures nouvelles acceptées par le gouvernement ?  (Reconnaissance conjointe d'un enfant dans un couple de femmes, reconnaissance de la filiation pour les enfants issus de GPA à l’étranger, etc.)

Nous invitons en effet tous les Français qui veulent défendre la famille à se syndiquer (www.lesyndicatdelafamille.fr), quels que soient leurs profils. Néanmoins, on peut supposer qu’il y a peu de chance que les personnes qui nient la différence et la complémentarité des sexes nous rejoignent. Mais ce n’est pas grave : on les entend beaucoup, mais elles sont ultra-minoritaires en réalité.

Que vous inspire, en tant que mouvement militant, les manifestations actuelles, les appels à la désobéissance civile et la prétention de groupes minoritaires à revendiquer le monopole des causes justes ?

Lorsque l’on est très nombreux à s’exprimer, et qu’on le fait pacifiquement, il est très difficile d’accepter le fait que nos gouvernants refusent de nous entendre, de prendre en compte nos arguments et qu’ils fassent à peu près comme si de rien n’était. Nous l’avons parfois vécu, à La Manif Pour Tous, et je sais comme la tentation de la révolte est grande. La colère, de fait, est parfois tout à fait légitime. Mais la violence ne l’est pas, et c’est la dérive à laquelle nous assistons aujourd’hui. Or la violence amène la violence, la division, les rancœurs. C’est désastreux !

Et sur le fonds du sujet, les retraites, force est de constater que si la réforme est mal fichue, elle est néanmoins nécessaire, même si cela ne nous réjouit pas. Mais une large partie de nos concitoyens ne le sait toujours pas, et donc ne l’accepte pas, puisqu’aussi bien les élus de la Nupes et du RN que les syndicats professionnels sont dans le déni, voire le mensonge pour certains. A cela s’ajoutent des erreurs évidentes du Gouvernement dans l’architecture et la présentation de la réforme. Et notamment, elle n’est pas adossée à une politique de relance de la natalité. C’est une aberration puisque notre système de financement des pensions repose sur la démographie et que la chute de la natalité ne cesse de s’accentuer. Il faudra donc, inéluctablement, rallonger de nouveau la durée du travail d’ici peu d’années. A moins d’un changement de paradigme en matière de politique familiale. Le Syndicat de la Famille y travaille !

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