Kadhafi, ou comment l'Occident sait se fabriquer des ennemis<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Mouammar Kadhafi dans les journaux à Washington.
Mouammar Kadhafi dans les journaux à Washington.
©Reuters

Sautes d'humeur

Le CNT et les futurs dirigeants de la Libye connaitront-ils le même sort que Kadhafi dont l'image auprès de l'Occident évolua, selon les années, de sponsor terroriste infréquentable à dictateur sanguinaire en passant par la case client solvable ?

Pierre Conesa

Pierre Conesa

Pierre Conesa est agrégé d’Histoire, énarque. Il a longtemps été haut fonctionnaire au ministère de la Défense. Il est l’auteur de nombreux articles dans le Monde diplomatique et de livres.

Parmi ses ouvrages publiés récemment, Docteur Saoud et Mister Djihad : la diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite, Robert Laffont, 2016, Le lobby saoudien en France : Comment vendre un pays invendable, Denoël, Vendre la guerre : Le complexe militaro-intellectuel, Editions de l'Aube, 2022.

 

Voir la bio »

Un dictateur d’un pays riche est une personnalité respectable ou condamnable selon les circonstances. Seul le plus grand cynisme permet de comprendre les changements de regards occidentaux. Kadhafi comme Saddam Hussein, a occupé toute la palette du riche client moderniste à l’ennemi terroriste et obscurantiste.

En 1969, il est le nationaliste arabe, admirateur de Nasser, qui renverse le vieux Roi Idris, nationalise et expulse les Italiens, les Américains et les Britanniques. La hausse des prix du pétrole, que l’OPEP suivra quelques années plus tard, en fait un client fréquentable : 82 avions de chasse français sont vendus à Tripoli. Mais l’homme se fait aussi le champion du nationalisme arabe, cherchant désespérément un ou des partenaires, qui tous renoncent devant le caractère fantasque du personnage. Il finance tous les mouvements révolutionnaires de la planète : IRA, Palestiniens, FNLC. Mais soutient également Mandela et l’ANC, alors que l’ensemble des pays occidentaux se taisent sur le sort du leader Sud africain.  

Un avion de ligne libyen est abattu par la chasse israélienne en février 1973 dans le Sinaï, faisant plus de cent morts. Personne ne fut jamais puni ni même poursuivi, et le Premier ministre israélien est reçu à Washington - à peine une semaine après - sans être importuné par des questions embarrassantes. Kadhafi de son côté est impliqué dans de nombreux actes terroristes. En 1986, l'aviation américaine bombarde Tripoli, tuant 37 personnes dont la fille adoptive de Kadhafi, en représailles d’une bombe placée dans une discothèque de Berlin fréquentée par des "G.I".

La France de François Mitterrand, prudente, refuse le survol aux avions américains. Le colonel Kadhafi est aussi responsable de l'attentat contre l’avion Pan Am au-dessus de Lockerbie, tuant 259 personnes à bord et 11 au sol ; de celui contre le DC 10 d’UTA en 1989, qui fit 170 victimes. En reconnaissant sa culpabilité et en s’engageant à indemniser les familles, il redevient d’autant plus fréquentable qu’il se présente dorénavant comme un rempart contre le terrorisme islamique, et en particulier Al Qaïda. Il a de bons arguments, puisqu’en 1996, 1 270 prisonniers appartenant au Groupe islamique combattant en Libye ont été massacrés dans la prison d’Abou Salim.

L'ouverture de l'économie libyenne à des sociétés américaines et européennes, en fait un invité officiel en 2007-2008 de la France, l'Espagne et l'Italie. Les leaders politiques européens parviennent à lui vendre quelques batteries de missile, des vedettes ou encore des réseaux de télécommunications, mais heureusement pas de Rafale.

Sur le plan religieux, la dernière guerre d'indépendance en Libye étant revendiqué sous le même cri d'« Allah Akbar » dans les deux camps, il est difficile de savoir de quel côté était Dieu. Kadhafi, lui, se distinguait des autres dirigeants du monde arabo-musulman, considérant que le Coran était la seule source du Droit, rejetant ainsi l'autorité des hadiths et de la sunna.

De fait, il était vu comme un hérétique par beaucoup de penseurs musulmans, dont les dirigeants actuels du CNT, au premier rang desquels figure Moustapha Abdeljalil (Président)qui, dans la première déclaration d’indépendance, vient d’annoncer le rôle essentiel de la Charia dans la future législation du pays. Il a décidé le rétablissement immédiat de la polygamie qui n'était pas interdite sous Kadhafi, mais régulée : la loi imposait quelques conditions préalables comme le consentement de la première épouse.

Qui aurait pensé que le problème principal de la Libye détruite par la guerre, était le rétablissement de la polygamie ? Ancien ministre du colonel et « musulman modéré », Président de la Cour d'Appel de Tripoli, Moustapha Abdeljalil avait confirmé à deux reprises la condamnation capitale des infirmières bulgares et du médecin palestinien, accusé d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants libyens. Il a été qualifié par Bernard Henry-Levy de « Massoud libyen » en référence au chef de guerre afghan, pour sa faculté à convaincre le président Nicolas Sarkozy d’intervenir militairement.

Pour sa part, Abdelhakim Belhadj, alias Abou Abdellah Assadak, celui qui a annoncé qu’à partir de la prise de Tripoli, l’ensemble des groupes armés étaient désormais sous le seul commandement du Conseil militaire, est un ancien Jihadiste d’Afghanistan, d’Irak et de Tchétchénie.

Pour savoir si le CNT va devenir le nouvel ennemi, et si Kadhafi va faire l’objet d’une réhabilitation, prière de se tenir à jour quotidiennement !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !