Les vérités cachées de la France sous l'Occupation : Pétain et la collaboration<!-- --> | Atlantico.fr
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Philippe Pétain serre la main du chancelier allemand Adolf Hitler à Montoire-sur-le-Loir, dans l'ouest de la France, le 24 octobre 1940, lors d'entretiens à l'issue desquels Pétain accepte les conditions d'Hitler, notamment la collaboration.
Philippe Pétain serre la main du chancelier allemand Adolf Hitler à Montoire-sur-le-Loir, dans l'ouest de la France, le 24 octobre 1940, lors d'entretiens à l'issue desquels Pétain accepte les conditions d'Hitler, notamment la collaboration.
©PHOTOS D'INFORMATION INTERNATIONALE (INP) / AFP

Bonnes feuilles

Dominique Lormier a publié « Les vérités cachées de la France sous l’Occupation » aux éditions du Rocher. Explorant archives et documents oubliés, s'appuyant sur des témoignages inédits, Dominique Lormier enquête de façon minutieuse et incarnée, et nous dévoile des histoires incroyables, et beaucoup de faits méconnus sur cette période sombre de l'occupation nazie en France. Extrait 1/2.

Dominique Lormier

Dominique Lormier

Dominique Lormier, historien et écrivain, est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire militaire. Membre de l'Institut Jean-Moulin et membre d'honneur des Combattants volontaires de la Résistance, il collabore à de nombreuses revues historiques. Il est l'auteur d'une centaine d'ouvrages.

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Le Führer rencontre Pétain à Montoire le 24  octobre 1940. D’emblée, Hitler exprime son regret d’avoir à recevoir le Maréchal dans d’aussi tristes circonstances. Pétain déclare de son côté :

« J’ai toujours été un adversaire de cette guerre contre l’Allemagne. Le gouvernement français m’a envoyé comme ambassadeur en Espagne. Quand la crise éclate en 1939, j’ai demandé deux fois à pouvoir revenir en France pour reprendre mes fonctions au Conseil supérieur de la guerre. Car, d’après les nouvelles qui m’étaient parvenues, la France était sur le point de se jeter dans une aventure néfaste. Cette déclaration de guerre à l’Allemagne m’a semblé être une pure folie. Je suis désormais condamné à expier les fautes des gouvernements précédents. Pierre Laval m’a rendu compte de la conversation que vous avez eue avec lui le 22 octobre. J’en ai retenu que le thème principal en est une collaboration entre nos deux pays. Une telle coopération n’a pas été proposée avant la guerre. Mais on peut encore rattraper le temps perdu. Les Anglais en offrent la meilleure occasion. Alliés de la France, ils se sont depuis l’armistice incroyablement mal comportés envers elle. La France n’oublie pas les événements d’Oran et l’attaque sur Dakar. Cette dernière a été menée à l’instigation de l’Angleterre par un mauvais Français, un général qui a renié sa patrie. La France ne supporte plus de telles actions et cet officier a été aussitôt condamné à mort par contumace et à la confiscation de ses biens. Mais les Anglais poursuivent leurs attaques contre la France et avant tout contre son empire colonial. À Dakar, la France a résisté et repoussé les attaquants. »

Hitler répond :

« Je sais que le maréchal Pétain n’a pas été un partisan de la guerre contre l’Allemagne. Mais bien que n’ayant pas non plus désiré cette guerre, je considère comme normal que la France en couvre les frais. Je m’adresse au grand soldat qu’est Pétain pour justifier mon opinion sur l’avenir de la guerre. Je décide de poursuivre la lutte jusqu’à la destruction de l’Angleterre. La position de l’Angleterre est intenable, même si elle compte en vain sur l’Amérique et la Russie communiste. Il faut une imagination délirante comme Churchill pour croire à une défaite de l’Allemagne. L’Angleterre devra payer la plus grosse part le jour de sa défaite. Plus tôt l’Angleterre sera vaincue, mieux cela sera pour tous. J’envisage d’organiser une coalition d’Européens et de non-Européens contre l’Angleterre. Je prends donc contact avec vous pour savoir dans quelle mesure la France est disposée à entrer dans cette coalition. »

Pétain, prudent, déclare qu’il ne peut fixer dès maintenant les limites exactes de la coopération franco-allemande. Il peut simplement se prononcer sur le principe d’une telle collaboration. Il ne peut prendre aucun engagement sans l’avis du gouvernement. Il lui fera cependant connaître qu’il approuve ce principe de coopération, mais qu’il ne peut aller plus en avant, laissant ainsi à la France une porte ouverte sur son empire colonial. Il doit également tenir compte de l’opinion publique en France. Pétain donne ensuite libre cours à son admiration pour le programme d’armement du Reich.

Hitler résume ensuite l’entretien :

« Le maréchal Pétain se déclare prêt à prendre en considération le principe d’une coopération avec l’Allemagne, dans le sens que j’ai exposé. Les modalités de cette action seront fixées en détail point par point. Le maréchal Pétain souhaite, pour la France, une fin plus favorable de la guerre. J’exprime mon accord sur ce point. »

Puis, dans une lettre adressée à son entourage politique et militaire immédiat, Hitler se met à rêver :

« Le but de ma politique à l’égard de la France est de coopérer avec ce pays de la manière la plus efficace pour la conduite future de la guerre contre l’Angleterre. La France aura provisoirement à jouer le rôle d’une puissance non belligérante qui devra accepter dans le domaine de sa souveraineté, et en particulier dans ses colonies africaines, les mesures prises par l’Allemagne pour la conduite des opérations et à les appuyer dans la mesure nécessaire par l’emploi de ses propres moyens de défense. La tâche primordiale des Français est d’assurer défensivement et offensivement la protection de leurs possessions africaines contre l’Angleterre et le mouvement de de Gaulle. À partir de cette tâche, la participation de la France à la guerre pourra se développer pleinement. »

Pétain demeure cependant très en retrait par rapport à Laval qui souhaite ouvertement la défaite de l’Angleterre et une collaboration poussée avec l’Allemagne. Pétain constate seulement que l’Angleterre ne se conduit pas en alliée avec la France. Concernant la collaboration militaire, Pétain reste dans le flou, alors que concrètement Hitler demande que la France l’aide à acquérir des positions en Afrique. Pour Pétain, accepter le principe d’une collaboration économique est déjà une concession dont il attend une contrepartie de l’Allemagne. Il considère qu’en assurant Hitler qu’il défendra l’Empire français, il fait le maximum pour l’Allemagne.

Quelles sont d’ailleurs les réactions de Pétain après Montoire? Henry du Moulin de Labarthète, un proche du Maréchal, témoigne :

« Retour à la préfecture. J’aborde le Maréchal dans l’antichambre au moment où il se rend aux lavabos :

— Êtes-vous content, Monsieur le Maréchal, l’entrevue s’est-elle bien passée?

— Pas mal, j’avais peur de deux choses. De manquer d’assurance d’abord. Je n’en ai pas manqué. Lui non plus d’ailleurs. Et puis, d’en dire trop. Mais je suis resté en deçà de la ligne que je m’étais tracée avec le général Huntziger.

— Vous n’avez pas pris d’engagements immédiats?

— Non, aucun. Eux non plus. C’était une simple conversation de principe, un tour d’horizon politique comme dit l’Auvergnat Pierre Laval.

— Avez-vous parlé de l’Alsace?

— Pourquoi vouliez-vous que j’en parle. Elle doit rester hors de cause, hors de discussion. Comme le nord de la France, comme la zone interdite. Si je m’embarque dans ces histoires-là, on finit toujours par y laisser quelques plumes.

— A-t-il une belle voix ?

— Eh bien, mon cher, je vais vous faire une confidence. Je ne l’ai pas entendu. Cet homme qui hurle à la radio parlait presque à voix basse, et comme je suis un peu dur d’oreille… Mais Schmidt, le traducteur, parlait très distinctement.

— Vous ne l’avez pas entendu… C’est grave pour l’histoire, Monsieur le Maréchal. »

Vichy et la répression

Vichy renforce son organisation policière en étatisant les polices municipales en avril 1941 et en instituant diverses polices parallèles spécialisées, dont le Service de police anticommuniste (SPAC) et la Police aux questions juives (PQJ). Le ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu fonde dès 1941 les Groupes mobiles de réserves (GMR), qui participent à la lutte contre les maquis aux côtés de la Milice. En mai 1944, on compte 120 000 hommes participant au maintien de l’ordre du régime Vichy. Mais seuls les 4 000 à 5 000 francs-gardes de la Milice luttent réellement contre les maquis durant l’été 1944.

En zone occupée, suite à l’article 3 de la convention d’armistice, la police française doit se conformer aux règlements des autorités militaires allemandes et collaborer avec ces dernières d’une manière correcte. Au lendemain de l’armistice de juin 1940, les Allemands sont même allés chercher dans les camps de prisonniers de guerre les républicains espagnols, sans que le régime de Vichy proteste.

René Bousquet, nommé au secrétariat général à la Police par Pierre Laval en avril  1942, parvient à obtenir des Allemands davantage d’autonomie et de responsabilité, afin de donner à ses divers services une efficacité supérieure. C’est ainsi que les accords Bousquet-Oberg (général SS), de juillet 1942, prévoient que ce soit la police française qui prenne en charge les rafles des juifs, première étape de la déportation dans les camps nazis. Les gendarmes et les douaniers français se voient confier la surveillance des voies d’accès et des abords limitrophes du camp de Drancy. Les 16 et 17 juillet 1942, la rafle du Vél’ d’Hiv à Paris, organisée en partie par la police française, cause l’arrestation de 12 884 juifs déclarés « apatrides », dont 3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants, qui sont rassemblés au vélodrome d’Hiver dans des conditions sordides, puis à Drancy, d’où ils sont acheminés vers les camps d’extermination. Fin août 1942, 7 000 juifs étrangers sont raflés en zone « libre » et livrés aux Allemands. Les autorités françaises n’accèdent pas aux demandes allemandes de procéder à la déportation des juifs français, mais par contre acceptent d’étendre en zone « libre » la déportation de juifs étrangers. La police française, toujours sous les ordres de Bousquet, arrête cependant dans la région parisienne 700 personnes en octobre 1942, 600 en novembre et 835 en décembre, dont la plupart ont la nationalité française.

Comme nous l’avons déjà signalé, 40% des 76 000 juifs déportés vers les camps de la mort le sont avec la participation de la police française et de la Milice, cependant les 254 000 juifs qui échappent à la déportation bénéficient du silence, de la complicité ou de l’aide active d’un très grand nombre de Français. Les institutions religieuses, notamment juives, protestantes ou catholiques, jouent un rôle de premier plan dans l’accueil, la production de faux papiers et l’organisation de filières d’évasion.

L’ensemble des Français reste relativement passif devant les lois contre les juifs durant les années 1940-1941, mais on assiste à un revirement de l’opinion après les grandes rafles de l’été 1942. Dès lors, des Français non juifs aident les juifs pourchassés ou menacés. Un grand nombre d’établissements religieux, couvents, écoles, pensionnats, orphelinats, ouvrent leurs portes aux proscrits. D’autres sont accueillis dans des familles. Des policiers français préviennent certaines familles juives des rafles futures.

De mars à décembre  1942, 42 000 juifs sont déportés dans 43 convois, à destination d’Auschwitz. Les trois quarts viennent de la zone Nord et un quart de la zone Sud. En 1943, 17 000 juifs sont déportés en 17 convois, 13 pour Auschwitz, 2 pour Majdanek et 2 pour Sobibor. Durant les sept premiers mois de l’année 1944, 16 000 juifs sont déportés en 14 convois pour Auschwitz.

L’historien israélien Asher Cohen tient à souligner les faits suivants :

« La perte d’un quart de la population juive résulte donc, non seulement de la décision allemande, mais aussi de la collaboration française. La survie des trois quarts tient autant à l’inefficacité des persécuteurs qu’à des actions de sauvetage. La pression de l’opinion, l’intervention publique de quelques prélats et les réticences dans le gouvernement et dans l’administration, dès la fin 1942, limitèrent les pertes. La réaction juive, inefficace dans ses débuts, réussit ensuite à profiter d’une sympathie dans la population assez large pour organiser des actions de sauvetage importantes. »

La police française participe également à la lutte contre la Résistance. Néanmoins, un nombre non négligeable de ces mêmes policiers appartiennent à la Résistance qu’ils sont supposés combattre. Cependant, le 25 août 1942, plus de 200 policiers allemands, munis de faux papiers français, sont autorisés à pénétrer en zone Sud pour faire la chasse aux résistants. Par la suite, à partir de 1943, cette mission est transférée à la Milice de Darnand, notamment dans la lutte contre les maquis.

Extrait du livre de Dominique Lormier, « Les vérités cachées de la France sous l’Occupation », publié aux éditions du Rocher

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