Libye : La guerre ? Quelle guerre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Avion de chasse français prêt à décoller du porte-avions Charles de Gaulle pour la Libye.
Avion de chasse français prêt à décoller du porte-avions Charles de Gaulle pour la Libye.
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La question qui tue

Depuis le 20 mars, la France participe à l'offensive de l'OTAN en Libye afin d'appliquer la résolution 1973 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU pour protéger les populations civiles dans le pays. Et si nous étions en guerre ?

Michel Goya

Michel Goya

Officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine, Michel Goya, en parallèle de sa carrière opérationnelle, a enseigné l’innovation militaire à Sciences-Po et à l’École pratique des hautes études. Très visible dans les cercles militaires et désormais dans les médias, il est notamment l’auteur de Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Les Vainqueurs et, chez Perrin, S’adapter pour vaincre (tempus, 2023). Michel Goya a publié avec Jean Lopez « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine aux éditions Perrin (2023).

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Atlantico : La France est-elle en guerre contre la Libye ?

Michel Goya : Juridiquement non, car il n'y a pas eu de vote par le parlement français. Il n'y a pas non plus eu de déclarations de guerre à la Libye. Donc officiellement, nous ne sommes pas en guerre. Dans les faits, nous sommes en guerre. Il y a d'autres exemples où la France s'est déclarée en guerre a posteriori sans déclaration de guerre.

Donc la déclaration de guerre n'a rien d'obligatoire ?

Non. Je vous rappelle que 24 000 soldats français sont morts en Algérie sans déclaration de guerre.

Pourquoi ?

Il y a plusieurs types de guerres possibles. Il y a les guerres inter-étatiques. Il existent des conflits armés entre deux organisations politiques. De fait on est en guerre. Nous avons un ennemi politique que nous affrontons les armes à la main. Donc on est en situation de guerre, qu'on le veuille ou non.

Qu'est ce que cela change sur le plan du droit international ou de la légitimité d'une guerre ?

Pas grand chose. Le mandat est une résolution des Nations unies invoquant le chapitre 7 et fait office de déclaration de guerre. C'est ainsi qu'on agit maintenant. Du point de vue juridique, cela  ne change pas grand chose. D'un point de vue diplomatique, non plus. C'est surtout psychologique.

On veut juste ménager l'opinion publique ?

Bien sûr. Typiquement après l'embuscade d'Uzbin en Afghanistan en 2008 où dix de nos soldats sont tués, la question s'est posée de savoir si nous étions ou non en guerre. Cependant, attention ! Quand on répond non, il ne faut pas s'étonner que des parents de soldats tués demandent des explications... Et dans ce cas-là, cela devient justiciable.

Nous ne sommes pas en guerre contre l'Afghanistan ?

Non. Mais nous sommes en guerre contre des organisations politiques. Nous sommes en guerre contre les Talibans, le HIG, etc.

Cependant, il y a eu un vote au parlement pour la présence française en Afghanistan. Y'en aura-t-il un pour la Libye ?

Normalement oui. Désormais, quatre mois après le déclenchement d'une opération militaire, il doit y avoir l'approbation par le parlement. Donc là, mi-juillet, si l'opération continue, il devrait y avoir un vote du Parlement pour la continuation ou l'arrêt des opérations en Libye.

Le Parlement étant largement acquis à l'exécutif... il ne devrait pas y avoir de surprises...

Oui, cela sonnerait comme une motion de censure. Lors du premier vote pour l'Afghanistan, en 2008, un parti d'opposition a voté contre. Ce fut une première depuis des dizaines d'années !

Nous menons donc une guerre sans le dire ?

Si on veut. Mais déclarerons-nous à nouveau une guerre un jour ? On peut se poser la question. Quand Israël a attaqué le Hezbollah en 2006, le mot guerre était interdit. Du coup les soldats ne savaient pas exactement dans quel contexte ils évoluaient : faisaient-il la guerre ou du maintien de l'ordre ? Cela les a beaucoup troublé. Et finalement, un an plus tard, le conflit a été baptisé « Seconde guerre du Liban ». Déclarer la guerre introduit un cadre cognitif qui rappelle Churchill promettant « des risques, du sang et des larmes », on n'est plus du tout dans le même contexte psychologique. Ainsi nos gouvernements hésitent à qualifier cela de guerre pour ne pas effrayer. Alors qu'on s'aperçoit le plus souvent que l'opinion publique est souvent beaucoup plus volontariste qu'on ne le croie.

Alors ça n'est que du marketing ?

Dans le cas de la Libye, qui n'est pas une opération unilatérale, certains pays ne veulent pas entendre parler d'une guerre. C'est le cas de la Russie ou de la Chine qui pourraient à tout moment déposer un véto à l'ONU. On doit ménager les alliés. Alors on fait ça très progressivement.

L'arrivée des hélicoptères et donc l'éventualité de militaires sur le sol change-t-elle ce statut ?

Aucunement. Ni juridiquement ni stratégiquement. Car le fait d'être au sol ou non ne change rien. D'ailleurs on peut faire bien plus de dégâts avec une bombe de 250 kg larguée d'un avion qu'un militaire tout seul crapahutant sur le sol libyen...

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