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Lucidité et responsabilité dans les rangs du PS : François Hollande parviendra-t-il à faire en plein quinquennat ce à quoi il aurait dû travailler avant de se faire élire ?
©Reuters

Siffler la fin de récré

A moins de quatre mois du congrès de Poitiers, le Parti socialiste lance un bureau national sur fond de tensions internes. Entre adoption aux forceps de la loi Macron et combat acharné contre les frondeurs, François Hollande semble encore bien loin de parvenir à instaurer le consensus auquel on le sait attaché.

Fabien Escalona

Fabien Escalona

Fabien Escalona est enseignant en science politique à Sciences Po Grenoble, collaborateur scientifique au Cevipol (Bruxelles).  Il est co-directeur du Palgrave Handbook of Social Democracy(Palgrave Macmillan, 2013) et auteur de La social-démocratie, entre crises et mutations (Fondation Jean Jaurès, 2011).

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Atlantico : Jean-Christophe Cambadélis a déclaré sur Canal+ qu'avec lui "ce n'est pas sévère", se contentant de dire qu'au bureau national du PS, il veut "mettre les points sur les i" avec les frondeurs, sans qu'aucune sanction ne soit envisagée. A trois mois du congrès socialiste, quel est l'état des forces au Parti socialiste ?

Fabien EscalonaLa proximité du congrès explique en partie qu’aucune véritable "sanction" ne soit envisagée, ce serait explosif, d’autant que les rapports de force internes ne sont justement pas très lisibles. A part Cambadélis qui veut réunir l’écrasante majorité du parti derrière lui, les intentions stratégiques des autres sensibilités ne sont pas claires, et attendent sûrement les élections départementales pour s’exprimer.

La coalition dominante du parti ne forme pas un bloc, puisque les soutiens de la ligne gouvernementale ne peuvent pas clairement compter sur les amis de Martine Aubry. Ceux-ci ont signifié leur autonomie en déposant une contribution (ces textes préparent le terrain pour les "motions", sur lesquelles devront se prononcer les militants). On distingue en outre un pôle de droite, incarné par la contribution de Gérard Collomb et Christophe Caresche, et un pôle de gauche plus important mais éclaté, notamment entre les amis de Benoît Hamon et le courant "Maintenant la gauche" (en 2012, son chef de file Emmanuel Maurel avait affronté Harlem Désir pour la direction du parti, et recueilli un tiers des voix).

Dans ce paysage, les frondeurs sont loin d’être un tout homogène, puisqu’ils se répartissent entre plusieurs sensibilités, principalement entre les aubrystes et l’aile gauche historique. Réunis dans le collectif "Vive la gauche !", ils ont bien déposé une contribution commune, mais beaucoup en ont signé d’autres. Ils se partageront entre plusieurs motions, en fonction de leur ancrage local, de leur histoire militante et de leur affinité avec tel ou tel leader.

Dans tous les cas, savoir combien pèse chacune de ces forces est très compliqué, car le corps militant est lui-même en évolution, suite à une vague de départs assez importante. Le nombre d’adhérents entre les deux congrès pourrait s’être réduit d’au moins 15%. 

Selon certains obervateurs les frondeurs ne sont pas représentatifs de leur électorat (lire ici). Peut-on en déduire que la ligne portée actuellement par François Hollande et Manuel Valls a aujourd'hui l'avantage auprès de l'électorat socialiste ?

Au vu des résultats des élections intermédiaires, cela me paraît être une conclusion assez douteuse, du moins si l’on prend pour référence les citoyens ayant accordé leur voix à François Hollande en 2012. La démobilisation de son électorat, que ce soit lors des législatives partielles, des municipales ou des européennes, est d’abord imputable aux résultats de l’action gouvernementale.

En revanche, il est vrai que les contestataires de sa ligne ne sont guère audibles, à part des électeurs les plus politisés qui sont une minorité. Leurs résistances sont encore disparates, et à force d’affirmer qu’ils sont les vrais gardiens des 60 propositions et de "l’esprit du Bourget", ils s’interdisent de formuler un imaginaire et des pistes d’action vraiment alternatives. 

Entre les frondeurs et le coup de force de Manuel Valls sur la loi Macron, François Hollande est-il encore une fois victime de son obsession du consensus ? Ce qu'il n'a pas réussi en tant que premier secrétaire - imposer un leadership et une réelle cohésion -, il ne pourra donc pas le réaliser en tant que Président ?

Il y a un problème structurel et très ancien au PS, qui réside dans la déconnexion entre le leadership partisan et le leadership présidentiel. On s’en est aperçu avec l’écart entre d’un côté le programme du parti défini sous la première secrétaire Martine Aubry, qui était compatible avec un système d’alliance orienté à gauche, et de l’autre la ligne gouvernementale impulsée par le président Hollande, qui a suscité le départ des écologistes et des résistances jusque dans le groupe parlementaire socialiste.

En continuant la politique actuelle et en laissant un tel champ à Manuel Valls, qui ambitionne de changer la culture voire le périmètre d’alliances du PS, François Hollande ne peut pas produire de réelle cohésion. Même si son "art de la synthèse" a été moqué, ses dix ans à la tête du PS ont au moins donné lieu à des gains importants dans les collectivités territoriales. Depuis qu’il est président, c’est l’inverse qui se produit. Cela peut inciter beaucoup d’élus et de cadres intermédiaires à se dire que "perdu pour perdu", autant défendre leurs idées. 

La ligne politique de Manuel Valls et son utilisation du 49-3 l'ont-ils décrédibilisé aux yeux des élus socialistes ? Peut-on dire qu'il "agace" une partie du PS ?

Il faut rappeler qu’à la primaire socialiste, Manuel Valls n’avait rassemblé que 5% des suffrages. Il ne s’est jamais compté à un congrès et il ne le fera pas non plus à celui de juin prochain. Il peut donc en profiter pour jouer devant l’opinion publique le rôle du chevalier réformateur sans peur et sans tabou. Il prend le risque de renforcer les antagonismes au sein des députés socialistes, mais pense sans doute que les contestataires ne franchiront jamais le Rubicon (créer un groupe parlementaire autonome, par exemple, ce qui installerait une tout autre ambiance). Il espère que la majorité du groupe PS lui sauré gré d’incarner une forme d’autorité propre à limiter les dégâts d’un quinquennat mal entamé.

Plus encore que le 49-3, je pense que ce qui pourra le desservir sera le rappel, au moment des élections départementales, que le mode de scrutin choisi lui doit beaucoup. Or, il y a tout lieu de penser que ce mode de scrutin inédit (deux conseillers élus (ou éliminés !) par nouveau canton, avec une barre de 12,5% des inscrits pour se maintenir au second tour) amplifiera la défaite attendue du PS à l’échelle nationale. Sans compter ses anciens propos contre l’existence même des départements ! 

Le PS est-il loin d'en avoir fini avec les crises internes ?

On peut le pronostiquer sans prendre trop de risques. Les élections départementales et régionales de cette année vont heurter de plein fouet l’appareil. Et la pression constante des autorités européennes à réduire le déficit et à mettre en œuvre des réformes structurelles non annoncées pendant la campagne, alors que la déflation menace et que le chômage de masse perdure, promet encore d’intensifier la tension entre d’un côté la "responsabilité" au pouvoir que Hollande pensera incarner, et de l’autre la "représentativité" dont les élus auront l’impression de s’éloigner sans cesse. 

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